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Moukoutou-Mbala

Youlou Mabiala et l’esprit Zimbabwe

A la soirée du 18 août 2007 où le groupe Zimbabwe devait marquer son retour sur scène (voir précédent article) un invité surprise, Youlou Mabiala, était là, bien vivant. La rumeur l’a enterré trop tôt. En clair lorsque l’artiste semble "fini", c’est là qu’on n’en finit plus de parler de lui. Un artiste ne meurt jamais. Il continue d’exister après avoir existé : c’est la mystique "moukoutou-mbala", symbole de la renaissance.

Ce 18 aôut 2007, les grands esprits se sont rencontrés. Comme prévu, la renaissance de Zimbabwe, groupe/phare du milieu des années 1970 à Brazzaville, devrait suivre son cours après le changement de vitesse parisien enclenché par Soum Carol, auteur de Véta, chanson fétiche qui continue de bercer notre imaginaire plusieurs années après sa composition : "ngaï na wé mama, ngaï na wé..."
Le lieu de ce second accouchement de "Zimbabwe Axe Majeur", fut la soirée de Pont-Sainte-Maxence, localité située à la limite de la région parisienne, dans le 60. A cette occasion, deux morceaux (Gety et Ngoudia Mountou) devaient servir de ballon d’essai. Si Géty est une nouveauté de Soum, Ngoudia Mountou est une reprise d’un ancien tube de Jean-Jacques Bayonne. Arrangés et mixés par Blandin, les deux morceaux, de qualité supérieure, s’inscrivent dans la lignée du "nti silabo" des années 70, tout en s’adaptant à l’air du temps.
"Ca va déménager ! " se sont exclamés à l’unanimité ceux qui avaient écouté les deux chants dès leur mixage en studio. Il faut dire que Blandin, excellent arrangeur, est doté d’un équipement musical de choix. Le groupe Lokéto d’Aurlus Mabélé lui doit la plupart des arrangements qui ont fait sa gloire.

Atmosphère

Ce 18 août 2007, la salle de Pont-Sainte-Maxence, noire de monde, attendait de redécouvrir le groupe mythique de Moungali/ABC avec une curiosité mal contenue. Pour aiguiser l’appétit musical du public, un petit journal sur 4 pages (A4) , Congo ya Sika, reprenant à la lettre notre article paru sur Congopage, fut distribué dans la salle grâce aux soins de Mawawa des Editions Paari.
Etaient présents à cette fête (tout de même intimiste) les grands noms du Zimbabwe des origines : Jassy Ignace Mampouya (ancien président), Ntys (batteur), Blandin (bassiste), Gabriel Mawawa Kiessé (guitariste) Ovon (fan de premier ordre), G. Bimbou (bassiste) , Sophie, Florence (venue d’Allemagne), Jean-Daniel Ntouta (actuel président)...
Pour des raisons familiales des acteurs de premier plan comme Noël Kiminou Nono, Ken, Mamba Léonard H20, Pieth Bernard, n’ont pu faire le déplacement de la soirée inaugurale.
Les Londoniens (Frikoum, Blanchard Loussakou) bien que sur Paris à cette date n’ont pas pu honoré de leur présence cette soirée/test.
Nous eûmes tous une pensée pour tous les musiciens du groupe éparpillés à travers le monde : Ya Dave, Papillon, Lazare, Michel, Mando, Jean-Jacques Bayonne, Rigo, Rodin, Mac La Jeannot, Lilas, Belmis, Bénazo, Pémbello (paix à son âme) Djo Mali, Prince... (on en oublie, bien sûr)
D’importants enjeux étaient en cours ce 18 aoüt, par exemple convaincre le public sur la nécessité de relancer le mouvement "nti silabo ", dénicher des mécènes pour soutenir financièrement l’entreprise.

Les couacs

La perfection n’étant pas e ce monde, ce samedi 18 août 2007, au Pont-Sainte-Maxence, la programmation ne s’est pas déroulée selon l’ordre des choses envisagé par Soum Carol, car des dysfonctionnements, ont émaillé la soirée. Débordé sans doute par l’évènement le président Jean-Daniel Ntouta ne s’est pas trop impliqué dans le scénario du tandem Soum/Blandin. Nous passerons sous-silence, les erreurs de mise en scène de la soirée du 18 août 2007 où certaines attentes ne furent pas comblées.
En un mot comme en mille, le public n’a pas eu l’occasion d’écouter les deux chansons test. L’esprit fétiche n’avait sûrment pas asez soufflé sur la fête. Le public est resté sur sa faim. Dans une fête où les invités ont eu droit à un repas pantagruelique et bu comme des disciples de Bacchus, les deux tubes de Zimbabwe eurent pu servir de "digestif". Fort heureusement, il eut la cerise sur le gâteau pour compenser le goût amer du "phase koi" que nous servi le maître des céans.

Youlou la voix d’or en voie de rétablissement

Il y eut un invité surprise et non des moindres : le leader de Kamikaze Loninguissa, "mokitano ya Luambo Makiadi". On l’avait donné pour mort voici encore un mois.

