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Le poids des images

Télégramme à Marcel Guitoukoulou, président du Congrès du peuple : quand une image sème le doute sur votre bon message !

Derrière chaque image iconographique produite par un homme politique, l’enjeu consiste de mettre en avant une stratégie politique qui, souvent, ne dit pas son nom. Illustration.

Depuis quelques mois, le leader du Congrès du Peuple, le médecin et spécialiste anesthésiste-réanimateur, Marcel Guitoukoulou, qui vit en France, a entamé une campagne de sensibilisation et d’explication de sa politique à mener au Congo Brazzaville. Il passe régulièrement dans plusieurs médias français et publie des messages sur les réseaux sociaux.

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous suivons ces sorties politiques. Mais, ce qui retient plus notre attention, c’est cette phrase devenue presque le slogan de son parti politique à savoir « Rassembler tous les Congolais pour enfin créer les conditions politiques d’une alternance apaisée. »

Et, Marcel Guitoukoulou a raison ! En cette période où l’unité nationale, au Congo, a pris un grand coup avec la politique tribaliste et clanique de Sassou Nguesso, les Congolais ont effectivement besoin de refaire leur unité et de se rassembler, pas autour d’un seul leader pour ne pas exhumer le monopartisme, mais autour du Congo qui vit une grande crise multidimensionnelle.

Malheureusement, le président du Congrès du Peuple a entrepris son périple en France. Comme si c’est dans ce pays qu’il veut réaliser son rêve. Pour preuve, les images qui illustrent ses différentes sorties politiques sont prises avec des français et dans des casernes militaires ou des sapeurs pompiers, ou encore dans des gares ferroviaires où il est reçu par des cheminots français. Cela dénature le message et sème le doute sur la connaissance que ce jeune leader a de son pays.

Ces messages font l’objet de plusieurs interprétations parfois controversées. Or, dans la communication politique, l’image qui illustre un discours doit compléter ou continuer le texte écrit ou dire ce que le texte ne dit pas pour susciter les émotions.

Nous voulons, ici, interpréter trois photos. La première, celle dans laquelle Marcel Guitoukoulou est reçu dans une caserne des sapeurs pompiers. La deuxième, celle où il est reçu dans une gare ferroviaire, en France, par un cheminot. Et, la troisième, celle qui illustre cet article et sur laquelle on distingue à gauche du lecteur, l’ancien chef de la Sécurité d’Etat et directeur des Services des renseignements congolais, mais aussi vice-président du Parti pour l’alternance démocratique, le général de brigade Emmanuel Ngouélondélé-Mongo ; au centre Marcel Guitoukoulou, et à sa droite, le professeur Charles Zacharie Bowao. La légende de la photo porte sur le rassemblement des Congolais.

« Ku mputu pé ka bélé »

Les deux premières images : celles qui ont été prises dans une caserne de pompiers, et dans une gare ferroviaire en France, sont, à notre avis, loin d’accompagner le message politique que le leader du Congrès pour le Peuple fait aux Congolais. Au contraire, elles renforcent le doute sur la connaissance du pays par un leader. Du point de vue sémiologique, les réalités des sapeurs pompiers ou des cheminots en France sont-elles les mêmes que celles que vivent les sapeurs pompiers et cheminots congolais ? En gros, ces deux signes ne devaient pas être utilisées pour illustrer un message politique qui est adressé aux Congolais. Aussi faut-il dire que dans la sémiotique des deux photos se construit un complexe de supériorité. Un jeune médecin, anesthésiste-réanimateur et homme politique qui vit en France, ça ne peut qu’impressionner les Congolais. « A wuti poto !  », «  Yandi me katuka na mputu !  » et « Ku mputu ka tukidi ! » ; «  Ku mputu pé ka bélé » pour dire qu’il vit et vient de France pour renforcer son propre mythe.

Les silhouettes d’Emmanuel Ngouélondélé et de Charles Zacharie Bowao

C’est surtout la troisième image qui suscite plusieurs interprétations controversées, à cause de la représentation des deux autres personnages politiques.
En effet, dans cette illustration qui est une photo, vous avez à votre droite, le général Emmanuel Ngouélondélé, et à votre gauche, le professeur Charles Zacharie Bowao. Comme avec les deux premières illustrations, le message porte toujours sur le rassemblement de tous les Congolais.

