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Bana Brazza : à Bobigny c’était bon ce 12 nov 11

Pari gagné. Pour une première, ce fut un coup de maître. Les Bana Brazza peuvent se prévaloir d’avoir réussi le passage du feu. Qui aurait cru qu’en l’espace de trois mois, la soirée du Cargo serait de l’ordre des possibles avec tout ce que la logistique nécessite comme efforts et en temps et en argent ?

Photo de famille : quelques éléments de Bana Brazza

Photo de famille : quelques éléments de Bana Brazza

Plantons le décor. Années 1970, une jeunesse people finit par créer un underground à force de partager le même réseau d’activités : le collège, le lycée, les concerts musicaux, les boums, la danse rock, la cavacha, wondostock, moucrognongnon, ébotu, ngouabin, oya sox, ntisilabo, sauvé l’école ; bref : autant d’appellations cabalistiques qui tranchaient avec la paix sociale que connaît ce Congo antérieur aux retombées du premier boum pétrolier sous Marien Ngouabi.

le bureau : Berthine Galibaka, Romuald Ayina, Ginette Nkoua, Arlette Loukakou, Cyriaque Bassoka, William Sianard

Le bureau : Berthine Galibaka, Romuald Ayina, Ginette Nkoua, Arlette Loukakou, Cyriaque Bassoka, William Sianard

Plus de trois décennies plus tard, ce samedi 12 novembre 2011, Le Cargo (salle de la fête) a tangué sous le poids de l’évènement annoncé voici un peu plus d’un mois par l’association « Bana Brazza  », un réseau interculturel et intelligent créé, voici peu, à la suite d’une soirée ordinaire à Villepinte réunissant des potes qui vécurent ce temps glorieux des années 1970.

Vue partielle de la salle LE PRESTIGE

Vue partielle de la salle LE PRESTIGE

I- La minute de silence

La soirée inaugurale de ce week-end du 12 aura alors été un rite de consécration dont le maître de cérémonie, Denis Malanda, a pu relever, avec brio, la magie spirituelle, raviver avec pertinence la flamme des souvenirs.

Denis Malanda, maître de cérémonie

Denis Malanda, maître de cérémonie

Si la vie, selon les poètes est un grand bateau (un grand cargo !), l’existence serait alors un océan. Hélas, comme dans Oceano Nox de Victor Hugo, certains passagers du paquebot (des marins, des capitaines) sont partis (très tôt, trop tôt) vers des îles lointaines, voyage sans retour. Aussi, d’entrée de jeu, Denis Malanda fait observer une minute de silence en mémoire des disparus qui, forcément, auraient fait partie de l’Association Bana Brazza (ABB) s’ils étaient (permettez cette lapalissade) encore en vie. Cependant, ceux qui ont la foi en Dieu, comme le spécifiera la présidente Arlette Loukakou dans l’allocution d’ouverture, ont dû ressentir la présence de ces…absents en ce lieu et à cette occasion où le vers de Tchicaya Utam Si « Vivants sont les morts  » avait pris toute sa signification existentielle.

II- Bana Brazza dans la diaspora

Ces intellos ayant fini une partie de leur formation universitaire à la fin des années 1980, eux qui, comme De Gaulle pour la France, étaient porteurs d’une « certaine idée de Brazzaville » se sont éparpillés dans la diaspora. Ils ont alors adhéré à d’autres modes de vie, nourri des projets d’autant plus légitimes que les titres universitaires obtenus en Europe le leur permettaient. On pensait avoir relégué aux calendes grecques l’époque des boums de l’âge tendre, préoccupés par la tranquille vie de famille, l’éducation des enfants, des plans de carrière. Mais c’était sans compter avec le principe freudien, à savoir : tout ce qui est refoulé revient à la surface.

Le facteur qui déclenche cette résurgence d’un passé qu’on croyait révolu sera la mythique soirée de Villepinte au cours de laquelle la barrière qui sépare le passé du présent se brisa. L’Association Bana Brazza est pratiquement née de ce « rapport de force de l’inconscient  » collectif. Disons, au passage, que ce n’est pas fortuit si les mauvaises langues ont traité les membres « d’inconscients ne pensant qu’à faire ripaille et bombance alors que Congo souffre  ».

Mais peut-on reprocher à une société de ritualiser ses mythes de fondation ?

