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Qui est donc la plus grande dame des Lettres africaines ???

La Sénégalaise Aminata Sow Fall est l’une des plumes les plus autoritaires des lettres francophones. Très modeste, presque effacée, méfiante des querelles des agités du bocal négro-africain, Aminata Sow Fall est souvent ramenée à son célèbre roman La Grève des Bàttu (prononcer batou). C’est bien normal, pense-t-elle dans une interwiew parue cette semaine sur le site www.africultures.com à l’occasion d’un livre qu’elle vient de publier à Lausanne, Festins de la détresse.

De Camus ne parle-t-on pas de L’Etranger ? Ajoutons d’autres exemples : Henri Lopes et son roman Le Pleurer-Rire ; Camara Laye et L’Enfant Noir, Louis Ferdinand Céline avec son Voyage au bout de la nuit...
En fait c’est le destin des grands écrivains, c’est la marque de ceux qui ont commis un chef-d’oeuvre...

Les occasions de l’entendre sont si rares que je n’ai pas hésité à vous faire partager les paroles de celle que je considère comme la plus grande dame des Lettres africaines. Jugez donc avec quelle pertinence Aminata Sow Fall balaie la question de la littérature africaine ( ou pas africaine ) et celle de l’universalité...

Extrait de l’interview réalisée par Edwige H.

Avez-vous conscience d’être un monument de la littérature africaine ?

On me le dit souvent. En avril dernier, un colloque m’a été dédié à Dakar. Je trouve que c’est généreux d’avoir ce regard sur moi. Je suis très ému de découvrir comment les gens me voient, me lisent et me perçoivent. J’ai entendu un jour Alain Mabanckou parler de moi comme d’un éblouissement. Il m’a dit que leur génération me considérait comme un monument. Je suis très émue lorsque je les rencontre. Ils me portent. C’est de la générosité, de l’affection et c’est partagé.

Il y a quelque chose de paradoxal chez vous. Vous êtes présente sur la scène littéraire sans être visible. Au Sénégal par exemple, vous êtes presque effacée.

Cela est dû à mon tempérament. C’est aussi une question de choix. Je ne fais que ce que j’ai à faire et ce que je sais faire. Et ce que je sais faire, c’est écrire. J’y mets toute ma passion et mon énergie. Je ne cherche pas à me faire voir, à me créer une audience. C’est le seul domaine ou je suis fataliste. Je ne vais pas au-devant des choses. Je suis de nature plutôt retirée. Je ne vais pas par exemple intervenir dans le domaine politique. Si je dois le faire, ce sera à travers la littérature. C’est ce que j’ai fait par exemple dans L’Ex-père de la Nation.

Après trente ans de présence régulière sur la scène littéraire africaine, quel regard portez-vous sur cette littérature ?

Comme toutes les littératures, la littérature africaine pose les problèmes de l’humain. Toute littérature, d’où qu’elle soit pose toujours le questionnement

essentiel que tout être humain se pose : qui suis-je ? Comment survivre ? Comment échapper à la mort ? Ce sont des questions immuables auxquelles les hommes cherchent des solutions. Certains auteurs n’aiment pas l’expression littérature africaine parce qu’ils estiment que c’est de la marginalisation. Il y a une littérature française, il y a une littérature espagnole, pourquoi on ne veut pas qu’il y ait une littérature africaine. ? Moi, ça ne me gène pas d’aller dans une librairie et de voir mon livre au rayon littérature africaine. Je ne peux pas renier ma propre identité. Dire que je suis sénégalaise ne me dispense pas d’être universelle. Parce que l’universel commence au fond de soi-même. Tout universel part d’un endroit précis. La Grève des bàttu a été traduit en chinois. Je ne suis pas étonnée que des Chinois, des êtres humains ou qu’ils se trouvent, prennent un livre qui est à 10 000 lieues de leur préoccupation, et s’y retrouvent. Toute œuvre littéraire, artistique a une vision d’éternité. Comment échapper à la destruction par la création artistique ? Même lorsque l’auteur ne pose pas le problème, ce sont ces problèmes qui ressortent. Regardez tout ce que Mariama Ba[ auteur du classique africain Une si longue lettre, Ed. du Serpent à plumes ] a écrit sur la polygamie. Toutes les femmes, toutes les personnes qui ont lu son livre ne connaissent pas ces problèmes. Mais ce qu’ils ont perçu, c’est la souffrance, c’est la condition humaine, le destin de l’être humain dans ses aspirations, dans ses oppressions, dans ses questionnements, ses émotions. Et tout ça, c’est humain. C’est tout cela qu’on partage avec l’humanité, avec l’universel. La littérature africaine est universelle.

Interview realisée par Edwige H pour Africultures. (www.africultures.com)

Festins de la détresse d’Aminata Sow Fall est paru cette année aux Editions d’En bas, Lausanne.

"Contre toutes les misères du monde, l’euphorie du petit matin. Maar y croit. Il en parle avec la passion du poète essayant parfois de remonter à l’époque où, tout enfant encore, il livrait des pots de lait à quelques clients de sa mère éparpillés aux quatre coins de la ville. Il connaissait par cœur les rumeurs, les frissons, les secousses, les bruits et les couleurs de l’aurore car, à ses premières lueurs, il avait déjà fini sa corvée, ouvert l’enclos pour libérer les bêtes et noué quelques mailles des filets de son père si ce dernier n’était pas en mer. Il pouvait alors prendre le petit déjeuner copieux qui l’attendait dans un coin de la véranda puis s’en aller à l’école." Extrait du Chapitre 1.

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