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29 ème anniversaire de l’assassinat du Cardinal Emile Biayenda

Récit des cinq derniers jours de vie de son Eminence Cardinal Emile Biayenda

Vingt-neuf ans, jour pour jour, après l’assassinat de son Eminence le Cardinal Emile Biayenda, rien mieux que ses propres écrits ne peuvent témoigner des qualités humaines et spirituelles qu’incarnait le Saint Homme. Congopage fait une rétrospective des paroles d’un homme plein de sérénité qui va bientôt quitter ce bas-monde. Ces pieux propos sont extraits du journal LA SEMAINE AFRICAINE.

Ces cinq derniers jours de la vie terrestre du Cardinal Emile Biayenda sont cinq pages écrites de sa main, dans son cahier-journal. Les rapporter comme tels s’impose à nous ; c’est comme donner à lire et à méditer des "ipsisma verba " (des paroles authentiques) de Jésus de Nazareth dans les évangiles. dans son cahier-journal, il écrit ceci :

Vendredi 18 mars 1977

Après messe avec Mgr Mpwaty, nous allons à Ngangouoni visiter la maison des religieuses en construction. A notre retour à l’Evêché, on m’annonce que l’audience programmée pour 9h30 a été repoussée après 11h00.

A 11h30, Monsieur l’Abbé Badila , avec deux religieuses de St-Joseph de Cluny nous nous rendons à l’état major où nous avons une audience avec le président de la république nous attendons plus d’une heure on nous servira un rafraîchissement au us et au champagne puis le président arrive, nous salue, s’excuse et nous fait asseoir. Depuis une semaine il lutte avec la grippe. C’était pour le terrain des Sœurs. Peut-être sont-elles gênées par la proximité du lycée. Dans ce cas elles pourraient ailleurs un terrain de leur choix où l’état se chargerait de construire. Mais le président comprend aussi que cela peut coûter car les sœurs sont là depuis 100 ans Ce qui est vrai. Les Sœurs proposent de céder quelques bâtiments, de construire un mur et de changer de rue d’entrée. Les sœurs disent aussi que leur mission est un carrefour et un lieu de rencontre, d’hébergement pour toutes les Sœurs qui viennent à Brazzaville pour les soins ou autres commissions. Le Président comprends et accepte la proposition des Sœurs. Qu’elles présentent un devis. Le génie militaire pourrait se charger de réaliser cela. En outre, la salle louée par le lycée depuis l’année dernière, et qui n’a pas été indemnisée le sera. On parle du dispensaire de Linzolo. Le Président contrôle si l’eau avait été installée. Oui ! Et la Land-Rover obtenue ? Oui ! Il promet d’y retourner un jour assez proche.

Le Cardinal et M. Ngouabi

On parle de l’affaire « Père Siguard » ; du cautionnement du rapatriement du personnel missionnaire ; etc. Le Président donne des assurances et fait prendre notes. Il propose un apéritif , mais nous répondons que c’était chose faite dans la salle d’attente.
Nous nous quittons vers 13 heures et demie. Nous rentrons à l’Archevêché, les docteurs Monsieur et Madame Guy, l’Abbé Thiriez avec nous.

C’est à la fin, vers 14h30 que nous entendons des rafales de mitraillettes en direction de l’Etat-Major. Bientôt l’alarme du camp est déclenchée. On pense à une manœuvre des militaires. Surtout que demain c’est le jour anniversaire de l’accident d’hélicoptère d’où périrent deux personnes, le Président étant sauf avec d’autres compagnons. La rafale continue. Les gens et les élèves fuient. Bientôt on apprend que c’est le Président qui a été agressé et qu’il est grièvement blessé. Les agresseurs seraient tués sur place. La radio ne dit rien, sauf l’annonce du couvre-feu sur tout le Congo, de 19h à 5h du matin. On dit aussi que la musique continuera toute la nuit jusqu’à demain matin.

« Seigneur, par Saint-Joseph, ton Père Nourricier, nous vous recommandons ces durs et cruels évènements ! nous attendons tout de vos mains. Aide-nous à veiller. Donnez-nous la paix... »

Samedi, 19 mars 1977

Toute la nuit, la radio a joué de chants révolutionnaires. A 7h00, c’est le communiqué fatal. Hier, à 14h30, le président de la République, assailli à son domicile de l’Etat-major, a été tué par un commando-suicide . On apprendra plus tard que ce commando était conduit par l’ex-capitaine Barthélémy Kikadidi, en fuite avec un autre, laissant deux d’entre eux sur la pavé . C’est dit-on, l’œuvre du fils du Président âgé de 15 ans. Un autre garde présidentiel y a trouvé la mort.
Pour la sécurité du pays et pour préparer les obsèques nationales au chef disparu, une équipe de onze militaires a été créée . Un deuil national a été décrété.
Les Frères de St-Joseph ont renouvelé leurs vœux. Ne pouvant y être moi-même, j’ai délégué l’Abbé Barthélémy Batantou, pour les recevoir.
Messe au juvénat Zungula, à 17h30 pour mes filles qui partent demain en vacances de Pâques.

Dimanche 20 mars 1977

Il a plus toute la nuit et jusqu’à la mi-journée. Ne suis pas sorti. Le pays est en deuil. Les obsèques du Président défunt ont été fixées au 2 avril prochain.
Lundi 21 mars 1977
Le deuil continue : le travail reprend de 6h00 à 13heures . Les après-midi sont consacrés au recueillement ; chacun dans sa famille. Les communications avec l’extérieur reprennent aujourd’hui.

Le Cardinal sur son lit de mort

TRISTE EPILOGUE

Mardi 22 mars 1977

Etant donné que le Cardinal Emile Biayenda rédigeait de nuit, la page du 22 mars est restée vierge à cause de son enlèvement et de son assassinat entre-temps.

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