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LE CONGO :

Comment sortir définitivement de la crise ?

Par Samuel BADINGA

Imaginez un Congolais de trente (30) ans, diplômé sans
emploi, sans revenu, qui se lève tous les matins pour ruser
avec la misère ; imaginez que ce congolais soit
représentatif de la majorité de la population ;

Imaginez des enfants trop vite adultes auxquels auront
manqué l’abécédaire ; imaginez que ces enfants soient les
plus nombreux ;

Imaginez les villages détruits et vidés de leurs habitants ;

Imaginez des moyens de production détruits ou pillés ;

Imaginez une minorité de Congolais consommant le gros des
richesses du pays qui affichent une arrogance et une
suffisance absolue ;

Imaginez l’indifférence d’une élite dirigeante aliénée et
corrompue, et son mépris du peuple et de la culture
populaire ;

Imaginez le Congo classé parmi les pays les plus corrompus
de la planète avec un taux de corruption qui frôle le
coefficient de 7 (les pays sont notés sur 10, plus la note
est élevée, plus le pays est considéré comme corrompu) ; la
Fondation américaine HERITAGE classe le Congo dans la
catégorie des pays sans liberté (mosthy unfree), corrompus
et qui encouragent la corruption, avec une note de 3,70 en
2000 et 3,75 en 2001 ;

Imaginez une élite qui veut une république d’ayants droit
qui n’appartiendrait qu’à elle seule ;

Imaginez des masses d’analphabètes dansant le « kiwa
nzenza » qui réclament leur droit de vivre dignement ;

Imaginez un pays à revenu moyen, le Congo qui est classé
maintenant dans la catégorie des pays les plus pauvres ;
par rapport au P.I.B. le Congo pointe à la 134e place ;
l’indicateur du développement qui prend en compte le niveau
du revenu, de santé et d’éducation place le Congo au 128e
rang ;

Imaginez les villas luxueuses, les gros véhicules et autres
biens somptuaires, face à l’état de pauvreté des
populations qui n’ont besoin que de survivre ;

Imaginez la haine qui répond à l’indifférence ; la violence
et la rancœur qui frappent aux portes de l’injustice ;

Imaginez deux pays ou plusieurs qui s’épient, se menacent,
s’affrontent ;

Imaginez les préjugés sur l’origine ethnique, sur la région
d’origine et sur la langue ;

Et vous vous approchez du drame d’un pays, en situation de
quasi déchéance :

« Le Congo ».

Imaginez maintenant la POLITIQUE ; celle d’hier et celle
d’aujourd’hui :

Des pouvoirs à caractère exclusif qui entérinent les
préjugés, maintiennent les clivages, répriment les élans
populaires.

Des gouvernements dirigés par des « leaders
charismatiques » qui lancent les populations les unes
contre les autres, avivent les rancœurs, ouvrent les plaies
sans les panser, et finissent dans la corruption,
l’ubuesque et le totalitarisme.

Des leaders aidés de technocrates de seconde zone,
d’intellectuels fascinants et d’hommes de mains sans foi ni
loi qui ne cherchent qu’à s’enrichir au fil des jours et se
retrouvent en fin de parcours tout près de ceux qu’ils
prétendaient combattre.

Odieuse alternance. Du pire. Au pire.

« La haine se nourrit de la pauvreté, de la frustration et
de l’injustice », selon Lionel Jospin, premier ministre
français dans son discours à l’assemblée nationale le 03
octobre 2001.

L’attachement à mon pays me fait partager l’avis de toutes
les forces démocratiques attachées à la république, à la
démocratie et à la paix, au delà des clivages partisans,
qui :

DENONCENT :

1. La démarche du Gouvernement tendant à organiser
seul le recensement en vue des élections ;
2. La substitution de la Commission Nationale
Indépendante d’Organisation des Elections à une Commission
Nationale d’Organisation des Elections non Indépendante,
totalement contrôlée par le Ministre de l’Intérieur ;
3. La pratique négative et grossière du gouvernement
qui consiste à coopter les membres de l’Opposition.

REJETENT :

La proposition du Gouvernement qui consiste à cautionner
les résultats erronés du recensement entrepris
unilatéralement par celui-ci.

ET EXIGENT :

1. L’application stricte du mémorandum établi et signé
par tous les acteurs politiques de notre pays en mars 1997 ;
2. Le dessaisissement du Gouvernement de tout le
processus électoral au profit d’une Commission Nationale
Indépendante des Elections devant être obligatoirement
composée de façon mixte et paritaire entre les partis
politiques affiliés au pouvoir, les partis de l’opposition,
la société civile et les confessions religieuses.

Ces exigences, très pertinentes, doivent être soutenues
sans aucune ambiguïté par toutes les forces éprises de
paix, de liberté, et de fraternité, qui luttent pour la
restauration de la démocratie. Elles montrent combien la
crise congolaise est profonde et ne peut être résolue par
des mesures de saupoudrage, en fonction des intérêts
égoïstes des seigneurs de guerre se disputant le partage du
gâteau dans le mépris le plus total des souffrances des
populations.

Pour sortir de la crise, tous les congolais et toutes les
congolaises doivent participer au processus électoral ; Ils
doivent, de ce fait, être Electeurs et Electrices et
participer tous à la gestion de la Cité.

La Vérité n’est l’exclusivité d’aucune personne ou d’aucun
groupe de personnes ; la construction ou le développement
d’un pays a toujours été le fruit du travail de l’ensemble
de la population.

