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Appel à la Jeunesse Africaine de Théophile Obenga

« L’étonnant, c’est que la politique des présidents-à-vie, quoique élus au suffrage universel, démocratiquement, ne s’étonne de rien. Notre vie collective, publique, est vécue normalement, passivement, sans éveil critique, sans étonnement, sans questionnement (ce serait « subversif », et les capitaux étrangers n’aiment pas le « bruit », sic !). L’Afrique paralyse sa propre Jeunesse dans la non-pensée. C’est notre héritage culturel, ce genre de leadership, rassure-t-on. », P. 20

Linguiste, philosophe et historien de l’antiquité, Théophile Obenga, a de temps en temps visité l’histoire immédiate ou contemporaine. Comme on le sait, le domaine de l’histoire immédiate est souvent, sinon toujours, l’événement politique brutal, explosif, massif qui détruit les complexités sociales et psychologiques. L’évènement-traumatisme devenant traumatisme historique, par conséquent, le temps social en prend un sérieux coup.

« Appel à la Jeunesse Africaine : Contrat Social Africain Pour le 21ème siècle » , est le nouvel ouvrage du Pr Théophile Obenga, paru le 27 juillet 2007, aux Editions Ccinia communication, au prix de : 19 €, représentées par le pasteur Shebuel Mowhou (voir photo à droite). Avec la collaboration de Henda Diogène Senny (voir photo à gauche), militant panafricain.

Les thèmes suivants y sont traités : « L’enjeu de l’Immigration ; L’Occident : obstacle majeur au développement de l’Afrique ; La Gouvernance du Monde ; Francophonie/Commonwealth ; Patriotisme ou Corruption politico-financière ; VIH/SIDA en Afrique ; Symboles irréductibles de la Jeunesse Africaine - Jeunesse Africaine & Géopolitique mondiale ; Jeunesse Africaine - Renaissance Africaine - Etat Fédéral Africain - Mœurs contemporaines (sexualité, philosophie, spiritualité…) »

Livre politique, pamphlet particulièrement virulent de 124 pages, dans le style du célèbre « Discours sur le Colonialisme » du chantre de la négritude, Aimé Césaire, « Appel à la Jeunesse Africaine : Contrat Social Africain Pour le 21ème siècle » , est l’expression d’une colère ou encore la rupture d’un silence considéré comme une complicité face au chaos dans lequel est plongé la Jeunesse Africaine. Ainsi, la formule Théophile Obenga en page 7 : « Devant cette situation globale de mort collective lente il est de peu d’avantage de témoigner, même en observateur lucide. Ce qui est impérativement requis, c’est un Appel à la Jeunesse Africaine, pour qu’elle soit debout, de nouveau, qu’elle comprenne et qu’elle agisse, en une formidable chaîne d’union panafricaine ».

Si l’Occident avec ses divers satellites (Banque Mondiale - FMI) sont mis au banc des accusés, leurs mandataires africains n’en sont pas moins épargnés et contre qui le Pr Obenga invite la Jeunesse Africaine à se détourner des méthodes et pratiques responsables du chaos : « La Jeunesse Africaine doit faire bouger les choses, développer des idées novatrices, s’organiser au plan continental panafricain, ambitionner une Afrique différente de celle des « pères-fondateurs » et des « présidents-à-vie » (protégés par l’Occident, pour les seuls intérêts occidentaux) » , P. 10

C’est l’abandon national qui livre la Jeunesse, pourtant levier fondamental du développement, sur les routes dangereuses de l’Immigration pour échapper à l’enfer africain : « Ces fils et filles d’Afrique partent du Cameroun, de la RCA, du Nigeria via la Libye jusqu’en Sicile ; de cette même Afrique profonde via le Niger, l’Algérie, le Maroc jusqu’à Melilla, en face Ceuta, ville espagnole. Longues pirogues de mer, bien incertaines, parties des côtes sénégalaises, mauritaniennes et guinéennes (Guinée-Bissau), abordent péniblement les rivages de Tenerife, chaque jour ou presque, depuis des semaines, des mois. La loi de ces rivages solitaires est expresse : la mort. » , P. 12

