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10 après l’offensive généralisée : de pitié en pitié

J’ai lu avec un certain intérêt la réaction du Frère (de la sœur ?) bestg, en réaction à un article publié sur CP relatif au rabibochage entre Bernard Bakana Kolélas et son jeune frère Denis Sassou Nguesso, et par la même occasion, consacrant les retrouvailles entre le PCT (ou FDU) et le MCDDI.

Il faut noter qu’une partie (même infime) du parti de Kolélas avait déjà rejoint le camp du vainqueur de la guerre en 1997, par le biais du ministre Michel Mampouya, actuel président du PSVR (Parti de la sauvegarde des valeurs républicaines). Michel Mampouya a pris d’énormes risques en 1997 où, sous certaines balles il faisait tout le temps la navette entre le fief de son mentor, Kolélas qui l’envoyait en mission chez l’allié d’alors, Sassou Nguesso. On a tous vu ce que cela a donné. Nous allons d’alliances en alliances avec toutes les combinaisons possibles et inimaginables. Et 16 après la fin de la CNS (Conférence nationale souveraine), force est de constater que le pays de J.-F. Tchicaya et de Jacques Opangault (deux hommes que je respecte par dessus tout) n’a pas avancé d’un seul millimètre. Nous connaissons le bilan du Premier ministre André Milongo durant les 14 mois de transition d’où il n’a pas pu faire mieux que de terminer 4ème après la consultation électorale de 1992 (soit, sauf erreur de ma part, le plus mauvais score de tous les Premiers ministres de transition qui ont eu à gérer les pays au Sud du Sahara après la restauration du multipartisme). Quant au bilan du professeur des professeurs, je n’ai même pas envie de m’étaler dessus aujourd’hui, on l’a fait mille et une fois, il est encore à faire, surtout de la part même de ceux qui, 5 ans durant, bon an mal an ont géré nos 342.000 km2 en sa compagnie, sans parler de nos ambassadeurs.

Près de 10 ans après la fin de la guerre, force est de reconnaître que le président qui aura, sa vie durant bénéficié des meilleurs opportunités pour essayer de sortir le pays de la fange dans laquelle il patauge depuis les années 70, Denis Sassou Nguesso se montre jour après jour incapable de la moindre initiative positive qui puisse faire dire au fonctionnaire congolais qui tirait le diable par la queue en 1997 « Je peux me soigner dignement ! » Ou encore au vieux retraité depuis des années : « Mon fils avec sa licence ou ma fille avec sa maîtrise peut tranquillement passer son concours de la Fonction publique, et s’il (elle) fait partie des meilleurs(es), il (elle) pourra assumer sa nouvelle vie. Se marier, avoir des enfants et pourquoi pas, construire sa maison et ne pas être locataire comme je le suis encore à mon âge » Si bien sûr notre pauvre retraité n’a pas vu sa maison pillée et cassée par un Cobra, Cocoye, Ninja ou que sais-je encore…

Le Congo de Marien fait peur. Il fait peur à ses enfants qui sont bien conscients que bâtir un Congo moderne est un travail de longue haleine, qui demandera des décennies et nombre d’entre nous ne verront sûrement pas 10% de ses fruits de notre vivant. Mais force est de constater que le minimum ne vient pas. Ni à pieds, ni à genoux. Même pas à une vitesse de mille-pattes.

Dois-je parler de l’eau qui est une denrée aussi rare que des poils sur un œuf ? Dois-je parler de l’électricité qui est plus qu’un luxe aujourd’hui : un vrai diamant, à moins d’être pourvu d’un groupe électrogène. Ce qui ouvre encore d’autres portes : il faut des sous pour en acheter. Après l’achat, il faut du liquide dans les stations service. Au pays de l’or noir, les Congolais broient du noir, en termes énergétiques aussi. Pourtant, Dieu sait que jamais on n’a eu autant d’entrées d’argent depuis 10 ans dans ce secteur… Mais quand l’incompétence et le népotisme sont mis dans le même panier, il ne faut pas s’étonner de voir que plus on pompe du pétrole du sous-sol congolais, plus les populations s’appauvrissent et plus une sorte de petite nomenklatura s’enrichit à la vitesse de l’éclair, pour jouir au maximum aujourd’hui et préparer les lendemains de perte de pouvoir qui ne sont pas toujours roses. Loin s’en faut… Certains se souviennent encore de la chute du Prince en 1992. D’autres ont encore en travers de la gorge un certain 15/10/1997…

On pourrait à cette allure écrire des tonnes et des tonnes de papier.

