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Au nom de Dieu

Le Congo est une terre bénie des dieux. Non seulement pour son climat, sa pluviométrie et la richesse de sa faune-flore ou de son sous-sol, ce qui n’est pas peu. Nous sommes une Nation bénie aussi parce que chaque jour qui passe, des élus de Dieu prient pour nous, et demandent aux dieux de nous bénir encore et encore.

Nous sommes riches de dieux polychromes et polyphones. A chaque coin de rue, dans les quartiers, dans chaque « bloc », c’est une profusion de groupes de prières qui chantent, dansent, crient et adressent à Dieu les suppliques les mieux senties. Alleluia-Amen : Dieu est amour.

Les Eglises ne désengorgent plus ; les temples sont bondés ; les mosquées poussent à l’envie dans une ville comme Brazzaville où les minarets et la Tour Nabemba seront bientôt les éléments du paysage normal de notre ville-capitale. Et les suppliques : à Yahvé, Dieu ou Mahomet, montent chaque jour en volutes orantes pour sauver 342.000 Km de forêts et de savanes. Trois millions d’âmes qu’il faut tirer des dangers de l’enfer. De toutes les manières.

Chez William, il est interdit de porter la petite culotte. Chez Louzolo-Amour, le « Dambage » est le moment de la prière de délivrance, qui s’accompagne de bière. Chez les protestants, les quêtes chantées et dansées s’étirent en longues files concurrentes : hommes et femmes, c’est à qui donnera pour Dieu ce qu’il possède le plus. Y compris des téléviseurs, chez les kimbanguistes. Les catholiques multiplient les « croisades » et autres pèlerinages de contrition : chaque prêtre devient un exorciste. Le danger est partout.

Les politiques ne sont pas en reste. Dieu a d’ailleurs pris ici une fière revanche. Dans un pays qui hier parlait de transformer les églises et temples en salles de cinéma au nom de Marx ; dans un pays où on n’a pas hésité à sacrifier un cardinal catholique (unique exemple en Afrique !), les politiques d’hier et d’aujourd’hui rivalisent en scènes de repentances devant les autels et tables de sacrifices. Baptêmes plus ou moins secrets ; mariages religieux ; présences obligées aux messes de précepte et aux cultes nationaux : l’homme politique congolais est devenu un priant.

D’où vient alors que ce soit dans ce pays, nimbé de la grâce divine réclamée chaque jour, que l’on a vu (on voit) les pires ignominies se perpétrer ? D’où vient que la corruption y gangrène tellement la vie qu’elle ne trouve personne de raisonnable pour la condamner - on ne condamne pas un style de vie ! D’où vient que c’est dans un tel pays qui n’est qu’oraisons et génuflexions que les enfants dorment dans l’Avenue de la Paix par multitudes ? Que les femmes sont violées et les veuves chassées et/ou séparées des enfants ? Que la vie d’un malade ne vaut que le temps de lui soutirer 1000F pour la seringue ?

D’où vient d’ailleurs qu’un tel pays de contrastes ne confirme pas les deux extrêmes qui l’attendent inéluctablement si nous ne faisons rien : sombrer inexorablement, ou nous sauver pour de bon ? Avec l’horreur de la leçon apprise, par peur de l’enfer !

Benda Bika

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