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Quel mal ronge la jeunesse congolaise ?

Pr Lecas Atondi Monmondjo

Telle est notre interrogation à tous, surtout après des graves incidents intervenus à Pointe-Noire lors des obsèques du Président THYSTERE TCHICAYA, au début du mois de Juillet 2008.
Un grand chahut, accompagné de désordres divers, a provoqué un choc dans l’opinion et surpris. Habituellement, dans les sociétés des peuples de langues bantu, le deuil est un moment de recueillement, et l’on dit bien souvent qu’il constitue une occasion de faire table rase des querelles de famille.

Jean Pierre THYSTERE TCHICAYA, grand leader dans le Kouilou et à Pointe –Noire où il fut Maire, était connu pour sa pondération, et formé à l’école des missionnaires, puis à l’Ecole Normale Supérieure (Saint-Cloud) en France. Il fut ainsi moulé dans les normes de la modernité française ; mais la société à laquelle il appartenait ne continuait-elle pas à entrevoir les choses comme nos ancêtres d’il y a un siècle ? On peut dire que chez chaque Congolais, aussi bien chez les adultes, que chez les jeunes cohabitent des habitudes qui ne se complètent pas toujours avec harmonie.

Palais du parlement
Palais du parlement a brazzavillr

Il y a, à n’en point douter, des tiraillements au plan culturel. Ainsi les faits de société peuvent être considérés comme relevant de la rationalité que l’école a imprimée à notre pensée de Congolais. Mais les pesanteurs de notre société viennent à la fois tordre le cou à notre position rationnelle. Et l’on se surprend pourtant à s’interroger sur la nature des Congolais, et particulièrement des jeunes ?

Sont-ils imbriqués dans la modernité, ou agglutinés à des habitudes d’il y a cent ans ? On pourrait évoquer la modernité, tout à la fois, et la tradition chez les Congolais.

Alors, parler de crise culturelle ne serait pas un excès de langage. Au demeurant, chez les Congolais, il y a des dominantes qui s’expriment modernes ou traditionnelles, selon les circonstances et les individus. On pourrait donc à la lumière des évènements de Pointe-Noire de Juillet, s’apésantir sur les dérives pendant les funérailles au Congo et en particulier à Pointe-Noire, lesquelles alimentent des rivalités dans les familles et entretiennent une véritable psychose.

De la sorcellerie.

Parce que l’évocation de la sorcellerie empoisonne les rapports interpersonnels, l’éducation à l’occidentale suffirait-elle à enrayer ces emballements des jeunes ? N’y a-t-il pas d’autres problèmes agrégés au désespoir des jeunes, lié par exemple au chômage ?
Voilà des pistes à explorer au cours de cette intervention.
Le chahut, les désordres, voire le charivari des jeunes lors des funérailles du Président THYSTERE TCHICAYA sont devenus une grande affaire d’Etat. On oublie que dans les familles congolaises, la mort à Brazzaville par exemple, tout comme à Pointe-Noire ou à Ovando donne libre cours à des comportements violents, à cause de l’imbrication de la sorcellerie.

A Moungali, monsieur Jacques MALONGA, Inspecteur d’Enseignement primaire est décédé de maladie après plus d’un mois d’hospitalisation, au mois de Juillet dernier.

Son corps est resté plus d’un mois à la morgue, car les parents et surtout les enfants de deux lits ne s’accordaient pas sur le lieu de son d’inhumation : au village ou à Brazzaville ? Voici le dilemme qui divisa la famille un mois durant. Voici, que l’on saisit les tribunaux, l’archevêque, car MALONGA fut longtemps Président du Conseil paroissial de Saint Esprit, on consulta le leader du MCDD, alors que MALONGA était de l’UDR-Mwinda.

Bref, on finit par faire le voyage au village et enterrer. Mais le camp des enfants opposés à l’inhumation à la campagne s’en retourna de nuit déterrer et ramener le corps dépouillé de son linceul. L’oncle paternel estime qu’il n’enterrera pas deux fois son frère. Des divorces en cascade interviennent, ce sont des déchirements incroyables dans la famille.