III- La musique, nourriture de la mémoire

Si la musique est la nourriture de l’amour (Shakespeare) elle alimente aussi la mémoire. La chanson, comme un vaisseau spatial, permet à l’esprit de plonger corps et âme dans l’océan des souvenirs, de s’immerger dans le passé mythique. Ce samedi 12 novembre, inutile de préciser que le choix de la musique ne fut pas neutre. Mieux : la sélection des titres fut, à dessein, orientée. Car si toute chanson évoque quelque chose, toute chose n’est pas évoquée par toute chanson (comprenne qui peut –rires) Bana Brazza a voulu, a priori, cultiver l’atmosphère « seventies » qui lui a servi de prétexte pour la fête dans la salle Le Prestige, afin de plonger le public dans le bain enivrant du passé, afin de le mettre en situation de danser les pas de danse de cette idyllique époque où sévissaient des tubes comme : Eliane Iko, Lony La Clef, Eluzam, Onassis, Elo, Fièvre Mondo, Obi,…

Pari réussi pour Bana Brazza. Le public fonçait comme un seul homme sur la piste dès qu’une note de musique connue était égrainée par le DJ. Dommage que les groupes brazzavillois de l’époque n’aient pas enregistré leur répertoires pour illustrer également des pas de danse nti silabo, oya sox, sauvé l’école.

Non seulement ce tempo (finalement intemporel) faisait danser, mais il était, de surcroit, structuré par des chansons à texte. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui » déplorera Loko Massengo (guest-star de la soirée) ajoutant que « Faly Ipupa faisait exception à la règle ».

IV- L’alibi des retrouvailles

Au fond, la fête de ce samedi aura été un alibi afin de permettre des retrouvailles. On a profité de l’évènement pour rétablir des ponts démolis par les aléas de la vie en diaspora et aussi, il faut le dire, pour envisager des projets pour la ville de Brazzaville, théâtre qui a vu naître la plupart des membres de Bana Brazza (concept qui signifie littéralement « enfants de Brazzaville »)

Le Cargo de Bobigny a donc ramené à bon port des amis qui s’étaient perdu de vue depuis plus de deux décennies, séparés par le hasard de l’existence. Que de changements, que de métamorphoses, que de transfigurations ! Normal : le temps, ce grand boxeur, n’a pas ménagé les figures et les physionomies des protagonistes, jadis beaux gosses et jolies nanas. « J’hésitais, je n’étais pas sûr(e) que c’était toi !  » se sont entendu dire les ami(e)s de trente ans dispersés aux quatre coins de la planète. Malgré l’agression du temps, malgré les gifles de la vie, les looks sont restés les mêmes. Paradoxalement, la marque de l’âge a embelli les traits de ces garçons et filles qui furent objet de fascination dans Brazzaville pour leur charme, leur charisme, leur façon de se distinguer, leur impact sur leur environnement social. Car c’étaient les « peoples » de l’époque et, à leur manière, les « détenteurs du système d’action historique  » (le concept est du sociologue Alain Touraine), ce qui signifie : ceux qui ont le pouvoir de faire l’histoire.

V- Esthétique

Fidèles à l’idéologie de l’élégance, ce samedi 12 novembre, Les Bana Brazza, venus des quatre coins de la planète (Etats-Unis, Londres, certains d’Afrique) étaient tous charmants, déclinant chacun cette prestance dont les Congolais ont le secret.

C’est vrai qu’en dépit des critères rigoureux de l’agencement vestimentaire, le Congolais, toujours imbu de sa personne, sait trouver le juste milieu qui fait plaisir à voir quand il se fringue. Ceci pour dire que, cette soirée-là, tous les Bana Brazza étaient chics ; les hommes séduisants avec leurs tenues mondaines, les filles sexy soft avec leurs dos nus dégagés par des robes de soirées bleues azur.

Whose Who ?

VI- Whose Who ?

Dans ce genre d’article sur les célébrités, il est délicat de citer les noms, de peur d’offenser les « oubliés ». Or il y avait foule au Cargo. «  Nous avons reçus plus de deux cents personnes » nous dit, à chaud, Arlette Loukakou avec son gracieux look d’intellectuelle qui ne la quitte jamais.

Près de 300 personnes ! Et dire que le tri à l’entrée de la fête fut sévère !
Nous laisserons donc aux organisateurs le soin d’écrire le Whose Who (Qui est qui ?) de la soirée en se basant sur les photos ou les plans vidéo à diffuser sur le DVD Bana Brazza à paraître bientôt.

A ce sujet, les Bana Brazza (aile brazzavilloise) attendent avec fièvre les images du Cargo, qui, on imagine, feront tanguer de joie tous ceux qui n’ont pu, non sans regrets, faire le déplacement de Bobigny pour une raison ou pour une autre : « le corps n’y était pas mais le cœur si  » dit-on dans ce genre de circonstances.

