email

Déclin

Ce n’est pas que le Congo se soit jamais développé : à l’allure où vont les choses nous risquons même de considérer ces périodes-ci, pourtant bien sombres et avec des perspectives bouchées, comme l’apogée de notre histoire, ce qui serait un comble. Mais le pays marche à reculons. Je ne suis pas pessimiste d’habitude, mais je dois reconnaître que les chances de notre sursaut sont bien minces !

Non, seulement nous faisons des pieds et des mains pour qu’on nous reconnaisse parmi les pauvres, mais encore même quand notre argent nous arrive de manière inespérée, nous le brûlons en dépenses inconnues. Il y a deux mois, la Banque Mondiale nous a signifiés que nous étions des riches insouciants qui ne méritions même pas d’être acceptés chez les pauvres : nous ne savons pas nous tenir. Echec donc à l’admission à l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) : recalés !

A Brazzaville on a imputé la faute au mode de calcul de nos revenus - pétroliers. Nous sommes bien congolais : nos échecs sont toujours la faute aux arbitres. Ou au terrain : jamais à nous-mêmes. Ou alors nous nous trouvons les excuses de la démission totale : et nous fonçons vers l’inconnue. Amassant, volant, pillant, violant parfois sans souci des générations futures, qui feront de même d’ailleurs, pourquoi feraient-elles autrement puisqu’elles seront composées de nos filles et de nos fils ? Tel père...

Nous sommes sur le déclin d’une courbe qui ne s’est jamais élevée bien haut en vérité. Le gouvernement travaille à Brazzaville, mais c’est comme s’il n’existait pas. Les défis sur lesquels il fut constitué : bonne gestion, lutte contre la corruption et l’incurie, réconciliation nationale, justice ne sont que des slogans creux s’ajoutant à d’autres slogans creux.

On a dit du ministre Andelly comme venu avec la rigueur ; « coinçant » ses pairs trop dispendieux, rappelant à l’ordre tel autre ayant gonflé des notes de frais : Andelly s’est essoufflé. Il y a un an, Gabriel Entcha-Ebia prit le maroquin de la Fonction publique avec la ferme intention de mettre les fonctionnaires au pas. De les faire travailler et de lutter contre la gabegie : bien malin qui trouvera un changement dans la forme et dans le fond des choses aujourd’hui. Nous sommes les mêmes : les intentions les plus résolues se brisent contre la force d’inertie du déclin.

Le pays coule, corps et biens.

Une angoisse : nous sommes trois millions de Congolais répertoriés qui n’arrivons pas à nous loger, nous soigner, nous éduquer et à manger ne serait-ce que deux fois par jour. En face de notre pays une capitale, Kinshasa, qui vit comme elle peut, mais qui vit. Que serons, nous autres, quand nous serons six millions d’habitants comme les Kinois ? Si nous sommes incapables de nous gérer à trois millions, quel génie nous sortira de l’incapacité quand nous seront dix millions ?!

Dans l’avion au dessus de Brazzaville, la différence entre les deux capitales se voit au tracé rectiligne des lampadaires, quand Brazza est un patchwork inesthétique de lampions qu’on dirait de cire. Rien que ça donne le tournis :nous étions pauvres. Nous sommes en voie accélérée d’appauvrissement..

Benda Bika

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.