Passant outre les conventions, comme un appel à la subversion, le Pr Obenga dénonce l’attitude des dirigeants africains qui consiste à ankyloser l’énergie juvénile :
« L’étonnant, c’est que la politique des présidents-à-vie, quoique élus au suffrage universel, démocratiquement, ne s’étonne de rien. Notre vie collective, publique, est vécue normalement, passivement, sans éveil critique, sans étonnement, sans questionnement (ce serait « subversif », et les capitaux étrangers n’aiment pas le « bruit », sic !). L’Afrique paralyse sa propre Jeunesse dans la non-pensée. C’est notre héritage culturel, ce genre de leadership, rassure-t-on. » , P. 20

Il poursuit :
« L’Occident ne perçoit jamais l’Afrique que comme simple réservoir des matières premières stratégiques (…) Aucun amour de l’Occident pour l’Afrique. Aucun. C’est encore le moindre mal. Mais le non-amour des Africains pour l’Afrique frôle la folie criminelle. On ne peut pas se battre pour le développement d’une Afrique que l’on n’aime que du bout des lèvres. Des multi-milliardaires politiciens Africains ont sombré dans la non-reconnaissance africaine : c’est une leçon » , P 54.

Le Pr Théophile Obenga (au milieu), Henda Diogène Senny (à gauche, militant panafricain) et le Pasteur Shebuel Mowhou (à droite, Editions Ccinia Communication). Les 3 donneront une conférence le mardi 31 juillet 2007 au CAPE (Centre d’Accueil de la Presse étrangère - détails en fin d’article).

Loin, d’un catalogue de lamentations, toute une série de propositions pour mettre fin à la souffrance de la Jeunesse émaillent cet ouvrage. Sans enfermer la Jeunesse, non plus, dans l’homme révolté d’Albert Camus dont le succès importe peu, tant s’en faut, c’est véritablement d’une conscience victorieuse sous le vigoureux slogan « Africa must unite » de Kwame Nkrumah qu’il souhaite susciter chez la Jeunesse Africaine. Ainsi des « Symboles irréductibles » de M. Garvey à Th. Sankara en passant par B. Boganda, P. Lumumba, A. Cabral, S. Biko… dont le sang preux a été versé pour la dignité de l’Afrique sont rappelés à la mémoire de la Jeunesse Africaine.

En conclusion, avec une pédagogie soignée, le Pr Obenga a écrit un chapitre spécial ressemblant à un hymne à la Jeunesse, intitulé : « Appel à la Jeunesse Africaine », nous n’avons pu nous empêcher de produire quelques extraits ci-dessous :

(…)
D’autres, parmi nous, n’entendent pas avec leurs oreilles et ne voient pas avec leurs yeux. L’imagination elle-même est en dysfonctionnement. L’aliénation, profonde, persiste. Heureusement ceux qui entendent et voient, imaginent et espèrent, doutent mais luttent, sont nombreux, et ardemment panafricains : Africa must unite.

Vaste cri de ralliement. Immense clameur continentale. La Jeunesse Africaine réalise de plus en plus, et nettement, que vivre dans l’histoire, en tant que sujets historiques, c’est imprimer sa marque aux temps historiques qui passent.

Les êtres humains en effet vivent dans un monde éthique, c’est-à-dire un monde de réflexion et de responsabilité : il est salutaire que la Jeunesse Africaine se fasse à l’idée de Renaissance Africaine, d’Etat fédéral panafricain continental, - ce qui est une idée de Grandeur Historique pour l’Afrique et pour la civilisation humaine qui s’en vient. La Grandeur est l’autre face du Bien, son immense signe dans l’Histoire.

Certaines notions empiriques et positivistes doivent être abandonnées, afin que la Jeunesse Africaine se dresse et s’engage résolument dans le monde éthique de l’histoire humaine.

Jeunesse Africaine, fière, brave, debout ! Le moment historique approche opportunément !

Regarde ! Le soleil ardent du continent est à son horizon oriental, juste levé, t’apportant vie et santé, énergie et intelligence, amour et contentement plénier. Tu espères, par ton travail, donner le meilleur de toi-même au continent.

Il se raconte beaucoup de choses à ton sujet. La politique des programmes d’ajustement structurel, neufs et vieux, t’est suicidaire. L’immigration, même agréée, est choisie. Il n’est pas certain que ton bonheur puisse définitivement en dériver. Coriace, le virus du sida t’a été inoculé par la méchanceté occidentale. C’est la logique constante des pays du Nord depuis les codes noirs du Siècle des Lumières : atteindre, paralyser, au mieux éliminer les forces vives et juvéniles du continent pour le pomper en toute tranquillité. Les « pères fondateurs » et les « présidents-à-vie » ferment les yeux et croient servir l’Afrique.

