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Si le pouvoir de brazzaville adoptait la stratégie "gagnant-gagnant"

En parlant de système politique idéal, en contrée africaine où malheureusement prolifèrent encore beaucoup de pouvoirs asymétriques, il est toujours utile de rappeler que le seul système connu à ce jour qui garantirait une plus grande réciprocité type gagnant-gagnant de la relation qui lie les gouvernants aux gouvernés est le système démocratique. Cela se traduit. dans le fait que le gouverné peut révoquer les gouvernants à des dates précises lorsqu’il n’est pas satisfait. Il n’y a pas lieu de faire des révoltes ou des révolutions. En effet la régularité des rendez-vous électoraux donne au peuple le sentiment de détenir le pouvoir et à chacun des ambitieux l’espoir d’avoir son tour. Ce qui fait que les acteurs de cette relation s’obligent à coopérer et à surtout à ne pas créer des précédents pouvant arrêter le jeu.

Les gouvernants pour durer sont obligés d’être à l’écoute des doléances des gouvernés, en satisfaisant le minimum vital des électeurs, pour espérer avoir leur suffrage lors des rendez-vous électoraux.
Ce système malgré certains défauts et critiques a dans son ensemble, au cours de l’histoire, montré sa stabilité et une meilleure performance dans le sens du progrès, par rapport à d’autres systèmes politiques.
Le système démocratique, qui par ailleurs est essentiellement basé sur les élections, ne tient que parce qu’il offre à ses protagonistes une forte espérance en l’avenir, comme grande récompense de vivre ensemble sans violences.
C’est pourquoi les peuples africains avides de liberté et vivant sous des dictatures réclament la démocratie, car ce système, à cause de ses caractéristiques, a de ce fait les fondements d’une paix perpétuelle, et d’une non-violence qui impliquent une coopération du type Gagnant-Gagnant et beaucoup de tolérance.

Les élections dans un système véritablement démocratique ne sont jamais une confrontation à somme nulle. Pour que la démocratie puisse continuer à fonctionner et empêcher des révoltes, il est donc essentiel que toutes les parties (partis politiques et autres forces politiques) aient une parcelle de pouvoir. Dans telles démocraties, notamment occidentales et asiatiques, il est mal vu qu’un seul camp détienne tous les pouvoirs (présidentiel, législatif, local, économique, administratif, culturel, sportif, etc.) qui font fonctionner un pays comme c’est encore le cas dans plusieurs pays d’Afrique.
Dans les conditions idéales de démocratie si pareille situation advenait, le risque d’insurrection, de grèves, de révoltes et de révolutions, est fortement élevé, du fait même des frustrations qu’engendrent toute privation de pouvoir et de la tendance naturelle à une hégémonie de type presque totalitaire pour celui qui détient tous les pouvoirs. C’est ce qui se passe dans la plupart des pays africains dont les pouvoirs évoluent sous les multiples formes de la dictature.
C’est pourquoi dans les démocraties où surviendrait l’asymétrie du pouvoir, le pays deviendrait ingouvernable. Les citoyens se sentent en danger de démocratie, descendent dans la rue, pour reprendre le pouvoir. Et souvent on a vu que pour éviter le chaos, les tenants du pouvoir convoquent des élections anticipées. Tout cela pour apaiser le pays. De telles situations se passent souvent en Occident et en Asie.
En ce qui concerne l’Afrique, on est loin de tels schémas, qui semblent idéaux au vu de ce que nous révèlent les faits historiques et la vie quotidienne.
L’Afrique tout entière avec des systèmes présidentiels, ne reposant pas sur la représentation nationale de toutes les composantes du pays, aurait plutôt des systèmes non démocratiques donc asymétriques du pouvoir. Ainsi toutes les élections sont sujettes à débats et suspicions de la part de ceux qui ne sont pas au pouvoir et de crainte énorme pour ceux détenant tous les pouvoirs.
Ce qui se passe dans la plupart des pays africains, particulièrement de l’Afrique centrale (Angola, Cameroun, Congo, Congo Kinshasa, Centrafrique, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad), les pouvoirs évoluent sous forme de dictature totalitaire, où l’opposition ne détient aucun levier de pouvoir tant politique, militaire, économique, administratif, culturel, sportif, que médiatique.
Ce qui fait que ne disposant de rien, ces oppositions espèrent prendre le pouvoir à la suite des élections, car les pouvoirs en place ayant dans le passé fait preuve de cruauté inimaginable en guise de représailles pour ceux voulant mettre fin à la mascarade que le jeu démocratique leur impose.
C’est le cas, plus particulièrement, du Congo qui a connu un coup d’Etat sanglant en octobre 1997 suivi d’une atroce guerre incivile contre des populations civiles démunies, qui refusaient le nouvel ordre de décembre 1998 à début 2002..