Le meilleur moyen, pour les Congolais de gagner le combat
de la paix, de la réconciliation et du sous développement,
est de trouver d’abord un terrain d’entente sur tout ce qui
les divise. Il faut pour cela exiger une véritable
concertation nationale consensuelle.

En outre, comment une Population assiégée par des armées
étrangères et des mercenaires peut-elle participer
librement à l’effort du développement ? La Population
congolaise, n’est-elle pas assez mûre pour régler ses
propres problèmes ?

Une paix imposée par la force finit toujours par s’effriter
à l’image des autres pays, comme les pays Balkans ou
l’Afghanistan , avec les risques de drames humains
interminables que cela engendre.

La paix véritable ne peut être que le fruit d’un engagement
de la population, dans toute sa diversité, de vivre
ensemble en vue de bâtir un avenir commun.

Une évidence se dégage aujourd’hui :

« Soit ceux qui ont conduit le Congo au déclin par leur
égoïsme se réconcilient et le Congo se relève, ou alors ils
disparaissent et le Congo redémarre ».

Si la classe dirigeante estime qu’une véritable
concertation n’est pas possible ou n’est pas indispensable,
mais insiste par contre de mettre en place des institutions
sous son contrôle exclusif, c’est qu’elle considère le
Congo comme sa chose, et le peuple congolais tout entier
comme ses sujets. Il s’agirait là d’une attitude égoïste,
irresponsable et dangereuse pour la réconciliation et le
retour à une paix véritable et durable.

Pourquoi, dans ces conditions, pour ne pas troubler la
quiétude des populations congolaises, l’organe « 
législatif » du pouvoir en place ne procède t-il à la
nomination d’un PRESIDENT A VIE ?

Cette solution épargnerait la Population congolaise de
toutes les tracasseries et le Congo du gaspillage de ses
ressources matérielles, financières et humaines.

Les Congolais et les Congolaises épris de Fraternité, de
Liberté et de Paix doivent méditer sur leur propre avenir
et celui de leur pays ainsi que sur les solutions à mettre
en œuvre pour faire triompher la Démocratie et s’épargner
d’autres malheurs.

Machiavel dit à ce propos : « la meilleure forteresse des
tyrans est l’inertie des peuples ».

QUELS PEUVENT ETRE LES GRANDS AXES DE CETTE MEDITATION ?

La Communauté internationale doit aider le peuple congolais
à organiser une véritable CONCERTATION NATIONALE
CONSENSUELLE.

Chaque groupe protagoniste et la société civile doivent
désigner des représentants qui auront pour mission
d’assurer officiellement des contacts aux fins de mettre en
place les modalités pratiques d’organisation de la
concertation nationale consensuelle.

La concertation doit avoir quatre missions principales :

i) Définir les institutions de transition d’une durée
raisonnable ainsi que leurs attributions :
 Gouvernement
 Assemblée
 Commission indépendante de suivi des accords et de
contrôle de l’action gouvernementale et parlementaire
 Commission électorale indépendante.

ii) Déterminer les missions de la force publique :
 Désarmement et cantonnement des milices
 Convocation des états généraux de l’armée et de la
force publique
 Départ des troupes étrangères et des mercenaires
 Force internationale de maintien de la paix avec
l’appui et l’aide de la communauté internationale

iii) Définir les bases du redémarrage économique et
social :
 finances, travaux publiques, équipements,
agriculture, infrastructures, ressources naturelles, etc.
 habitat, santé, éducation etc.
 recensement et conditions d’indemnisation des
victimes des guerres
 concours de la communauté internationale.

iv) Mettre en place une Commission Indépendante chargée
de l’élaboration de la constitution et de la définition des
conditions et des modalités d’organisation des élections.

Les travaux de la concertation nationale consensuelle
doivent avoir lieu dans un pays étranger hors de toute
pression.

Par ailleurs, les déclarations sur les ondes de certains
dirigeants importants du pouvoir en place à Brazzaville
insinuent régulièrement que le pouvoir se suffit à lui-même
et n’a de conseils à recevoir de personne en matière de
paix, de liberté et de réconciliation nationale.

Il est dangereux de penser que le Congo seul, entité
géographique, économique, culturel et politique renfermée
sur elle-même, peut se développer ou résoudre ses conflits
en vase clos, dans son espace restreint. Car la
mondialisation se manifeste par la multiplication des
relations entre les pays et l’interdépendance croissante.

La mondialisation a trait au commerce, aux finances, aux
investissements et aux domaines dont la croissance est plus
rapide que celle des revenus. Elle fait entrer en jeu les
technologies. Elle porte sur l’environnement, les maladies
transmissibles, la criminalité, la violence, le terrorisme
et le génocide.

Elle offre de nouvelles opportunités aux travailleurs de
tous les pays de développer leur potentialité et de faire
vivre leur famille grâce aux emplois nés de l’intégration
économique. Mais aussi, ce sont les crises financières
internationales et les crises politiques.

La conjoncture mondiale actuelle, la mondialisation, impose
les peuples à travailler tous ensemble pour relever les
défis du développement. La mondialisation constitue
aujourd’hui une véritable mutation ; elle est irréversible.
Le Congo doit en faire un facteur d’opportunité en restant
à l’écoute de l’opinion tant nationale qu’internationale.

Le moment est venu, pour les Congolais et les Congolaises,
de construire la paix et d’engager les vrais combats du
troisième millénaire qui a déjà démarré sans nous attendre.
Si aucune prise de conscience sérieuse et réelle ne s’opère
à cet instant précis, c’est l’émergence d’une nation, dans
toute sa diversité, qui en pâtira dans un avenir s proche.

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