Chez les Gaulois, c’est la gueule de bois. Le Mondial semble donc ne pas réussir aux Français, et la presse s’en charge pour trouver les boucs émissaires. Ceux qui ont suivi l’émission tardive de la 6 - Cent pour cent foot - animée par Axelle Denis, auront compris que cette équipe de France, c’est un peu le Titanic. Sauf qu’ici, le Di Caprio - Zinedine Zidane - est désormais l’objet de tous les tacles médiatiques. Plus de respect pour le Sauveur d’hier. On le dit vieilli, dépassé, « malade » depuis deux ans, et pourtant toute la France l’a réclamé comme un Messie, l’a supplié pour faire partie de la bande des Bleus. La même presse parle aujourd’hui d’une « équipe morose », de l’entraîneur Domenech qui n’opère pas de changements quand il le faut. Certains journalistes, dans cette émission, regrettent d’ailleurs que cet entraîneur n’ait pas appelé Anelka.
A ce train la France va regretter de ne pas avoir rappelé Eric Cantona ou Marius Trésor, et pourquoi pas Michel Platini au numéro 10 ! Pourtant, quelques heures avant le match, les Gaulois se livraient à des cocoricos si stridents que la basse-cour entière se sentait en sécurité. Une espèce de victoire annoncée. D’après les stratèges du petit écran - ces partisans du « y a qu’à » -, les pauvres Coréens seraient alors laminés par un 4-0 ! Le premier but de Thierry Henry en première mi-temps semblait confirmer les choses. C’était ignorer « l’art de la guerre » que maîtrisent bien nos Coréens. L’égalisation intervenant dans la deuxième période, je me mis à imaginer ce que seraient les commentaires des « y a qu’à » après l’affrontement censé redorer le maillot tricolore. la France du petit écran a vilipendé cette sélection "médiocre". Et donc, après une charge contre l’équipe entière, contre chaque joueur, contre l’entraîneur, les esprits revenant peu à peu, il fallait tout de même songer au match prochain que disputera la France contre... le Togo !
Là encore nos stratèges veulent se rassurer : il faudra gagner avec deux buts d’écart ! Les Togolais sont avertis : il faut sauver la France, lui laisser marquer ses deux buts sinon Nicolas Sarkozy retirera la carte de séjour aux ressortissants de ce pays dont les joueurs commettraient l’hérésie suprême : priver la Gaule du second tour du Mondial. Et on s’est mis à railler les pauvres Togolais parce qu’ils menaçaient de ne pas prendre l’avion si la question de leur prime n’était pas réglée ! Un journaliste rappelle que la question a été résolue. Estelle Denis - l’animatrice de l’émission - lance, ingénue : « Cela nous aurait au moins arrangés ! ». En effet, sans les Togolais sur le terrain, les Français seraient sûrs d’obtenir ce qu’ils recherchent désespérément depuis le début de ce tournoi mondial : une victoire, même une toute petite victoire. Mais les Togolais seront là, hélas. « Nous allons battre le Togo par deux buts d’écart ! » lance un de ces magiciens du petit écran. Facile à dire. La France pensait avaler jadis le Sénégal, et la suite prouva le contraire...
En fait il faudrait à la France une Coupe du Monde des « y a qu’à », une pelouse moins sèche, un temps moins chaud, des maillots moins bleus, des chaussures sans crampons, deux gardiens de but, un arbitre aveugle, un public qui ne regarde pas le match, un match qui dure 20 minutes, 13 penalties, une balle de tennis, un entraîneur coréen ; bref, une Coupe du Monde sans les Suisses, sans les Coréens... et peut-être sans les Togolais. Et là enfin, elle la remporterait haut les mains - puisque les joueurs n’ont plus de pieds depuis 1998 !
