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« Souffle : Pages d’une jeunesse congolaise » de Victor Nimy

Prenez un Congolais, donnez-lui une plume et une page blanche, placez-le à l’étranger, hors de son pays, il vous écrira un livre qui le ramènera vers sa patrie. C’est sûrement sa légitime défense contre la tragédie dans laquelle vit sa société. Victor Nimy est dans l’exercice de ses fonctions nationales lorsque, depuis le Burkina-Faso, il affiche par exemple comme parade à l’égoïsme humain, l’écriture. Il exorcise l’imaginaire congolais en dix-huit nouvelles qui sont autant de pièces d’identité de notre société traditionnelle en transition vers la modernité.

LITTERATURE

« Souffle : Pages d’une jeunesse congolaise » [1] de Victor Nimy

Prenant pour modèle le doyen Henri Lopes, Victor Nimy vient de se révéler nouvelliste dans « Souffle : Pages d’une jeunesse congolaise » avec une préface épistolaire adressée à l’auteur de « Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois », texte se fondant sur deux concepts ayant marqué la langue de Molière sur fond de littérature-monde en français : la Francophonie et la Négritude.

Dix huit textes qui se définissent comme des souvenirs de jeunesse où l’autobiographie semble présente dans tous les textes car se fondant sur la technique de la narration autodiégétique. Des récits qui mettent en exergue l’enfance et la jeunesse des héros. Le terroir et le pays d’adoption de l’auteur comme étudiant apparaissent dans presque tous les textes. Des récits qui rappellent la littérature orale car se rapprochant du conte où merveilleux et fantastique se côtoient et où les événements rapportés se déroulent en général dans les villages, rappelant parfois le terroir de l’auteur.

Dans le premier texte, l’ami du héros brave la nuit pour échapper à la méchanceté de son oncle en allant de l’autre côté du village. Le village est un lieu qui rappelle aussi l’enfance du héros ayant vécu avec sa tante cultivatrice de tabac dans « L’odeur du tabac ». « Mbapé » révèle un homme extraordinaire qui sème l’émoi dans tous les villages qu’il traverse après avoir rencontré un ivrogne. Le village revient dans « Jour de repos » où le héros en vacances, se confronte, après une partie de chasse miraculeuse, au monde des morts. Le thème de l’enfant du village apparaît aussi dans « Kitomi » et « Eglise » avec des histoires cocasses qui rappellent la vie du terroir. Aussi les faits rapportés dénoncent certains faits sociaux tel le vice des femmes dans « La prostitution ».

A certains moments, quelques textes de ce recueil se fondent sur les réalités burkinabé. Ainsi « Un génie comme les autres » nous plonge dans des superstitions et croyances de la société ouest africaine. Et ces réalités burkinabé apparaissent de nouveau dans « Mobylette », texte retraçant les mésaventures du héros qui se fait voler sa mobylette un jour de premier avril, le vol pourtant réel se confondant à un « poisson d’avril ». Ce thème du vol rebondit dans « Gayima » où se réalise un cambriolage rocambolesque. Le vice est aussi dénoncé dans la douzième nouvelle où le héros se rappelle un drôle de pasteur qui, en complicité avec un ami fidèle, arrive à escroquer ses adeptes par la mise en valeur de la dîme à l’église. Dans « Gaka », réapparaît le terroir avec ses réalités néfastes tel l’égoïsme de l’homme vis-à-vis de sa campagne. Excédée par le caractère égocentrique de son mari, Kissita décide de le quitter. Mais elle n’aura pas le temps de s’échapper de son homme qui va la tuer pour son égoïsme exacerbé. Et l‘homme immoral se découvre aussi dans « Un passé tenace ». Après avoir semé malheur et désarroi dans plusieurs villages, un homme est rattrapé par son passé au moment où il s’apprête à prendre femme dans un village voisin. Dans tous ces textes, «  Exil » semble poser un problème d’actualité. Etant parti en exil à cause des soubresauts politiques dans son pays ayant entraîné violence et mort d’hommes, le héros décide de retourner au bercail après l’accalmie qui s’y est installée. Mais il ne pourra pas le faire à cause de sa femme et ses enfants qui s’y opposent farouchement avant de se voir « averti » par un songe extraordinaire.

Une multitude de thèmes peut se dégager dans ce livre comme on le remarque souvent dans les recueils de nouvelles. Dans l’ensemble, le livre s’appuie sur une écriture qui crée un pont entre la fantasmagorie qui rappelle le merveilleux et le fantastique du conte et le vraisemblable traduit par l’univers romanesque tels certains villages congolais rappelant le terroir de l’auteur et ses souvenirs du vécu quotidien burkinabé.

Noël KODIA

Notes biobibliographiques de l’auteur.
 Il a étudié les sciences agronomiques au Burkina Faso où il réside et a effectué des travaux de sauvegarde de la culture dont il se définit comme héritier à travers ses recherches. Il a beaucoup travaillé sur la culture et conte beembé de son terroir. On lui doit :
 « Maa Mboyo. Contes beembé du Congo », bilingue beembé-français, L’Harmattan, 2002, Paris.
 « Kalla la noyée. Conte beembé du Congo », bilingue beembé-français, L’Harmattan, 2002, Paris.

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