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Coup de bec

Jean-Dieudonné Nino Malapet (1935-2012) - Saxophoniste

- Par Audifax BEMBA -

Le vocable chef lui collait à la peau tel le sparadrap du capitaine Haddock : « Chef Nino  ». D’un charisme certain, l’appeler Nino semblait relever involontairement de l’irrévérence, en dépit de l’homme affable, jovial, qui brisait cette armure par ses canulars et ses contrepèteries inattendus qui installaient tout de suite la familiarité. Derrière sa bonhomie, voir son air débonnaire, Nino Malapet cachait une bonne humeur irradiante et contagieuse.

Entourage musical familial

Né le 8 mars 1935, Jean-Dieudonné Malapet grandit à l’ombrage de son oncle Emmanuel Damongo-Dadet, saxophoniste émerite et pionnier de la musique congolaise, créateur dans les années 40 de l’orchestre Mélo-Congo.
Conseiller Territorial du Moyen-Congo, Emmanuel Damongo-Dadet embarque avec son neveu Jean-Dieudonné Malapet pour Paris siéger pour sa mandature. Le jeune Nino y mène des études brillantes.

L’option musicale

De retour au pays natal, Nino Malapet qui s’est affranchi de l’apprentissage du saxophone, sa madeleine de Proust, travaille aux Postes Téléphones et Télécommunications puis à la Sécurité Sociale. Il se joint au guitariste Joseph Kaba ainsi que le chanteur Édo Ganga et créent ensemble l’orchestre Atomic-Jazz en 1954, qui devient peu de temps après, on ne peut plus structuré, le célèbre Négro-Jazz.

Le premier saxophoniste de l’orchestre OK-JAZZ

1956 voit le début des va et vient de musiciens brazzavillois vers Léopoldville dotée de structures phonographiques, à commencer par le Négro-Jazz qui s’y installe par la grâce du pygmalion Henri Bowané, suivi d’éléments de l’orchestre Les Compagnons de la Joie (CDJ), Jean-Serge Essous, Kouka Célestin, Liberlin de Shoriba Diop, Mpéla La Montha, avec à leur tête Marie-Isidore Diaboua. Tous, excepté Ganga Édo (que l’on signale aux éditions rivales Opika) et Kouka Célestin, intègrent les éditions Loningisa des frères grecs Athanase et Basile Papadimitriou qui vivent encore des requins. Rejoints par François Luambo et Dewayon venus du groupe Watam de Dewayon et Bikunda, puis Lando Rossignol, Vicky Longomba, Daniel Loubélo De la Lune, ils mettent sur pieds au sein de ladite édition la première entité structurée, le groupe LOPADI (LOningisa PapaDImitriou), se démarquant ainsi de Bana Loningisa à l’effectif ouvert, dirigé par Henri Bowané. C’est alors que voit le jour le tandem Essous-Nino. Sur la structure du groupe Lopadi sera créé l’année suivante, le 6 juin 1956, l’OK-JAZZ dont la direction sera confiée à Jean-Serge Essous. Cette fois, Nino Malapet y participe, lié par un contrat individuel des éditions Loningisa.

Chef Nino

La carrière de Nino Malapet franchit une dimension supérieure en 1957 avec la création de l’emblématique orchestre de légende, ROCK-À-MAMBO, comme boosté par les fonctions de chef d’orchestre, fonctions qui le transcendent tant dans sa prestation instrumentale que dans l’écriture des chansons, comme en témoigne la discographie ô combien volumineuse de cet ensemble.

Initiateur du projet Bantous

Après la proclamation de l’indépendance du Congo le 28 novembre 1958, Nino Malapet est l’inspirateur du retour au bercail des musiciens brazzavillois évoluant à Léopoldville. Paradoxalement il sera absent du bar Chez Faignond le 15 août 1959 lors de la première de l’orchestre Bantous, à diriger encore le ROCK-À-MAMBO à Léopoldville.

L’orchestre Rock-À-Mambo se disloque à Pointe-Noire en 1961, Nino Malapet intègre alors l’orchestre Bantous, s’inscrit simultanément et brillamment en propédeutique au Centre d’Enseignement Supérieur de Brazzaville (CESB), ancêtre de l’Université de Brazzaville où il poursuit ses études jusqu’en deuxième année de licence en droit. En 1964 Nino Malapet nous révèle sa botte secrète, un énorme talent de vibraphoniste dans l’orchestre Bantous, avant d’en prendre les rênes deux années plus tard à Abidjan, suite à la défection d’Essous sur le chemin de retour du Festival d’arts Nègres de Dakar.

L’héritage artistique

Clef de voûte des partitions polyphoniques des bois et cuivres, tant avec le Rock-Â-Mambo qu’avec les Bantous, Nino Malapet est une valeur sûre du saxo ténor dans la musique congolaise et demeure un improvisateur avisé du saxophone soprano.
Ses chansons sont aérées, dépouillées, l’œuvre reconnaissable par la pureté de sa ligne mélodique. Des pièces d’orfèvre, taillées, ciselées avec amour et passion dans une méticulosité des plus abouties. Nino Malapet est un mélodiste.

Doté d’une grande culture de la rumba et de l’afro-caribéen (il faut être attentif aux citations dont il émaille certains arrangements [ ClémentOssinondé - in "Dieudonné Nino Malapet n’est plus" - mbokamosika.com le 02/02/2012]), Chef Nino nous a légué une œuvre monumentale ce 29 janvier 2012.

Salut l’Artiste.

- Audifax BEMBA -

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