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Crise du Pool : pourquoi pas le dialogue avec les exilés ?

La Semaine Africaine (Brazzaville), 28 Novembre 2002.
A y regarder de près, la crise armée du Pool n’est que l’avatar de la crise politique qu’il y a entre les vainqueurs de 1997 et les responsables déchus du pouvoir de Lissouba. Après le dialogue national et le processus électoral dominé par le P.c.t (Parti congolais du travail), le temps n’est-il pas venu d’engager le pays dans la réconciliation véritable avec ceux qui ont fui et qui sont aujourd’hui à leur cinquième année d’exil ?

L’exil est un calvaire. Ceux qui l’ont vécu le savent mieux. On n’est jamais mieux que chez soi. Or, de nombreux Congolais sont toujours en exil depuis octobre 1997. A l’époque, le président Sassou Nguesso refusait de négocier avec les leaders exilés, tant que la crise armée qui touchait alors le Pool et les pays du Niari, le fief de Pascal Lissouba, l’ancien président de la République, n’était pas réglée. « On ne peut pas négocier avec des gens qui ont le couteau entre les dents », avançait alors le régime de Brazzaville.

Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Il y a eu le dialogue national et les élections générales, pour ne citer que les faits majeurs ayant marqué la Transition instaurée par les vainqueurs du 15 octobre 1997.

Un certain nombre d’exilés ont regagné le pays, donnant ainsi la preuve que la réconciliation est possible, pourvu d’y mettre la bonne foi. Le P.c.t a réalisé son rêve de transformer sa victoire militaire en victoire électorale. Il n’a plus alors rien à craindre sur le plan politique, étant entendu qu’il contrôle presque toutes les institutions de la République et les conseils locaux. « Il n’y a plus de gâteau à partager ». L’opposition ou ce qu’il en reste, s’est réduite en peau de chagrin et a accepté de jouer modestement son rôle. Le P.c.t est assuré d’une sérénité politique, tout au moins jusqu’aux prochaines élections législatives, en 2007, après les quatre ans et demi de la Transition. Mais, va-t-il pousser l’égoïsme jusqu’à empêcher des compatriotes exilés à regagner leur pays ? Le temps n’est-il pas venu d’offrir une possibilité de dialogue avec les compatriotes exilés ?

Recevant les participants à la marche citoyenne organisée par la Concertation pour la restauration de la paix dans le Pool que dirige Mme Adélaïde Moundélé Ngolo, Denis Sassou Nguesso a presque livré le fond de son coeur. En rappelant qu’il a été l’allié sûr de Bernard Kolélas sous le régime de Lissouba, et en déclarant qu’il n’a pas de problème avec le Pool, Denis Sassou Nguesso a sans doute esquisser un geste qui va dans le sens du dialogue. Car, à quoi cela aurait servi de rappeler ce passé, s’il considère toujours que Kolélas est son pire ennemi qu’il ne souhaiterait pas revoir dans le pays, pendant qu’il gouverne ?

Loin de réduire la crise armée du Pool à une question de réconciliation entre deux leaders politiques, l’élu du 15 mars 2002, libéré des pesanteurs de ses compagnons des F.d.p, peut instaurer, maintenant, dans le pays, une politique démocratique, basé sur le dialogue, tout au moins, avec ceux qui y montrent leur bonne foi. Mounganga Nkombo Nguila a beau faire de récupérer la crise du Pool à son profit, personne n’est dupe pour comprendre que les exilés cherchent à faire feu de tout bois pour forcer les négociations avec le pouvoir de Brazzaville dont la politique tend à les faire oublier.

Grâce aux rencontres qu’il a eues avec les ressortissants du Pool, à Oyo et à Brazzaville, Denis Sassou Nguesso a donné l’occasion à l’opinion nationale de savoir réellement ce qui le tracasse : « Pourquoi le Pool me fait-il la guerre ? » Si chacun a sa petite idée à ce propos, on peut tout de même reconnaître que ni les cadres ni les officiers originaires du Pool ne sont engagés dans cette aventure suicidaire qui déciment le département.

Des intellectuels, des cadres et des officiers du Pool ont payé de leur vie ou celles de leurs proches pour s’être opposés ou élevés contre le mouvement de Ntumi, personnage énigmatique et inconnu jusqu’au 18 décembre 98, lorsque, pour la première fois, ses hommes attaquèrent Brazzaville. Un officier général des Forces armées congolaises, originaire du Pool, n’a-t-il pas été humilié par Ntumi qui l’avait pris en otage ? Qu’aurait été cette affaire si ce général était originaire d’un autre département ?

La jeunesse entraînée à l’époque dans les milices privées constitue, aujourd’hui, la plaie du Pool. Face à cela, les propositions faites par le comité de paix du Pool vont dans un bon sens. En plus des initiatives actuelles et l’appel lancé par le chef de l’Etat, une politique d’ouverture et de dialogue offrirait sans doute un meilleur cadre de consolider la paix et de promouvoir la récon-ciliation.

Joël Nsoni

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