En 2007, la situation post-conflit du Congo a conditionné les acteurs politiques luttant contre la dictature actuelle pour prôner une stratégie non-violente pour le retour de la vraie démocratie. Or plusieurs analystes soulignent le fait que le pouvoir actuel oblige les acteurs politiques et les populations congolaises qui souffrent à faire cette lecture. Ces derniers sont fortement convaincus que le camp de Sassou n’est pas prêt à lâcher du lest, qui plus est, il est quasi certain que seule la contrainte violente l’y obligerait. A ce niveau personne n’ose pas prendre la responsabilité historique de ce risque. C’est ce qui explique les impressions de résignation des Congolais malgré les révélations de scandales et l’étalement au grand jour de l’hyper incompétence du gouvernement et de l’administration.
Il est donc indéniable de noter que le pouvoir actuel réussit bien dans sa campagne de communication, pour soumettre les congolais, au point d’aliéner volontairement leurs libertés. Même les détracteurs et les opposants sont tétanisés par les violences extrêmes de Sassou et les siens de 1997 à 2002, refusent l’idée d’un éventuel affrontement pour changer les choses.

Dans cette situation où les rapports des forces politiques et d’autres forces (économiques, culturelles, administratives, des médias, etc.….) sont très défavorables aux opposants et aux Congolais qui croupissent dans la misère et la dictature, le dilemme de l’opposition, face aux prochaines élections législatives de juin 2007 et présidentielles de 2009, organisées de manière unilatérale, peut être assimilé comme le dilemme du prisonnier issu de la théorie des jeux.

Pour l’opposition, le dilemme « Participer ou pas aux élections ? », se pose en termes d’avenir sociétale et/ou de changement des rapports des forces.
Dans tous les cas un examen minutieux de l’histoire africaine plus particulièrement de ce qui s’est passé au Tchad avril 2006 et au Gabon en décembre 2006, Congo démocratique en 2006, Sénégal en février 2007, d’un côté et de ce qui s’était passé à Madagascar, Bénin, Ghana, Mali, Libéria, rend difficile, une prise de position.
Néanmoins dans le contexte congolais au vu des antécédents et de l’incertitude réelle à cause des enjeux géostratégiques et économiques qui font intervenir des acteurs autres que des Congolais, l’on va essayer de faire une analyse de différentes stratégies, de l’opposition congolaise..

Pour l’heure, quel que soit le camp (pouvoir actuel ou opposition), il s’agit d’un jeu (pseudo démocratique) dans lequel le camp du pouvoir actuel peut soit coopérer (accepter les revendications de l’opposition) soit faire défection en organisant de manière non consensuelle les élections.
Cela est aussi valable pour l’opposition, elle peut soit coopérer en acceptant d’aller sans conditions aux prochaines élections organisées par le pouvoir actuel, soit faire défection en boycottant les élections.
Pour la démocratie congolaise, quels sont, alors, les gains, issus de différentes attitudes de deux camps en présence ,selon la participation ou non de l’opposition au jeu ?

  1. Si les deux camps coopèrent, le pouvoir et l’opposition établissent un consensus sur les modalités de participation et de déroulement de tout le processus électoral, on va affecter une récompense (R ) : Démocratie et la Paix
  2. Si les deux camps ne coopèrent pas, c’est-à-dire le pouvoir organise de façon unilatérale les élections, et que l’opposition les boycotte, on va affecter une perte (P) : Pas de Démocratie et de Paix
  3. Si l’un des camps fait défection, quand le cas notamment où l’opposition accepte les élections sans obtenir le consensus sur la transparence et que le camp Sassou en ne coopérant pas et tricherait. L’opposition et le peuple congolais seront dupés. La répartition des gains serait pour l’opposition le salaire de dupe (S) merci ina ba ké pesa na imbua, c’est-à-dire pas de députés à peine 10 à 20 histoire de valider la posture pseudo démocratique de Sassou, et pour le camp Sassou le gain de la Tentation (T) sera grand, c’est-à-dire de faire pareil aux prochaines élections (présidentielles), car cette configuration de jeu a déjà eu lieu dans le passé en 2002. Sassou et son camp avait raflé la mise, l’opposition ayant coopéré en participant et surtout en reconnaissant les résultats de ces élections. Elle a même formé un groupe parlementaire au sein du fameux parlement.