Cependant, la première interprétation est géostratégique sur fond de rassemblement nationaliste. « L’empire des signes » (pour reprendre Roland Barthes), indique une interethnicité : on reconnait le général de brigade Emmanuel Ngouélondélé-Mongo, originaire du département des Plateaux, au centre du pays. Il y a aussi la sémiotique du professeur Charles Zacharie Bowao, fils de la Likouala, dans l’extrême nord du pays. Et, Guitoukoulou né à Gamboma, dans les Plateaux, mais dont les deux parents sont du département du Pool.

Partant du principe que dans la communication politique l’image qui illustre un discours doit compléter ou continuer le texte écrit ou dire ce que le texte ne dit pas pour susciter les émotions, cette photo est en rupture avec votre message, cher docteur, car elle risque de l’anesthésier. C’est que vos détracteurs feront une analyse de contenu de votre discours à l’inverse de votre pensée.

Certains pourront dire que le rassemblement auquel vous faites allusion ne concerne que les peuples du nord, en cette période où le mythe de Denis Sassou Nguesso que l’on présentait, jadis, comme étant un grand rassembleur du nord, est tombé.

D’autres pourront y voir un clin d’œil fait à Denis Sassou Nguesso à la recherche d’un dauphin. Sa propre candidature à l’élection présidentielle de 2021 et celle de son fils, Christel Denis Sassou Nguesso, étant déjà prises pour une provocation et une déclaration de guerre. D’autres encore pourront accuser Charles Zacharie Bowao d’avoir un agenda caché. Surtout en ces temps où les Congolais veulent (suivant la métaphore de Ngouabi) « démasquer toutes les tortues à double carapace » qui rendent inefficace leur lutte contre la dictature de Brazzaville. Signalons que Charles Zacharie Bowao est le leader de l’Idc, une plate-forme de l’opposition qui est membre de la Fédération de l’Opposition congolaise et à laquelle le Congrès du Peuple ne fait pas partie.

Néanmoins, c’est sur la base de la photo du général de brigade Emmanuel Ngouélondélé-Mongo qu’ils vont vous attaquer.

Qui est Emmanuel Ngouélondélé-Mongo ?

Pour la petite histoire, Emmanuel Ngouélondélé-Mongo est un est un homme politique et un militaire. Mais, aussi parent par alliance de Denis Sassou Nguesso. Son fils, l’ancien maire de la ville de Brazzaville, est le beau-fils de Denis Sassou Nguesso. Et, le neveu de Denis Sassou Nguesso, le colonel Edgard Nguesso (directeur du domaine présidentiel) est le beau-fils d’Emmanuel Ngouélondélé-Mongo. Pour dire l’alliance est bien scellée et est très forte entre les deux familles. Rappelons aussi que pendant tout le pouvoir de Sassou Nguesso dans le monopartisme, Emmanuel Ngouélondélé-Mongo est resté à la tête de la Sécurité d’Etat et des Services des renseignements du Congo.

Certes, il y a eu un moment où l’homme s’est démarqué de la politique de Denis Sassou Nguesso et a eu le courage de poser des actes politiques qui sont très louables et qui ont fragilisé Denis Sassou Nguesso et son pouvoir. Nous voulons parler de ses nombreuses lettres ouvertes qu’il lui avait adressées. Pourtant, il y a aussi le putsch dont on parle dans les milieux proches du pouvoir et que ce général de brigade à la retraite aurait projeté avec l’aide des mercenaires sud-africains mais qui avait été étouffé dans l’œuf. Et, c’est en famille, autour de Sassou Nguesso, à Oyo que tout aurait été réglé.

En plus, on apprend dans les couloirs du pouvoir que l’ancien directeur de la Sécurité d’Etat et des Services des renseignements continuerait à exercer ses fonctions. Qu’il serait toujours l’homme sur qui Sassou Nguesso compte sur le plan du renseignement national et international. Voilà pourquoi le linge qu’il aurait sali, aurait vite été lavé en famille à Oyo. En revanche ceux qui ont été salis par les généraux Jean-Marie Michel Mokoko et Norbert Dabira, et par l’ancien ministre André Okombi Salissa, sont lavés devant les tribunaux.

Conclusion

Pour conclure nous disons tout simplement que la communication politique est très délicate et exigeante dans le choix des mots, des expressions et des images qui doivent illustrer le discours. Voilà pourquoi elle ne doit pas être improvisée. Surtout, elle ne doit pas faire l’objet de plusieurs interprétations controversées. Elle doit être faite par les professionnels. Votre ambition de rassembler tous les Congolais autour du malade Congo est louable ; mais la photo qui illustre votre message sème le doute.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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