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Le 8 mars 1977, chronique d’une mort non annoncée

Le 8 mars 1977, journée de la femme, Marien Ngouabi s’adonne à un exercice qu’il adore : tenir meeting. Nous sommes place de l’Hôtel de ville de Brazzaville. Cette fois-ci, il harangue un parterre de militantes de la fameuse URFC. Le ton est à la rigolade. Marien Ngouabi s’emploie même à faire du San Antonio (un maître consommé de l’argot) en balançant du franglais (because) dans un discours destiné aux nanas de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo.

Certains esprits fertiles supputent que par prémonition les évènements à venir affectent le cerveau de l’orateur au point de le plonger dans une euphorie ! De la pure spéculation métaphysique.

Impérialisme et autres valets locaux

De quoi parle Marien Ngouabi dans son élan féministe ? Du rôle de la femme dans la révolution marxiste. De toute façon quelle catégorie intellectuelle pouvait mobiliser le Président du PCT si ce n’est l’égalité entre l’homme et de la femme bafouée non pas par la phallocratie séculaire de nos sociétés mais par l’impérialisme et son succédané, le néo-colonialisme. Langue de bois marxisante oblige, le bouc émissaire du ralentissement de la révolution prolétarienne c’est cette arlésienne nommée Impérialisme international soutenu par ses valets locaux.

Marien Ngouabi, en cette journée commémorative, est au sommet de sa forme rhétoricienne. La crème de l’URFC qui boit les paroles du camarade Marien est aux anges. Le ciel politique semble dégagé. Deux ou trois épurations ont pu voir lieu dans l’armée et dans la fonction publique. Pas de quoi fouetter un chat. Cinq ans auparavant, le Congo a empoché 22 milliards de francs cfa en revenus pétroliers. L’appétit glouton des membres du bureau politique et du Comité Central du Parti a eu raison de cette colossale somme. Rien de plus normal dans cette dictature rouge. Tout de même 22 « patates » ce n’est pas rien.

Ce 8 mars 1977, contre mauvaise fortune, Marien Ngouabi fait bonne mine. Son discours prononcé à l’attention de la journée internationale de la femme est diffusé en différé à la radio. Une première fois dans la journée, une deuxième fois dans la soirée. Il est déridant à souhait. Redondant mais déridant. Faire entendre une allocution en boucle est une caractéristique des medias dans les régimes autoritaires comme l’est le Congo des années 70.

Bref, malgré les soucis financiers du régime, aucun nuage à signaler à l’horizon.

Pourtant, personne (sauf ceux qui sont dans le complot) ne peut imaginer, ce 8 mars 1977, qu’il ne reste que dix jours à vivre à Marien Ngouabi.

A suivre

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