Cependant, aujourd’hui, je voudrais mettre le doigt sur deux faits qui gangrènent à leurs manières aussi la société congolaise, au point que je me demande quand les médecins décideront de l’amputation. « Je mets tout en œuvre, nous mettons tout en œuvre pour lutter contre la corruption ! » Evangile prononcée à Bruxelles par notre prince bien aimé devant des membres de la CE (Commission européenne). M. Louis Michel, le commissaire européen en charge du Développement et ex-ministre belge des Affaires étrangères, qui connait bien notre sous-région (Afrique centrale) était absent et avait désigné un de ses collaborateurs pour « recevoir » le président congolais. Ce représentant avouera par la suite (en « off » comme disent les journalistes ) que c’est par respect pour l’hôte, pour le Congo et pour la CE qu’il n’a pas pouffé de rire et surtout qu’il n’a pas quitté la salle, indigné qu’il était d’entendre ce kleptocrate reconnu parler de lutte contre la corruption. C’est comme si un alcoolique donnait des conseils pour arrêter de boire… Mon frère (ma sœur) bestg va peut-être encore dire que je continue dans la critique facile de Sassou Nguesso, Denis de son prénom.

Qu’on aime le Congo ou pas, qu’aime tel président ou pas, que l’on considère Sassou Nguesso comme le moindre mal ou pas, il faut reconnaître que le poisson pourrit par la tête. Ce n’est pas parce que je n’aime pas le lapin que je vais nier qu’il a de grandes oreilles. Cela dit, l’exemple devrait venir d’en haut. Et si l’exemple ne vient pas d’en haut, chacun à son niveau essaie de faire « comme plus haut » afin que « chacun ait sa part » (souvenons-nous de Lissouba et de son Nkossa). C’est ainsi que depuis que Marien N’gouabi (qui n’était pas un homme d’argent, il faut le souligner) a laissé autour de lui une bande de rapaces, de corrompus et de corrupteurs faire main basse sur les deniers publics, la dérive du Congo-Marien ne fait que s’amplifier. Comment un chef qui vole peut-il demander à ses collaborateurs de faire le contraire ? Comment un homme politique qui permet à sa famille de s’approprier les deniers publics et parapublics peut-il demander au citoyen lambda de se serrer la ceinture ? Sur quelle basse ? Avec quelle légitimité ? On peut me dire « propose ! » Je réponds «  ok ! » des propositions, nous en faisons tous les jours, dans les discussions avec ces Hommes qui ont le destin du pays en mains : zéro résultat. On le fait sur le Net où chacun selon son niveau et ses compétences essaie d’apporter sa pierre à l’édification d’un Congo nouveau et dépouillé des tares que nous vouons aux gémonies nuit et jour : en vain. Des compatriotes ont eu le courage d’écrire des textes au sujet du scandale que constitue la glorification du colon de Brazza (notamment le professeur Elenga Ngaporo et Atondi Momondjo Lecas, http://www.congopage.com/article4272.html ). Des débats ont été organisés au pays : à la radio et à la TV. Zéro résultat. Le pouvoir n’est pas sourd, mais il est autiste. Un de ces hommes a même reçu des menaces (il se reconnaîtra, et je tais volontairement son nom).

Le Congo a reculé de plusieurs cases et on a l’impression d’être revenu au monopartisme où il fallait surveiller ses mots avant de mettre en cause le prince et/ou sa famille. Quel est ce pays où le maire d’une grande ville se permet d’aller agresser physiquement le 1er quidam qui ose lui tenir tête et il n’y a aucune poursuite judiciaire ? Dans le même temps, on paie de pauvres hères pour aller manifester devant le consulat de France pour une affaire qu’ils ne connaissent ni de Songolo ni de Kingani. Pour les bastonner peu après.

Si la Constitution (qu’on l’apprécie ou qu’on ne l’apprécie pas) n’est pas respectée par ceux-là mêmes qui sont censés la garantir, quelle est la marge de manœuvre des citoyens ?

« Le poisson pourrit par la tête » disais-je plus haut. En effet, il pourrit tellement bien qu’à tous les niveaux de la société, on veut égaler, avec des moyens divers cette tête. En 1994, me rendant à la Maison commune de Ouénzé (arrondissement 5) pour retire un Extrait d’acte de naissance, je fus étonné :

• De voir le fonctionnaire qui devait s’occuper de moi arriver à 11h00’ (j’étais là depuis 10h00’ et personne d’autre ne pouvait s’occuper de moi !) ;

• Sans un mot d’excuse, ce dernier me demanda une somme d’argent qui correspondait au double de ce qui était prévu. Je croyais naïvement que ça avait augmenté ;

• On me demanda de repasser… 3 jours après ! Car avant, ce n’était pas possible ! (Heureusement que j’avais mon temps) ;

• Ce fonctionnaire à midi pile lança aux deux femmes présentes dans son bureau (ses collègues) : « Na ke na nga ! To komi kaka lobi !) [A demain ! Je m’en vais !]. On peut là calculer le temps qu’il a mis à bosser ! On doit donc se (re) mettre au travail. D’abord et avant tout. Sinon, on est mort. A l’heure où l’Allemagne a mis l’âge de la retraite à 67 ans, ce n’est pas avec des horaires pareils que le Congo sera compétitif. Ne rêvons pas.

