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Patience d’une clandestine en France, d’Eveline MANKOU-NTSIMBA

En Afrique : "la patience, l’héroïne a dû en faire preuve depuis son plus jeune âge, lorsqu’elle quitta son village pour la ville, chez une tante, afin d’y poursuivre sa scolarité... En Europe : " l’héroïne sera confrontée à des choix et à des situations auxquels elle n’aurait jamais pensé dans son Afrique : fugues, avortements, tentation de la prostitution, ménage à trois, conception d’un bébé avec un homosexuel… "

Vous êtes arrivé en France, d’une manière irrégulière, cependant vous ne souhaitez absolument pas retourner chez vous où vous guettent la guerre, la misère et toutes ces choses qui font que les jeunes d’Afrique ne rêvent plus que de l’« eldorado » européen. Laurent GAUDE a d’ailleurs ainsi intitulé son dernier roman : « Eldorado », qui traite le même sujet. Or arrivé dans cet ‘‘eldorado’’, vous ne nagez pas dans un océan de bonheur et de richesse, vous ne goûtez pas au lait ni au miel, ce qui emplit votre bouche, ce sont « les raisins de la galère », pour emprunter à un autre auteur, Tahar Ben Jelloun, le titre d’un de ses romans. Par chance vous réussissez à éviter le charter, de quoi aurez-vous le plus besoin pour avoir droit un jour à un peu de lait et de miel, ne serait-ce que quelques gouttes ?

Eveline MANKOU-NTSIMBA répond par un mot : la patience. Elle raconte dans Patience d’une clandestine en France, un très court récit paru aux Editions ICES, le parcours du combattant, bien plus le chemin de croix d’une jeune fille en situation irrégulière en France. Bref c’est la vie des sans-papiers qui constitue le sujet de ce récit, où retentissent des accents autobiographiques.

La patience, l’héroïne a dû en faire preuve depuis son plus jeune âge, lorsqu’elle quitta son village pour la ville, chez une tante, afin d’y poursuivre sa scolarité. En contrepartie, elle apportait son aide dans les travaux ménagers. Mais voilà, c’est à la longue sur ses frêles épaules que reposaient TOUS les travaux, malgré le fait qu’elle allait à l’école et avait aussi besoin d’un peu de temps pour étudier. C’est aussi ce problème de service réciproque qui s’est institué dans les familles qui est posé. Sans vouloir diaboliser les parents qui accueillent une nièce ou une cousine lointaine, l’auteur voudrait faire réfléchir sur la façon dont on traite les enfants recueillis.

Ainsi l’héroïne dut s’armer de patience pour gérer son quotidien, qui bascule ensuite à cause de la guerre civile. Grâce à des passeurs, elle atterrit sur le sol français, mais commence alors la difficile vie de sans-papiers. Il faut d’abord se battre contre les services de police, il faut arriver à se «  volatiliser dans la société française » [1] ; puis trouver des moyens par lesquels sortir de la situation de sans-papiers. De fait, l’héroïne fait une « rencontre amoureuse » [2] avec un Français. La vie de couple sera loin d’être simple, l’héroïne sera confrontée à des choix et à des situations auxquels elle n’aurait jamais pensé dans son Afrique : fugues, avortements, tentation de la prostitution, ménage à trois, conception d’un bébé avec un homosexuel…

A ceux qui voudront la juger, elle répond : « Qui dans sa vie n’a jamais au moins une seule fois été confronté à un dilemme et n’a pas choisi une décision injuste aux yeux des autres si sa survie en dépendait ? » [3]
Bref, la coupe est pleine. « Mais que diable allait-elle faire dans cette galère ? » aurait-on envie de s’écrier, comme Géronte dans les Fourberies de Scapin. Et comment donc faire marche arrière ? Rentrer « sans avoir fait fortune est inadmissible aux yeux de tous » [4] ! On n’est « pas accueilli comme le fils prodigue de la Bible » [5]. Et comment trouver du travail dans un pays où « ceux qui gèrent le système économique essaient toujours de placer en priorité leurs parents ou amis parfois pour certains sans même être qualifiés au poste proposé. » [6]

L’héroïne est comme condamnée à rester en France. Cependant on ne sait pas comment cela se termine pour elle, le récit semble avoir été écrit dans l’urgence, dans la seule volonté de témoigner sur le pénible parcours d’une jeune fille sans-papiers, peu importe les zones d’ombre, les ellipses sur lesquelles pourrait s’interroger le lecteur, par exemple : comment la « rencontre amoureuse » se fit-elle ? Ç’aurait été un chapitre intéressant. Et comment l’héroïne parvint-elle à réunir les sommes exigées par les passeurs pour entrer en France ? Voilà quelques unes des ellipses contenues dans la nouvelle, dont la lecture est facilitée par la subdivision en chapitres.
Patience d’une clandestine en France, c’est «  une histoire vraie qui résume d’un vol ou survol rapide tant d’expériences vécues et jamais livrées. » [7]

Liss KIHINDOU

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