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De M’Payaka à Nouvelle Elite

- Editorial de Benda Bika -

L’actualité vient de rappeler à qui avait tendance à l’oublier qu’une guerre se déroule encore au Congo. Elle est lente ; elle est silencieuse ; elle ne concerne qu’une partie d’une région, ce qui peut expliquer qu’on n’en sache rien. La guerre du Pool a fait depuis le mois dernier 13 morts. D’abord onze jeunes tués à M’Payaka, dans les faubourgs de Kibouendé. Ensuite deux autres victimes la semaine dernière, en gare de Kinkembo, où un train a été attaqué. Total : 13 congolais de moins dans une cause toujours imprécise.

Les tués de M’Payaka étaient jeunes. Donc assimilabales et assimilés à des miliciens Ninjas. Mais ce n’est pas la mission d’une armée de faire justice. Nous avons dit ici et je le redis : Ninjas, Cobras, Aubevillois, Zoulous et autres N’Siloulou sont des jeunes à qui nous avons remis les armes de notre haine adulte. Par eux, nous avons mis en compétition sanglante nos appétits et nos frustrations, avec la jouissante quiétude de qui se sait défendu par d’autres. Et peu importe pour quoi.

Un soudard fait le coup de feu dans le Pool et s’entoure de quelques drogués. Une armée organise sa traque et ne regarde pas aux dégâts. Il y a de la déprime à lire ce Congo-là où les repères sont brouillés, où la cause qui justifie les atrocités les pires n’a pas besoin de consensus. Il suffit de s’appeler N’Tumi pour s’attaquer à un train. Il suffit de s’investir de la mission de porter une arme pour fusiller des Ninjas ou des supposés tels. Aucun compte à rendre, aucune opinion à craindre.

"Ils ont attaqué, nous avons répliqué ; où est le problème ?"

C’est, je le dis encore, la logique de la guerre sans fin. La logique qui brouille les pistes et qui ne permet plus de distinguer qui attaque de qui défend. Notre pays a le devoir de justice sur ceux qui troublent l’ordre public. Il a l’obligation de mettrre un terme aux agissements de ceux qui prennent des armes pour exprimer un désaccord. Mais si 11 jeunes gens peuvent être fusillés sur les bords d’un talus sous un simple soupçon, c’est à N’Tumi qu’on fournit les raisons de justifier son injustifiable folie.

La guerre au Congo, c’est une partie du Congo contre une autre. Ne serait supérieure que la partie qui prendrait de la hauteur et oeuvrerait dans l’intérêt de tous. A M’Payaka en juillet dernier le chef du village, un vénérable de 80 ans, a été battu par des supplétifs rwandais qui l’accusaient de cacher des rebelles. Comment briser le cercle de la violence ? Quand ? Comment ? Et qui le fera ?

Je n’ai pas de réponse à ces questions. Mais je sais que nous devrons oeuvrer à rapprocher les Congolais et à désarmer la méfiance qui les fait si facilement retourner vers les armes (d’où viennent-elles d’ailleurs ?) pour résoudre un différend. Il est du devoir de tout pouvoir de tracer des perspectives. De nous montrer par la patiente recherche de justice que la réconciliation passe par la justice. Que N’Tumi n’a que des raisons artificielles pour s’en prendre à son propre peuple.

Perspectives ? Les Congolais de l’étranger ont pu assister dimanche à Paris à la naissance d’une association. Nouvelle Elite a été portée sur les fonts baptismaux, avec l’ambition d’oeuvrer enfin dans le sens de dépasser les égoïsmes et de ne pas justifier notre commode indifférence devant le scandale de la maladie, de la pauvreté, de l’injustice. Des jeunes veulent dire : tant pis si c’est vous, les aînés, qui avez détruit notre pays. Nous voulons rebâtir. Avec tous.

J’ai vu cette assemblée générale constitutive et l’enthousiasme qui en sourdait. J’y ai vu comme l’allégorie de deux destins d’un même Congo : à M’Payaka, on a tué. À Nouvelle Elite on veut redonner la vie. S’il fallait mourir en nous pour revivre chez nous (libre transposition de la Bible), alors on peut dire que tout n’est pas perdu. Que le bourgeon du renouveau passe par des voies lointaines et incertaines peut-être, mais qu’au bout du compte la vie s’affirmera toujours.

Benda Bika

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