Jeunesse Africaine, fière, courageuse, debout ! Les circonstances te sont plus que jamais favorables.

Sache, tu le sais : la paix dans le monde n’est pas encore au rendez-vous avec elle-même, en dépit des efforts de Albert Luthuli, Martin Luther King, Nelson Mandela, Desmond Tutu et Wangari Maathai, tous Prix Nobel de la Paix. Il est à remarquer que l’ANC est le seul parti politique à avoir reçu trois fois le Prix Nobel de la Paix au 20ème siècle.

Tu le sais tout autant : l’énergie (pétrole, gaz naturel) divise profondément les nations, la communauté internationale (ce qu’il en est de ce mythe du 20ème siècle).

Ainsi aussi de la science et de son application : la maîtrise et la pleine possession du nucléaire sont cause de conflits éventuellement tragiques pour l’humanité. Mais cela n’exclut pas de penser sérieusement au Programme du Nucléaire civil africain. En se globalisant, le commerce engendre des puissances géopolitiques et géostratégiques diamétralement opposées. Ainsi va la mondialisation. Outre l’amère ironie, la remise des dettes des pays très pauvres n’a rien qui vaille. La corruption ? Son royaume de prédilection est tout l’Occident, constant donneur de leçons. C’est son eurocentrisme tyrannique. Le paradigme Afrique-Asie paraît plus négociable, sans les vieilles couches psychologiques datant de l’ère coloniale.

Sache, tu ne l’ignores pas, Jeunesse Africaine : tu possèdes des symboles, nombreux, pour résister, lutter, réfléchir, imaginer, méditer, créer et gagner : de la reine Nzinga à Christiane Taubira en passant par Mary McLeod Bethune, Anna Julia Cooper, Sojourner Truth, Ida B. Wells, et Winnie Mandela et Miriam Makeba. Et aussi de Nat Turner à Lumumba, de Lumumba à Tom Mboya, de Tom Mboya à Cabral, de Cabral à Steve Biko. Telle est la chaîne panafricaine, solide.

Faut-il te rassurer en t’indiquant le chemin que tu connais déjà ? Ce long chemin qui va de Marcus Garvey à Thabo Mbeki en passant par Kwame Nkrumah et Cheikh Anta Diop et qui a pour nom : Panafricanisme, Etat fédéral panafricain continental, Renaissance Africaine. Et Bob Marley et Pierre Akendengué ont vivement célébré ce chemin d’espoir.

Suis ce chemin de gloire, d’honneur, de fidélité et de sacrifice. Suis-le. Elargis-le selon tes outils de travail, ton corps, ton esprit, ton intelligence, ta foi, ton amour patriotique.

En effet, la quête du destin africain et son accomplissement, à l’échelle humaine, n’est que ce chemin d’unité, de solidarité, de partage, de concertation panafricaine, de grande vision continentale, transcendant lignages, clans, villages, tribus, ethnies, Etats-nations, plaies des guerres civiles, précarités sociales, vulnérabilités psychologiques, fragmentations et fragilités politiques au plan mondial, international, planétaire. Dure et longue est par conséquent la tâche.

Dans le système solaire qui est le nôtre, l’être humain a ses origines paléontologiques, culturelles, sexuelles, spirituelles et réflexives en Afrique, berceau de l’humanité actuelle. Le savoir implique que l’Afrique sera toujours là, présente, active, dans la fabrication du futur de l’humanité. Il faut y préparer sa jeunesse.

Jeunesse Africaine, sois éveillée, plus que jamais ! Il s’agit de Toi, de ton avenir. De l’Afrique, de son futur. De l’humanité, de son ouverture à elle-même, de ses grands idéaux de civilisation.

L’Afrique n’a que trop subi le descriptif des autres : « l’Afrique noire est mal partie », « l’Année de l’Afrique » (qu’une pauvre année !), « l’Afrique des colonels », « l’Afrique fantôme », « l’Afrique ambiguë », « l’Afrique des tribus », « l’Afrique bloquée », « l’Afrique marginalisée », « l’Afrique pauvre, très pauvre, très endettée dans le sous-développement durable »…

C’est le découragement, source de pessimisme, que l’on veut théoriser pour mieux paralyser l’Afrique et, de la sorte, la piller systématiquement, sans le moindre scrupule. Parfois, souvent, avec des complicités politiques africaines.