En effet, présidente de l’association, Arlette Loukakou possède un sens de l’organisation qui laisse rarement place à l’échec. Bien entendu ce travail de fourmi est un travail de toute l’équipe Bana Brazza, dont il est temps, ici, de donner la composition du bureau : Ginette Nkoua (secrétaire générale) ; Romuald Ayina (secrétaire général adjoint) ; Berthine Galibaka Gantsion (première trésorière) ; Cyriaque Bassoka (deuxième trésorier) ; William Sianard (chargé de communication).

VII - Le show

Dino Vangu, Denis Malanda, Lo-Benel, héritière de « Marie-Louise » dans tous les sens

Dino Vangu, Denis Malanda, Lo-Benel, héritière de « Marie-Louise » dans tous les sens

Pierrette Adams, Lo Benel (fille de Marie-Louise, en duo avec Dino Vangu, Fernand Mabala, Théo Blaise Nkounkou, Loko Massengo, Niboma Canta (excepté) ont assuré un play-back qui a d’autant plus jeté la foule sur la piste qu’ils ont interprété les tubes qui alimentaient en musique les boums au Plateau des 15 ns, au Centre-Ville, à Poto-Poto, Moungali, Ouenzé, Bacongo, Makélékélé... : Beauté Noire, Maris je vous aime, Mwana Djambala, Nsona…

Pierrette Adams une vraie Mwana Brazza

Pierrette Adams une vraie Mwana Brazza

Dino Vangu, Lo Benel, Fernand Mabala

Dino Vangu, Lo Benel, Fernand Mabala

Le coin des artistes : de gauche à droite, Théo Blaise, Canta Nyboma

Le coin des artistes : de gauche à droite, Théo Blaise, Canta Nyboma

Soumises à la question par le modérateur de la soirée, Denis Malanda, ces vedettes de la chanson, parmi lesquels nous nous devons de signaler la présence de Clément Ossinondé, chroniqueur musical émérite, ces vedettes, disions-nous, n’ont pas tari d’éloges à l’endroit des Bana Brazza. Ces stars de la chanson congolaise ont tous félicité l’initiative de ces Congolais de la diaspora de s’organiser en association Loi 1901. « Je suis moi aussi Brazzavillois de cœur  » a rappelé Loko Massengo (comme si c’était un scoop ! – Rires de la rédaction)

Fernand Mabala, Pierrette Adams, Théo Blaise Nkounkou, Canta Nyboma, Clément Ossinondé, chroniqueur musical émérite

"Fernand Mabala, Pierrette Adams, Théo Blaise Nkounkou, Canta Nyboma, Clément Ossinondé, chroniqueur musical émérite"

Whose Who ?

Whose Who ?

Color et son groupe

Color et son groupe : illustration de natifs de Brazzaville

VIII- Quand va-t-on remettre ça ?

Organiser un tel évènement nécessite une logistique incroyable. De nombreuses séances de travail, assorties de nuits blanches ont été nécessaire. Mais tout accouchement est toujours douloureux. On peut dire que tout le monde a mis la main à la pâte pour donner une forme acceptable, voire même brillante à la soirée inaugurale. L’aventure (Bana Brazza), groupe qui pourrait devenir aussi une ONG peut alors commencer. Les objectifs, cela va sans dire, ne se bornent pas à ressasser le passé, à faire la fiesta ou à se livrer à la bamboula ; lre but est aussi d’envisager des projets culturels, des actions d’aide à l’image de celle entreprise par Loko Massengo (mwana Brazza de cœur) qui a offert des ouvrages scolaires à des enfants de Brazzaville.

En somme pour Bana Brazza, le projet participe d’une stratégie d’amélioration des choses de la cité (la polis grecque) sans forcément faire de la politique : c’est là d’ailleurs la définition d’un groupe de pression.

Fort de l’expérience des boums d’antan, le succès de la soirée du Cargo a été rendu possible grâce à deux facteurs que maitrisent sur le bout des doigts les Bana Brazza : le capital social de chaque membre et la puissance des réseaux sociaux comme Facebook.

Pour l’instant, personne n’a parlé de la prochaine sortie de Bana Brazza qui, on suppose, sera plus grandiose que celle du 12 novembre, laquelle pourtant était au summum de la réussite.

Simon Mavoula Corbeil Essonnes 15 novembre 2011

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