Après avoir sérié les différentes configurations de confrontations entre l’opposition et le pouvoir, pour pouvoir donner quelques éléments de réflexion voire de réponses au dilemme de l’opposition, il est utile d’établir une classification des hiérarchies des gains obtenus par chacun des camps à l’issue de chaque jeu pseudo démocratique.

On dénombre quatre type de gains. Il s’agit de :

 Gain de la tentation noté T
 Gain de coopération noté G
 Gain de la défection de deux camps noté P perte
 Gain de la non coopération d’un camp et coopération de l’autre noté D pour celui qui a été dupé car ayant adopté la stratégie de coopération

Le gain de la tentation (T) est supérieur à tous les gains. Ensuite vient le gain de la coopération (G) qui lui est supérieur au gain de la défection (P) en dernier de cette hiérarchie se trouve le gain de la duperie (D). En résumé on a :
Tentation >Gagnant>Perte>Duperie

A partir de ces critères objectifs, on doit pouvoir analyser les éléments susceptibles de faire partie d’une stratégie gagnant-gagnant afin d’avoir des élections équitables et acceptées par tous les camps, au delà le rétablissement d’une vraie démocratie et le retour du pouvoir au peuple.

Première situation :
Les acteurs politiques congolais sont convaincus que l’avenir est certain et très important pour eux. Qu’ils ont des comptes à rendre au peuple congolais. Ils adoptent la stratégie du Gagnant/Gagnant.
Pour cela avec le temps, ce que chacun des camps gagne doit être supérieur au gain de la tentation d’être seul.
On doit souligner que cette stratégie est stable sur le long terme quand elle ne peut pas être remplacée ou écarté par la stratégie du Toujours seul contre Gagnant-Gagnant.
C’est-à-dire si l’opposition adopte Gagnant-gagnant en acceptant de participer et que le camp Sassou adopte la stratégie Toujours seul, ce dernier gagne au premier coup, c’est ce qui s’est passé en 2002. L’opposition avait accepté ces élections et ses résultats en espérant installer la confiance sur l’avenir afin d’aboutir à une situation de non-violence durable. Et éviter surtout des morts. L’opposition a été dupée donc a obtenu la gain de dupe (D), Sassou avait promis la démocratie et la paix, la situation économique, sociale et politique de 2007 nous prouve le contraire.
Ce que le pouvoir actuel n’a pas compris, car il continue à adopter la stratégie du Toujours seul qui leur a fait obtenir un gain supérieur celui de la tentation (T). Le pouvoir actuel a tous les pouvoirs et ne peut que se comporter en dictature car il n’y a pas de contrepouvoirs.
Ce qui devait être prévisible pour tout analyste, c’est que le camp Sassou n’a pas intérêt à changer de stratégie car celle adoptée en 2002 fut gagnante pour lui et il n’a pas subi de représailles de la part de l’opposition qui avait accepté de siéger tout en sachant que le pouvoir actuel avait triché. Au contraire il a reçu des récompenses, les opposants les plus irréductibles à Sassou ont fini par le reconnaître et s’activent naïvement en espérant le battre aux élections, le FMI pouvait traiter avec un pouvoir « élu », au niveau international et national, le régime de Sassou se considèrerait démocratique à cause de ses élections, donc fréquentable.
L’opposition congolaise n’a pas été capable de boycotter les mascarades des sessions parlementaires.
Comme on le voit la stratégie Toujours seul est supérieur à tous les autres gains issus des autres stratégies, lorsque la relation est susceptible de ne pas se reproduire dans l’avenir.
Sassou en effet espérait refondre la configuration politique des acteurs congolais, d’où la tentative de refondation du PCT, l’accord avec Kolélas, la nouvelle loi sur les partis politiques, et la corruption généralisée pour faire exploser les autres partis notamment l’UPADS, l’UDR Mwinda, et subsidiairement le RDPS.
Donc je pense qu’en 2007 et 2009 Sassou n’a aucun intérêt à changer de stratégie, il ne peut qu’appliquer la stratégie Toujours Seul, c’est à l’opposition de se déterminer pour ne pas une fois encore délivrer un blanc seing à Sassou et son clan.
Soit elle adopte la stratégie gagnant-gagnant face à la stratégie de la tentation de Sassou et elle obtient le gain des dupes (Rien), comme ce fut le cas en 2002 et au Gabon en 2006.
Soit elle crée les rapports de force (faire savoir de manière lisible au camp Sassou et ses souteneurs occidentaux de la possibilité de fortes représailles) qui contraignent le camp Sassou à être obligé d’adopter la stratégie gagnant-gagnant.