Je terminerai par une seconde anecdote, pour vous dire en fait que le Kouilou et la ville de Pointe-Noire n’ont pas le monopole de la violence, surtout en milieu des jeunes. Le sénateur Marcel ZANGUE a été porté en terre, il y a à peine 15 jours. Les volontés de son testament étaient claires ; il devait être inhumé près de son père dans le district de Makoua. Son frère aîné qui vit au village le rappela avec autorité à ses enfants mais, eux se souviennent des disputes entre les deux frères ; l’aîné accusant ZANGUE de sorcellerie, puisque ses enfants, les siens réussissaient bien dans les études et dans la vie, et ceux de son aîné faisaient mauvaise fortune. Alors, les enfants pesèrent de leur poids pour que ZANGUE leur père fut enterré à Brazzaville, défiant la volonté des proches, il le fut en effet et au centre ville.

L’argument des enfants était qu’au village, même mort leur père pourrait continuer de souffrir des persécutions de son aîné, dans l’autre monde.

Ces évocations permettent de tirer quelques leçons : le phénomène de la mort dans la société congolaise alimente des violences. Qui n’a pas fait l’expérience de la mort quand les jeunes à Brazzaville menacent leurs parents, l’oncle, l’aîné ou le tuteur ; Combien de fois la force publique n’a-t-elle pas été appelée au secours pour protéger des veillées funèbres, les enterrements où les proches sont menacés de lynchage ou d’être brûlés avec des pneus par les jeunes ? Les scènes des jeunes qui dansent et chantent tout nus hurlant des insanités sont courantes à Ouenzé, Talangai et Bacongo.

La tradition.

Dans nos sociétés, on ne meurt jamais de maladie ; on ne croit pas à la mort provoquée par un virus, ou un microbe. En fait, on ne nie pas la maladie, mais on est persuadé qu’elle a été introduite par la puissance maléfique d’une personne dotée de la puissance de la sorcellerie.

Les hommes publics qui enregistrent des morts dans leurs familles, neveux et nièces sont accusés de sorcellerie, aux fins parait-il de promotion, ou de consolidation de leur situation. Les brouilles sont nombreuses. Heureusement qu’en mettant beaucoup d’argent, ces personnalités politiques mettent la sourdine aux récriminations.

Dans les régions où l’on pratique la chasse ou la pêche, un oncle qui perd un neveu, ou une nièce, est soupçonné de transformer les morts en zombis, auxiliaires de la chasse et de la pêche. Ces morts pousseraient les poissons et le gibier dans les filets de leur maître, le chef sorcier, en l’occurrence l’oncle chasseur ou pêcheur.

Jean Pierre THYSTERE TCHICAYA n’a pas échappé à la règle de ces accusations et soupçons. Il vous souvient que THYSTERE TCHICAYA revint un temps à Pointe-Noire, pressé par des affaires de sorcellerie dans sa famille. Il arriva sur un fauteuil roulant tout blême, pour débrouiller des affaires de sorcellerie. Cela fut de notoriété publique. Il repartit en catastrophe en France, pour y mourir. Et tous se souviennent de la réaction des jeunes qui se portèrent chez son frère Delphin pour attenter à sa vie, le soupçonnant d’être « le mangeur de ya Thithi »

De nombreux soupçons.

Delphin, le frère aîné ne fut pas le seul à être soupçonné d’être le « mangeur » de THYSTERE TCHICAYA. THYSTERE TCHICAYA eut un allié politique, le Président Denis SASSOU NGUESSO. Pourquoi le chef de l’Etat ne serait-il pas pour rien dans la mort de THYSTERE TCHICAYA A l’issue du scrutin d’Avril 2007, l’influence de THYSTERE se réduisit à l’assemblée nationale et au Sénat, y compris aux Conseils de région et municipal et par la suite des montages de nouveaux partis et associations se réclamant du chef de l’Etat, le RDPS connut une grande évasion de ses cadres vers de nouveaux partis.

La trahison des politiques.

Ainsi, les élections législatives de 2007 connurent une vraie agitation. On vit THYSTERE TCHICAYA en colère, et ses militants prompts à en découdre avec ceux qui tentaient de faire chuter leur leader, mis finalement en ballottage au premier tour. Dans les milieux des jeunes de Mvoumvou, il était impensable que THYSTERE TCHICAYA se retrouve en ballottage. Ils crièrent au complot. Cette agitation fit croire que THYSTERE TCHICAYA disposait d’une milice :

  • le terme de Requins fut d’un emploi abusif, car le leader du RDPS, en dépit des pressions d’officiers originaires du Kouilou, de la Bouenza et du Niari, en dépit des demandes pressantes des cadres du RDPS, refusa la création de milices.
    1. Il renonça à assumer la responsabilité d’envoyer des jeunes à la mort, à porter des armes de guerre, pour tuer.
    2. Des témoignages nombreux attestent qu’il n’encouragea pas la constitution de milice gérée par son parti, comme ce fut la pratique de bien de leaders congolais.

