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Sur une île déserte… trois livres dans mon sac, des cahiers vierges et un stylo

Il n’est pas facile de choisir trois livres à emporter sur une île déserte. Ces livres, je crois, doivent alors contenir le monde qu’on quitte, combler le vide, redessiner la vie. Je pense d’abord à Albert Cohen, Le livre de ma mère… J’avoue que s’il m’était arrivé de verser des larmes au cinéma, ce livre de Cohen m’a fait pleurer et m’a appris une des vérités de l’écriture : le livre le plus réussi est celui qui plonge au cœur même de la fragilité de l’écrivain en tant qu’Homme. Cohen ramène quiconque le lit dans le « vestiaire de l’enfance », pour reprendre le titre d’un roman de Modiano. On en sort ému, et la première phrase nous poursuit longtemps : « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ».

J’emporterais également Des souris et des hommes de John Steinbeck. C’est la plus grande exaltation de l’amitié jamais écrite à ce jour.

Et dans une île déserte, ce qui me manquera c’est l’amitié, le verre dans un bistrot, le bruit et la fureur de la foule, et cette belle femme qui m’attire ! Des souris et des hommes me réconciliera aussi avec l’amour des animaux, le rêve d’un autre univers où j’élèverais peut-être des lapins…bleus ! Entre nous, c’est un livre de dialogues, de tendresse, de tragédie avec en premier plan les personnages George et Lennie qui illustrent l’amitié du paralytique et de l’aveugle, comme dans une des fables de Florian.

J’emporterais enfin Pas de lettre pour le colonel de Gabriel García Márquez. Je me sentirais moins seul, j’imaginerais ce vieux colonel courageux qui attend depuis des décennies l’arrivée d’un courrier lui annonçant le versement de sa pension de guerre. Je penserais à son épouse malade, au coq de combat, la seule richesse de ce couple. Je sais que ce livre aura pour concurrent un autre de cet auteur, L’Automne du patriarche qui, de loin, est le roman qui m’aura le plus bouleversé sur le plan du style et de la "démesure verbale". Plus que Cent ans de solitude.

Au fait, j’essaierais quand même d’écrire un peu, voyons ! Me laisserait-on partir aussi avec des cahiers vierges et un stylo ?

(Texte paru dans le magazine LIRE)

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