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KUMBA

Danse avec les despotes : la rumba congolaise

La rumba congolaise a été enfin inscrite ce mois de décembre 2021 au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Les deux Congo, moins que l’Angola et un peu moins le Gabon et le Cameroun, ont dansé main dans la main, eux dont les sujets de désaccord sont pourtant légion. Une fois n’est donc pas coutume, les deux frères rivaux ont fait chorus pour jubiler. Qui peut le leur reprocher ?

Reste que l’hypocrisie est toujours ce qu’elle a été. Chacun a toujours en esprit le débat sur l’édification d’un pont (ou d’un tunnel) entre Kinshasa et Brazzaville, les deux capitales, selon la propagande géographique, les plus proches du monde. Le débat, resté vain, se perd dans des querelles scolastiques « d’experts de l’inutile ».

Le regard humide d’émotion, L’Unesco, organisation qui passe pour la grosse caisse de résonnance de l’humanisme, s’est frottée les mains, convaincue d’avoir rendu leur dignité aux Congolais (partant aux Africains) en hissant leur danse du ventre (corruption de kumba, nombril) au même niveau que les Pyramides d’Egypte en tant que summum de l’apport des hommes dans l’architecture de notre bonne vieille terre.

PAYS RICHES, DIRIGEANTS CHICHES

Mais les deux Congo ont d’autres priorités qui comptent dans les enjeux du développement. Ce sont des sociétés où la misère sévit alors que les populations vivent sur des minerais que Sékou Touré (certes vieux potentat) qualifia de « scandales géologiques ». Or, diamant, manganèse, cobalt, coltan, cuivre, uranium, pétrole étouffent le sous-sol de ces deux Etats, surtout celui de la RDC. « On en a à revendre » se vantent les tyrans locaux. Depuis leurs indépendances, ces Etats sont dirigés par des escrocs qui font danser leurs peuples à hue et à dia. Ces populations souffrent. Cela n’a jamais ému l’Organisation, sise au 140 avenue de Suffren à Paris, qui pourtant vient de consacrer une énième plénière pour reconnaître l’apport de la rumba dans la « survie culturelle de l’humanité. » Du vrai ndombolo politique.

Toute honte bue, les dirigeants des deux rives ont sauté de joie dès que le verdict est tombé. Bien avant cette conclusion on pouvait lire une grande consternation sur leur visage à l’idée que la grande UNESCO allait dire Niet à la leur requête rumbalogique ethnocentrique.

VIADUC SUR LE CONGO

Pendant ce temps, Sassou d’un côté, Kabila puis Tshisékédi de l’autre, passent leur temps à discuter du projet de construction d’un pont sur le fleuve Congo en tirant des conclusions qui se résument par des formules langue de bois du genre « vers une adoption d’une loi économique sur la réalisation d’un diptyque rail route sur le fleuve Congo. »

Inutile de pontifier ici que le pont sur le Congo fera plus danser de joie les deux peuples que la rumba. L’UNESCO aurait dû conditionner la reconnaissance de la rumba par le jet d’un pont entre les deux capitales.

Mais les fonctionnaires de l’Unesco se fichent de ça et l’Afrique apparemment semble plus que jamais refuser son développement en privilégiant le spectacle et le spectaculaire.

SIMON MAVOULA

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