N’eut-il pas de démêlées avec son allié ? On n’en parlait pas sur la place publique, néanmoins THYSTERE TCHICAYA qui voulait se porter candidat à l’élection présidentielle rendit public un texte pour la modification de la disposition qui empêchait des candidatures aux hommes et femmes de plus de 70 ans. Il exigeait de surcroît, des explications sur les recettes pétrolières quand le Premier Ministre déclarait avoir planquées quelque part. THYSTERE TCHICAYA demandait des comptes sur le pétrole, une question tabou, comme celle de l’instauration d’une commission nationale indépendante pour l’organisation des élections. Il signa de surcroît dans ce sens un texte conjointement avec le chef de la majorité présidentielle Justin LEKOUNDZOU.

THYSTERE TCHICAYA avait donc posé des actes qui ne pouvaient que déplaire le chef de l’Etat resté sourd à ces questions brûlantes de l’actualité.

Voilà des raisons de soupçonner le Président d’avoir lui aussi « mangé » THYSTERE TCHICAYA. Et le long du cortège, on entendait psamoldier, ‘Ya Thithi est mort, SASSOU le suivra’ comme une conséquence de la perfidie du chef de l’Etat. Mais quand on analyse un tel slogan, il n’y a pas de quoi s’effrayer. Si deux personnes ne meurent pas le même jour, il y en a une qui s’en va ad patres avant l’autre. Mais il ne s’agissait pas de cela ; mais plutôt de la revanche du mort, revenant frapper son assassin. Om voit que les Congolais baignent dans un univers bizarre, de croyances, et de supputations, loin de les épanouir, entretenant des angoisses, des rivalités, pouvant déboucher sur les violences.

Notre société connaît des comportements peu louables dans les milieux jeunes. Ceux-là, n’ont pas d’idéaux, ils mangent, boivent, voyagent à l’étranger, et claquent des centaines de mille dans les boîtes de nuit. A côté, d’autres jeunes n’ont pas de quoi manger, ni porter ces jeans de luxe que les enfants de nouveaux riches exhibent.

Qui dans ce pays n’a pas besoin de confort, ne rêvant pas de vie paisible ?

Pourquoi tout ceci ?

Nous vivons des phénomènes nouveaux, même s’il est vrai que les croyances à la sorcellerie et autres pratiques font partie de notre univers culturel ; mais le développement et l’ampleur que prennent les choses incitent à s’interroger gravement de nos jours.

Si l’homme reste le produit de la société, les hommes et les femmes reproduisent par l’éducation des modèles de l’élite ou de leur milieu social.

“Ceux qui dirigent le Congo”, à des exceptions près, ont un parcours de formation universitaire. Bien souvent, ils ont non seulement étudié en Europe, mais encore y ont travaillé dans des conditions propres à des sociétés modernes : transparence, ponctualité, efficacité, etc.….. A en juger par la qualité de la production de leurs documents, de discours, et des études largement diffusés, on est édifié par les approches novatrices et scientifiques, qu’ils ont de leurs problèmes : analyses pointues, « illustration conséquente ».

L’histoire nous renseigne que les sociétés organisées, telle en France, les comportements et l’éducation prenaient comme modèles, ceux de la Cour.
La mode, et le parler de prestige étaient copiés : le vestimentaire, et même les tics des aristocrates. C’est pourquoi, on se moquait dans une comédie de Molière, du Bourgeois gentil homme des maladresses d’un personnage cherchant une nouvelle peau. Il y avait donc émulation, c’est-à-dire le désir de monter haut dans la hiérarchie.

Au Congo, comme ailleurs, les jeunes sont ce que en font les adultes. Les enfants des hautes personnalités congolaises ne brillent pas particulièrement par l’exemple, mais par des frasques. On conte sur eux des faits gravissimes. Ils volent de l’argent à leurs parents, qui gardent par devers eux des centaines de millions en espèces à la maison. Ils conduisent de grosses cylindrées sans respecter le code de la route, provoquant des accidents voire des morts. Souvent leurs parents indemnisent grassement les parents des victimes, et le tribunal n’instruit aucun dossier.