Deuxième situation :
Adopter la stratégie Gagnant-gagnant contre Gagnant-gagnant, dans l’immédiat le gain serait moindre pour le camp Sassou et pour l’opposition, mais s’avérerait sur le long terme élevé pour les deux camps. Cette stratégie a déjà eu lieu dans le passé politique congolais. En 1991, Lissouba fut battu aux élections pour le poste de premier ministre de la transition par André Milongo, une année plus tard il sortit vainqueur des élections de 1992 et devint président. André Milongo en tant que premier ministre ayant adopté la stratégie Gagnant-gagnant en organisant des élections transparentes, avec deux députés devint président de l’Assemblée nationale. De premier ministre il pouvait contrôler l’action de l’Etat. Bien avant cette période, Sassou qui auparavant avait régné avec une main de fer, accepta de partager le pouvoir avec Milongo, face à la déferlante qui s’abattait contre lui eut la vie sauve à cause de la stratégie gagnant-gagnant. Si par malheur il avait adopté la stratégie du toujours seul comme Mobutu à la même époque, il aurait connu le même sort. Sassou avait vite compris qu’il devait abandonner la première posture issue du congrès du PCT en 1989 opposée au partage.

Troisième situation :
Face à la stratégie toujours seul de Sassou, l’opposition adopte la stratégie de défection, c’est-à-dire boycotte les élections. Sur le coup, dans l’immédiat, les gains seront repartis ainsi :
Gros gain pour le camp Sassou car gain de la tentation, il aura tous les pouvoirs. Assemblée monocolore.
L’opposition quant à elle n’obtient rien sur le coup, mais donne un coup de frein voire d’arrêt au jeu, le jeu de la mascarade démocratique est révélé. Les souteneurs occidentaux et les sociétés auront du mal à justifier leur pillage sous couvert de traiter avec un gouvernement élu démocratiquement.
Pour l’opposition, le boycott présente deux avantages

  1. l’opposition ne sentira plus moralement obligée de respecter les lois du pseudo jeu démocratique
    Elle pourra en ce moment se considérer en résistance et hors la loi.
    Une situation qui obligerait Sassou à négocier de nouvelles règles pour rétablir le jeu.
  2. Sassou ne pourra plus se prévaloir et/ou se reposer sur les gains des élections pour légitimer son pouvoir et continuer à vouloir être seul au pouvoir.

Quatrième situation
Le camp du pouvoir coopère en acceptant les revendications de l’opposition, et cette dernière ne coopère pas. Le camp Sassou reçoit le salaire de dupe en perdant le pouvoir avec toutes les conséquences. L’opposition prend le pouvoir. Elle aurait atteint son objectif : faire partir Sassou.
Dans l’immédiat l’opposition croit gagner mais sur le long terme, elle perd, surtout la démocratie congolaise. Car le camp de Sassou frustré va tenter de prendre le pouvoir par la force comme en 1997.

Schéma récapitulatif

En conclusion, on le voit dans le contexte actuel, le Congo n’a pas besoin des élections même si la démocratie passe par des élections. Il lui faut trouver et instituer un vrai projet de société.
La convoitise du pouvoir qui anime l’action de la plupart des membres de l’opposition (car exclus de la « mangeoire ») n’arrangerait pas les choses de la démocratie congolaise.
En effet l’exercice de la démocratie actuelle, par le pouvoir en place, est une démocratie de légitimation de la dictature. Entre les Congolais et Sassou c’est ce dernier qui a fortement besoin d’élections pour pouvoir au niveau international valider sa position dominante au sein du pouvoir congolais, ce que l’opposition congolaise n’a pas encore compris. Si elle est vraiment une et démocrate, elle devra selon moi refuser toutes élections tant que les règles de jeu, c’est-à-dire la constitution, ne seront pas modifiées.
Il convient d’agir pour sortir des systèmes présidentialistes qui étouffent dans l’œuf l’éclosion d’une vraie et véritable démocratie.
Enfin l’opposition congolaise au lieu de réclamer inutilement des élections pour élire des députés d’une assemblée émasculée, car disposant de moins de pouvoir, devrait plutôt déplacer le débat sur les problèmes de sociétés et des institutions.
Elle devrait proposer un programme cohérent, fort et totalement différent et s’engager à sortir les institutions congolaises du système présidentiel.

Mouélé Kibaya http://lepangolin.canalblog.com lepangolin1 MEY yahoo.fr

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