Quelques minutes après m’être bien renseigné, j’appris que les tarifs pour ce genre de documents n’avait nullement augmenté, mais chacun essayait d’avoir de quoi s’acheter un peu de riz ou de maïs pour ses enfants car « Lissouba a zo futa bato te ! » (Lissouba ne paie pas !) Plus de 12 ans après, Lissouba est parti. Les traitements des fonctionnaires sont redevenus réguliers, mais hélas ! ces traditions de vol et d’escroquerie perdurent encore.

Rien ne vaut les exemples pour mieux illustrer cela.

Dans mon propre entourage, depuis quelques semaines, j’ai reçu ces derniers temps des appels de la part d’un frère qui frise la quarantaine. Diplômé du supérieur, il n’a en tout et pour tout eu comme boulot qu’un poste sans aucun rapport avec sa qualification (vigile) avec une paie de 40.000 FCFA/mois. Ce, depuis bientôt 5 ans. Dieu merci, ce Monsieur a l’intelligence de ne pas avoir fait d’enfants car, en homme sensé, si on n’est pas capable de se prendre en charge soi-même pourquoi donner la vie alors qu’on fait venir un être qui n’a rien demandé à vivre les mêmes misères et calvaires que soi ? (Voilà aussi un point sur lequel on peut discuter longuement) Voilà donc que ce frère, issu d’une famille nombreuse comme les Bantu savent en faire (son père a engendré plus de 20 rejetons) s’est mis en relation depuis un moment avec un « grand », très haut placé dans l’administration locale qui lui fait comprendre que moyennant 200.000 FCFA (un peu plus de 304,90€), il pouvait lui trouver un poste (lequel ?) dans la Fonction publique.

Tout le monde doit quand même avoir en mémoire les fameux « Recrutements anarchiques » datant du dernier virage de l’ère Sassou I quand, en 1989-1990, la Fonction publique, sous l’impulsion de Mme Jeanne Dambenzet procéda à des recrutements qualifiés par tout monde (sauf par le parti au pouvoir et le gouvernement d’alors) d’anarchiques. Je connais même une famille à Ouénzé où le père fut heureux de voir 5 de ses enfants être recrutés d’un seul coup dans cette fonction publique, lui ôtant pas mal d’épines du pied. Peine perdue, car nombre de ces néo-fonctionnaires, sinon tous virent leurs noms radiés de l’administration locale.

Retour à la case départ et nouvelle paupérisation dans les familles congolaises. Et comme on sait qu’un « travailleur » = au moins 10 autres bouches à nourrir, je laisse à tout le monde le soin d’imaginer le désastre.

On prend les mêmes et on recommence…

En 1999, lors d’une causerie avec un aîné que je ne me permettrai jamais de qualifier de « tribaliste » ou de régionaliste, tant son patriotisme, je l’ai éprouvé plusieurs fois, je pus mesurer avec plus de force encore combien Sassou II avait déçu même ses plus fervents défenseurs. Cet aîné me raconta comment, bravant une bonne partie de sa famille, il milita au sein des FDU à Paris, lui qui avait quitté le Congo en… 1979, soit quelques mois après l’arrivée d’un certain jeune officier du nom de Denis Sassou Nguesso. Il croyait en son militantisme et était persuadé que l’échec que son leader avait connu en 1992 ne pouvait qu’avoir changé l’homme. Il était persuadé qu’un homme nouveau était né des cendres de celui de 1992. Dieu merci, après l’ « offensive généralisée » de 1997, il ne commit pas l’imprudence de rentrer au pays « ngoulou-ngoulou » comme on dit pour aller se disputer un maroquin, ou encore un obscur poste de « Conseiller » comme nous les aimons tant et si bien. Il resta en France à préparer son retour et me raconta encore avec ferveur comment lors d’un certain meeting parisien, son leader les avait galvanisés, leur promettant un Congo nouveau…