C’est un Youlou Mabiala (car c’était lui la cerise) respirant la joie de vivre qui fut aperçu à la fête du 18 août. Enfant de Poto-Poto, ce ténor qui bossa longtemps aux côtés de Franco Luambo Makiadi incarne l’esprit "moukoutou mbala". le phénix qui renaît de ses cendres, "Bâ dia Ntséké, di fwa di sassa."
La mine qu’il affichait à la soirée tranchait radicalement avec l’image du moribond que venaient de véhiculer les mauvaises langues. Youlou portait un costume sombre agrémenté d’une cravate couleur.
Des mèches terminaient sa chevelure abondante et sombre. L’excentricité qui est le propre des stars se lisait dans ces tissages in extremis. Un large sourire éclairait son visage. Bref, il était en forme.
A ses cotés, son épouse, née Luambo Makiadi, servait de parade protectrice autour de la vedette. Elle semblait guidée par l’instinct maternel qu’une surdose d’amour réveille chez chaque femme. Normal : les langues de vipère n’ont pas épargné son célèbre conjoint ces derniers temps jugés fort difficiles pour les artistes. Il y a comme une fatalité quand on voit que Dieu vient de rappeler à lui un confrère, Madilu System, ex-membre lui aussi de l’Ok-Jazz.
Tout de blanc vêtu, il y avait dans le regard de cette digne épouse un indiscutable air de famille avec ce monstre sacré, Franco de Mi Amor. Le patron de l’Ok-Jazz fut le premier à croire au talent de Youlou Mabiala, l’enfant de Poto-Poto. Il le recruta dans L’Ok-Jazz où il fit une fulgurante carrière avant de revenir fonder Les Trois Frères à Brazzaville puis Kamikaze Loninguissa dont le batteur, Bantsimba Lilas fut un ancien de Zimbabwe.

L’insoutenable ingratitude du Pouvoir

Certes personne n’a voulu trop vite inhumer le leader de kamikaze Loninguissa. Mais même si ceux pour lesquels Youlou Mabiala a chanté et failli mourir sur scène comme Jean-Baptiste Poquelin dit Molière n’ont rien fait pour son suivi médical, que les mélomanes se rassurent : le phénix est en train de renaître de ses cendres. On ne peut que lui souhaiter un prompt rétablissement. Que "l’esprit fétiche" accompagne cet enfant de la chanson congolaise afin qu’on le revoit sur scène. La métaphysique du Moukoutou Mbala (pour reprendre Soum )Carol, est en train de travailler. Ici aussi les enjeux sont nombreux. Le principal est d’établir des ponts entre les générations de musiciens qui forment l’ossature de notre musicographie. Les Paul Kamba, Jacques Eboma, Antoine Moundada ont passé le flambeau aux Essous Jean-Serge et Pandi Saturnin, Nganga Edo, Mpassy Mermans, Kosmos, qui, eux, ont passé la flamme loninguissa et bataringué à la génération des années 70 (Zimbabwe, Suze-Yéma, Nsékéni, Ndimbola Lokolé, Lolango Bana, Géo-Bayé, Nzubé Likofi, Kinako, Biléngué Sakana, Lisséki Mondo Mondo, Wadango, Thu Shaïùa, Kashamankoyi...). Celle-ci a engendré des phénomènes comme Rapha Boundzéki, Roger Lutin, Fernand Mabala, Rigadin Mavoungou dans les années 80/90 puis la branche Extra-Musica avec ses nombreuses ramifications des années 2000, RogaRoga, Quentin Moyascko...
Ce n’est pas un hasard si cette dimension culturelle semblable au Woodstock américain des années 68 fut traitée avec une méthodologie de la suspicion par les régimes politiques qui se sont succédés au Congo-Brazzaville. De façon anodine, ces groupes de musiques "amateurs" qui représentent aussi des groupes de "pression" ont toujours et forcément exigé le changement social de nos Institutions. Le cri nti silabo, ba tari kwa ngué ne voulut pas dire autre chose qu’une soif de changement de système puisqu’il n’est jamais de bon ton qu’on voit toujours les mêmes têtes... à la tête du pays.

Les enseignements

Les dysfonctionnements de la soirée du 18 août 2007 incitent paradoxalement à une gestion positive de la rhétorique nti silabo. "A quelque chose, malheur est bon " disent les optimistes. On ne saura jamais quel garant métaphysique de la culture a provoqué la réaction de fermeture observée en cette soirée. Il semble que la "panne humaine" du 18 août a, inversement, marqué l’opinion de façon positive. Tout le monde est resté sur sa faim. Autrement dit c’est avec une boulimie indescriptible que le public consommera la prochaine production des mikoutou-mbala. Ce 18 août "l’esprit fétiche" ( dirait Mac la Jeannot) donnera au dysfonctionnement de Pont-Sainte-Maxence une portée constructive.
Car, de toute manière quelque chose de grand est en train de se produire sur le plan culturel. L’évènement FESPAM, passe curieusement pour l’arbre qui cache la forêt. Derrière cette grosse machine, de petites structures sont en train de voir le jour. Même si la montagne FESPAM accouche souvent d’une souris, des pistes de réflexion s’en dégagent. Des professionnels de la Com de la trempe de Solange Samba Toyo possèdent des cartons dans lesquels mijotent des projets qu’on se garde, bien entendu, de déflorer ici. Pour se faire une petite idée, il s’agit d’action culturelle à fonction historique basée sur une approche pédagogique du Mausolée de Brazza.
Solange Samba Toyo, enfant de la rue Franceville, pourrait parler du phénomène Zimbabwe en connaissance de cause.
"Mon frère aîné, guitariste et ami du guitariste Malonga Papillon, a également contribué au phénomène" nous a-t-elle confié.

De cette suite des évènements on en parlera bientôt. Peut-être même plus tôt que prévu. En attendant, le public pourrait poursuivre le débat dans le canard Congo ya Sika qui est prévu pour être le Coran de la théologie musicale des deux Congo. Ce journal accessible sous forme imprimée et en ligne sera édité par les Editions Paari de Mawawa Kiessé.

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