email

Chronique - sportive - de l’amour du Congo

Paris Gare du Nord, Mardi 5 octobre 2010. Le temps est maussade ; il pleut des hallebardes. Néanmoins, la rue du Faubourg Saint-Denis grouille de sa foule bigarrée. Je tente de m’abriter quand, soudain, je rencontre une amie, une compatriote. Ensemble, nous entrons dans une agence de voyages. Mon amie veut aller à Brazza ce soir même, par le vol d’Ethiopian Airlines. Ce mercredi, un entretien très important l’y attend. Je lui dis que ce ne sera pas possible, rien n’y fait. Elle insiste. Harcèle la jeune femme de l’agence de lui trouver une place. Coûte que coûte. D’un sourire débonnaire, la belle indienne lui répond que 12 sportifs congolais sont sur la liste d’attente pour le même vol et qu’il lui sera sinon impossible, du moins difficile, de lui trouver une place. Justement, l’un de ces fameux sportifs s’impatiente sur sa chaise

Et comme une chaise se libère, je m’installe à ses côtés. Oui, il m’a l’air d’un sportif de haut niveau. Et pour cause : son corps, soigné, est musclé. En tout cas, très bien bâti – d’ailleurs, une Africaine présente dans l’agence le mange des yeux. Le jeune homme porte un jean délavé, un pull griffé ; s’est chaussé de baskets qui feraient pâlir d’envie les jeunes des « quartiers sensibles ». Je ne résiste pas à l’appel d’une conversation entre compatriotes, sur un ton humoristique. Il m’apprend que c’est un footballeur de championnat allemand… « Ah !  » m’exclamé-je. Lui et ses coéquipiers en équipe nationale doivent se rendre à Brazza où dimanche les Diables Rouges – les seniors - rencontreront l’équipe du Swaziland pour le compte des éliminatoires de la coupe d’Afrique des Nations. Je me rappelle que le Congo avait manifesté son envie de se retirer des éliminatoires de la Can 2012 mais qu’au dernier moment, la Fécofoot s’était ravisée. J’ai dans mon tiroir cet article de Ghislain-Joseph Gabio sur RFI :

"Pour affronter le Soudan à Khartoum dans le cadre des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations 2012, le Congo était placé dos au mur : appeler ses footballeurs évoluant en Europe. Ces derniers qui ont un contentieux de primes avec leur Fédération exigeaient le règlement de leurs arriérés.
Depuis l’an dernier, la Fédération de football n’a pas de bureaux. Les élections prévues cette année ont été un fiasco et aucune compétition n’est organisée. C’est dans un imbroglio total que le Congo a pu participer aux éliminatoires du Championnat d’Afrique des nations (CAN) avant de se retirer. Une crise sans fin.Dans cette confusion, le département des sports vient d’adresser une correspondance au Comité intérimaire de la Fédération pour lui demander de retirer le Congo de toutes les compétitions séniors en nations et en clubs pour manque de ressources financières."

Ainsi, le Congo ne participera aux éliminatoires de la CAN 2012.Les Diables Rouges partageaient la poule I avec le Soudan, le Ghana et Swaziland. Les clubs vainqueurs de la Coupe du Congo et du championnat seront à leur tour absents des compétitions de la CAF en 2011. L’opinion sportive congolaise est choquée et se demande ce qui est tombé sur la tête des dirigeants pour vivre une année sans compétitions internationales."

Dans ce désert financier, ou plutôt dans la gabegie financière que connaît le Congo, les autorités sportives ont néanmoins promis des billets d’Air France aux Diables rouges mais lundi matin, en arrivant à Roissy, leurs noms ne figuraient pas sur la liste des passagers. Aussitôt, ils ont téléphoné à Brazzaville. Surprise, on leur a dit qu’ils devaient faire eux-mêmes le nécessaire pour rejoindre le pays de leurs ancêtres. Le budget alloué au football congolais ne permet pas de faire venir les professionnels évoluant en Europe. Après tout, ils gagnent gros dans leur club, par conséquent ils peuvent se payer un billet d’avion. Alors, par amour pour leur patrie, chacun des Diables rouges d’Europe s’est acheté son propre billet d’avion. Mais le vol d’Ethiopian Airlines de ce mardi était complet, la compagnie ne leur a trouvé des places que dans le vol de vendredi 8 octobre ? Que faire ?

Je lui suggère de retourner en Allemagne, privilégier son club, son employeur. « Jamais ! J’aime le Congo, un petit pays riche de 50 ans ! » Je reste sans voix devant une telle détermination ! N’est-ce pas une belle leçon de patriotisme à tous ceux qui pillent le budget de l’Etat et qui dissimulent leur manne ailleurs ?

Bedel Baouna

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.