Hélas ! trois fois hélas ! Il me dit, très désespéré que « mboka wana ekomi kaka ya ba enterrements » tant il était désabusé parce qui s’y passait, deux à peine après le retour de « l’Autorité soleil ». On peut comprendre que la guerre de 1997 et les 5 ans de lissoubisme aient pu faire reculer le Congo de plusieurs décennies, mais il est difficile de comprendre pourquoi un homme qui veut travailler pour son pays nous ramène des dinosaures dans ses gouvernements tels que cette… Jeanne Dambenzet (pour ne citer qu’elle) de nouveau. Et là on peut se demander quelles idées nouvelles ces Hommes qui entourent le chef vont lui apporter après les monumentaux ratés des 80’ ? Visiblement, après leur cuisant échec de 1992, les caciques du PCT et/ou de l’entourage de Sassou Nguesso ne sont pas repartis à l’Ecole. Ni à celle de la vie, ni à celle des papiers et des diplômes. En somme, non seulement ils n’ont rien retenu des années passées, mais en plus, ils n’ont rien appris 5 ans durant. Ils n’ont pas vu que le monde avait changé. Leur logiciel est resté bloqué sur 1984, année d’avant un certain Pas (Programme d’ajustement structurel imposé par le FMI). Ils sont revenus pour reprendre avec les mêmes vieilles habitudes. Il suffisait de voir certains d’entre eux à l’Assemblée nationale de 1992 à 1997 : combien parlaient ? Combien débattaient ?

«  Avant d’aller au Ciel, il faut y avoir quelqu’un  »

Aujourd’hui, l’accès à cette Fonction publique est plus que jamais un luxe. Si on ne connaît personne de haut, voir de très haut placé, c’est devenu une chimère. Un vrai leurre. Soit on bat le pavé, soit on se démerde des années durant, en attendant de se trouver une place dans le privé.

J’ai été très étonné par la qualité des messages de ce frère sur mon répondeur, me réclamant cette aide. Etonné pas par le fait car, depuis des années c’est devenu aussi banal que de voir BZV plongée dans le noir faute d’électricité, mais c’est le montant qui m’a choqué : « 200.000 FCFA seulement ! » me suis-je dit. En effet car, depuis un certain temps, la somme que j’entends tout le temps prononcée par les « experts » en ce domaine c’est 500.000 FCFA (soit 2,5 fois). Ce doit une forme de la Nouvelle Espérance. Après 12 ans de pouvoir, que nous dirons les thuriféraires de ce beau slogan aussi creux que les cerveaux de ceux qui le débitent nuit et jour ? Ils nous présenteront une route ? Un pont ? Une canalisation ? En 12 ans de pouvoir et une corruption inégalée (je pèse mes mots).

C’est honteux. Au-delà même de la honte, c’est un sentiment de colère qui ne peut que nous animer de voir nos frères et sœurs obligés de payer pour travailler. Nombreux s’endettent pour trouver ces sommes. Et quand on connaît les salaires de la Fonction publique, et quand on sait qu’ils ont du monde à nourrir (dès qu’on travaille, on a de nouveaux amis et de nouveaux parents).

Un dirigeant d’une structure d’Etat m’a dit il y a 5 ans avoir déboursé 14.000.000 FCFA (21342,86€) pour placer ou replacer ses frères et cousins dans l’administration. C’est quoi ce pays ? On pourra me parler des inspecteurs et autres contrôleurs. Il a rigolé de ma naïveté en m’expliquant comment il mettait (de même que les autres), ces Hommes dans sa poche et tous les contrôles et autres inspections se passaient sans rien à signaler…

C’est le même scénario pour les bourses et autres pensions. Si tu ne connais personne, ou tu graisses la patte ou tu t’écrases. Comme dit cet adage kikongo « Samu na ku kwenda na zulu, nge lenda vuanda na muntu kuna » (Avant d’aller au ciel, il faut avoir quelqu’un qui t’y ait précédé). Si le contrôleur est lui-même corrompu, quels résultats peut-on en attendre ?

Ne rêvons pas. A l’allure où vont les choses, nous sommes partis, à moins d’un sursaut de très grande envergure, pour de longues décennies d’obscurantisme avec des pauvres de plus en plus pauvres et des « riches » tellement riches qu’ils vont continuer à nous narguer nuit et jour.

Des propositions, les Congolais en font tous les jours. Mais quand on a affaire à des murs en face de soi, du matin au soir, Internet devient en effet un excellent espace d’expression car on sait qu’on n’y sera pas muselé.

Le Congo-Marien regorge de cadres d’une compétence extrême, dans tous les domaines possibles. Mais si le pays ne leur donne pas 0,0001% d’espaces pour exprimer leurs talents, ce sera toujours d’autres pays qui en bénéficieront. Il est difficile de concevoir que le chef de l’Etat s’en prenne au civisme de ses concitoyens (Cf. interview accordée à François Soudan de JA il y a quelques semaines), un peu à raison il est vrai, et promette de résoudre la question de l’insalubrité en passant par une société… belge ! 10 ans de pouvoir pour en arriver là ?

Vastes sujets dont on peut toujours discuter.
M82

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