Les enfants de hauts dignitaires prêchent par le mauvais exemple. Quand les plus démunis les regardent faire, ils rêvent d’être « également des violeurs de la loi.

Le chômage.

Un problème lancinant ronge également les jeunes, c’est celui du chômage et de l’injustice.

On m’a dit que Mvoumvou a toujours été un quartier cosmopolite, avec une forte concentration des originaires du Nord., qu’on ne désigne plus que par Mbochi. Ils vivaient harmonieusement avec les Vili. Nombreux sont ceux des cadres du Nord à se vanter d’avoir eu des condisciples Vili, d’avoir fréquenté le lycée Victor AUGAGNEUR.
Mais depuis un certain temps, le traitement des jeunes face au chômage a provoqué des clivages.

On répète bien, sans sourciller, que le régime actuel est celui de SASSOU NGUESSO et des Mbochi. Certains tiennent même des statistiques pour dénombrer les Mbochi placés à la tête des directions départementales, des services de tous genres.

La pratique en matière de recrutement laisse à désirer. Il semble, à écouter des confessions que les recrutements sélectifs privilégient des recommandations faites depuis Brazzaville énervent.

Avant tout, l’allégeance au parti présidentielle faisait espérer décrocher un job, mais de plus en plus on soutient que l’appartenance ethnique devient le critère de sélection.
Quand un copain du quartier émigre vers d’autres coins de la ville, il est mbochi, et il a trouvé du travail.

La cassure est fatale, et les raccourcis sont trouvés : il n’y a du travail que pour les Mbochi, et rien pour les Vili. On multiplie les témoignages et anecdotes, on livre des noms, on donne des références vraies ou fausses,
En tous les cas, les convictions sont faites.

On crée des conditions de frottements, pouvant déboucher sur la haine interethnique Travailler confère de la dignité, et si l’on renonce aux tests, et aux concours pour le népotisme, tel dénoncé par la chartre de l’unité nationale, on se dirige vers de graves fractures sociales et discriminatoires. Ces pratiques si elles s’avèrent vraies, sont loin de consolider la solidarité nationale, car ventre affamé n’a pas d’oreilles.

Au Congo, les politiques sont regardés comme les seuls susceptibles de donner un coup de pouce à l’embauche. THYSTERE TCHICAYA comme leader politique, propulsé au plus haut sommet aurait été capable de cela. Alors sa mort apparaît comme une catastrophe, et ceux qui trinquent, et vivotent seraient près à basculer dans l’innommable car tous leurs espoirs sont ruinés avec la mort de Ya Thithi

La révolte de Juillet est un appel à la justice sociale. Dans ce pays où le mythe de SASSOU NGUESSO qui connaît tout, et sait tout ce qui se passe dans ce pays, est mis à rude épreuve. Peut-être le soupçonne-t-on de se boucher les oreilles en face des cris de détresse. A quels moyens d’autres peuvent-ils recourir ? Les mobilisations de militants se limitant à la distribution des tee-shirts, un billet de 2000 Frs pour crier des slogans au soleil sont des pis-allers n’ayant plus d’efficacité, les gens exigeant de la dignité, et non de la mendicité.

Quelle formation ?

  1. La plupart des jeunes qui braillent sont des déchets de l’échec scolaire, les plus nombreux n’ont pu décrocher leur brevet, non plus leur bac.
  2. A cela, il faut ajouter tous ces diplômés de l’enseignement Technique, BAC et BTS fabriqués par divers établissements, qui ne prennent nullement compte du marché de l’emploi.
  3. On fait dans la routine : Bureautique, management…. Qui ne conduisent nulle part.

Il faut lancer une enquête nationale sur le marché de l’emploi, quand Total recrute des Ingénieurs, le Congo ne les forme pas, et la compagnie les importe. Depuis que le Congo est dans l’exploitation pétrolière, aucune politique de formation n’a été engagée. Pourtant les sociétés pétrolières mettent à la disposition du secteur des milliards pour la formation, que les fonctionnaires eux utilisent pour les études de leurs propres enfants. Ca c’est l’absence de politique nationale.

Les jeunes sont ce que les adultes font d’eux, des porteurs de pancartes. S’il y a quelque chose à changer, c’est regarder les jeunes avec un regard neuf, leur donner espoir.

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