Il y a un déficit théorique à combler. La Jeunesse Africaine, rurale, urbaine, intellectuelle, politique, artistique… doit produire ses propres paramètres et paradigmes : sur l’Afrique, ses nombreux problèmes d’éducation, d’emploi, de santé, d’économie, de solidarité, de législation, de coopération continentale, de nucléaire africain, d’ouverture mondiale, de science, de technologie, d’environnement…

Doit-on douter de la capacité de la Jeunesse Africaine à penser, à réfléchir sur la traite négrière, l’esclavage, la colonisation, le racisme, l’exploitation néo-coloniale, la francophonie, le commonwealth, le sous-développement, les cultures de rente, les programmes d’ajustement structurel ?

Doit-on minimiser la capacité de la Jeunesse Africaine à produire des idées, des cas de figure, des programmes, des activités à la suite de la lecture de Marcus Garvey, W.E.B. Du Bois, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Steve Biko ?

Les idées comptent, plus qu’avant, dans le monde contemporain : idées de démocratie, d’économie mondiale, de recherches scientifiques, d’identité et diversité culturelle, de philosophie, de violence ou de non-violence, de fondamentalisme théologique ou non, de sexualité humaine ou animale, de spiritualité, de gnose, de la vie dans l’univers. Quelles sont les idées des Africains, de façon originale et profonde, sur toutes ces immenses problématiques contemporaines qui engagent déjà le futur de l’humanité ?

Consommer les efforts réflexifs des autres, être pillé par les stratégies politiques et économiques des autres, jouer et chanter en marge de l’essentiel de « la Marche du Monde » : est-ce véritablement vivre en assumant sa part de responsabilité humaine ?

Les masques africains parlent à qui sait entendre et comprendre. Ils disent la vie, dans une affirmation presque dramatique. C’est qu’ils savent aller au fond d’eux-mêmes et des choses. Ils ont ainsi développé un grandiose et majestueux dialogue avec la nature. Retenons au moins cette capacité de tenir conversation entre nous-mêmes, avec nous-mêmes, avec le monde, avec les autres peuples, les autres civilisations de notre humanité.
(…)

Panafricainement,

Hannibal

* L’Article peut être téléchargé en fin de page

** Interview au site Afrik.com : Théophile Obenga : son "Appel à la jeunesse africaine" : http://www.afrik.com/article12197.html

*** A l’invitation de l’Association de la Presse Panafricaine (APPA)

Conférence-débat mardi 31/07/07 à 11 heures au CAPE

Intervenants :

Professeur Théophile Obenga
l’illustre Egyptologue, actuellement enseignant à l’Université d’Etat de San Francisco (Californie-USA)

Professeur Abel Goumba
Médiateur de la République centrafricaine

M. Henda Diogène Senny
Professeur de gestion, militant panafricaniste

Plus d’info
En ce début du XXIème siècle, on constate que de nouvelles masses continentales géopolitiques se dessinent et se précisent dans le monde. D’autres paradigmes politiques sont possibles et même s’imposent aux Africains de toute urgence.

Dans le sillage de l’héritage panafricain de Marcus Garvey, de Kwame Krumah, de Barthélémy Boganda et de Julius Nyerere, disciple et ami du professeur Cheikh Anta Diop, l’illustre Egyptologue, actuellement enseignant à l’Université d’Etat de San Francisco (Californie-USA), le professeur Théophile Obenga expose son point de vue quant à la nécessite de la création des États-Unis d’Afrique, dans son dernier ouvrage disponible à partir du 27 juillet 2007 intitulé : « Appel à la Jeunesse Africaine : Contrat social africain pour le 21ème siècle. » aux Editions Ccinia communication.

Cette rencontre sera l’occasion de l’interroger sur l’actualité du combat de l’Afrique. Hier, exclusion des peuples africains de l’humanité ; aujourd’hui, immigration choisie, maladies pandémiques, programme d’ajustements structurels immoraux. Et le co-développement est offert sans pudeur comme une solution miracle à des pays volontairement surexploités, rendus pauvres et très endettés.

Centre d’Accueil de la Presse Etrangère
Maison de Radio France (entrée porte A)
116 av. du Président Kennedy
75220 Paris cedex 16
France
Accès :
RER C - Kennedy Radio France
Bus 72 Radio France Pont de Grenelle
Bus 70 Radio France

Parking : Pont de Grenelle - Maison de la Radio

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