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Electrification du Congo, la solution finale ?

En proie aux pires affres en matière énergétique, le Congo envisage se tourner, une nouvelle fois, vers la RDC voisine et l’énergie produite par le barrage d’Inga pour alimenter les industries projetant de s’installer sur son sol (production de magnésium, d’aluminium...).

Pour panafricaine que puisse sembler être cette solution, elle ne peut en rien rassurer l’investisseur soucieux de régularité et sécurité d’approvisionnement. En effet, la RDC n’est en rien un modèle de stabilité et dépendre d’elle implique aussi la dépendance à ses sursauts politiques.

Le Congo dispose de fort peu sources de production électriques et, si l’on écarte ses centrales thermiques désuètes et les petites centrales hydroélectriques comme le Djoué qui font figure de jouets face à l’énormité de la demande, le pays n’a a offrir que la centrale de Moukoukoulou obsolète et délabrée, la centrale à gaz de

Le site idéal de Sounda

Djeno et dans un avenir qu’on promet proche, le petit barrage d’Imboulou sur la Léfini, en cours de construction par une entreprise chinoise. Pas même de quoi satisfaire les besoins domestiques des quelques 3 millions d’habitants que compte cette république de 342 000 km².

Au sud ouest du pays, les monts du Mayombe culminent à près de 1000m, ils sont fortement arrosés par les précipitations et ils sont traversés par le plus important fleuve entièrement congolais le Kouilou, qui en amont porte le nom de Niari. Ce dernier s’engouffre dans d’étroites gorges où dès la pré indépendance, les ingénieurs ont projeté la construction de l’un des plus importants barrages d’Afrique.

Voici la présentation du projet de ce colossal ouvrage telle qu’elle fût rédigée dans une luxueuse plaquette commanditée en 1962 par la Mairie de Pointe-Noire, alors entre les mains de Stéphane Tchitchelle [1] et la Chambre de Commerce d’Agriculture et d’Industrie du Kouilou-Niari, éditée en 1963 par les Editions Paul Bory à Monaco [2].

Le barrage du Kouilou

Caractéristiques techniques

L intérêt de ce projet tient dans la réunion d’une série de facteurs exceptionnels :
 un fleuve important - le Kouilou - débitant 1000 m³/seconde en moyenne ;
 un site naturel se prêtant remarquablement à la construction d’un barrage de 125 m de haut, rete¬nant 35 milliards de m3 d’eau, couvrant une superficie de 1.800 km², qui, turbinée au pied de l’ouvrage, permettra une production d’électricité de l’ordre de 7 milliards de kWh, dans des conditions extrêmement intéressantes, ne dépassant guère 0,01 F [3] le kWh
 transportée à Pointe-Noire distante de 90 km seulement, cette énergie serait susceptible de per¬mettre de produire annuellement au bord de la mer 250.000 tonnes d’aluminium, 200.000 tonnes de ferro¬manganèse, 30.000 tonnes de ferro-silicium, 15.000 tonnes de silico-manganèse, 33.000 tonnes de phosphore, 15.000 tonnes de carbure de silicium, 32.000 tonnes de magnésium, sans parler de la force qui pourrait être fournie aux industries déjà implantées ou en cours d’installation à Pointe-Noire

L’étude du barrage et de l’usine hydroélectrique a été effectuée par Electricité de France et se trouve achevée jusque dans les détails techniques des différents ouvrages et installations prévus.

Ces aménagements comporteront essentiellement :
 un barrage-voûte en béton armé dont la hau¬teur atteindra 125 m, !a largeur à la base 54 m et 300 m au sommet, I’épaisseur 15 m au fond 5m à la crête ;
 une usine hydroélectrique construite en surface au pied du barrage dont la puissance installée sera de 1 million de kW fournis par 5 groupes turboalternateurs de 200.000 kVA chacun ; la puissance disponible serait de 820.000 kW correspondant à la livraison annuelle de 6.5 milliards de kWh
 deux lignes de transport à haute tension de 380 kW, longues chacune de 90 km, assurant l’écou¬lement de l’énergie produite vers les industries installées sur les quais mêmes du port de Pointe-Noire.

MM Bokanowski, Fulbert Youlou, Pdt de la République, et Bicoumat, ministre des travaux publics, lors de l’inauguration des travaux préliminaires du barrage du Kouilou.

Coût et financement

La réalisation de ces divers projets reste subordonnée aux investissements qui pourront être réunis On a estimé leur coût à quelque 225 milliards d’anciens francs métropolitains dont 70 seraient consacrés aux installations hydroélectriques du Kouilou, 140 pour les implantations industrielles de Pointe-¬Noire, le reste pour l’infrastructure portuaire et rou¬tière et les nouveaux aménagements et agrandisse¬ments de la ville de Pointe-Noire en ce qui concerne aussi bien l’habitat, l’équipement scolaire et sani¬taire, que la promotion sociale.

Th.J. Delaye

De là tout devrait s’enchaîner : attirés par une énergie abondante et bon marché, des potentialités minières exceptionnelles, un port en eaux profondes entouré de terrains faciles à aménager et une main d’œuvre peu onéreuse, les industriels vont affluer et le pays va pouvoir prendre un rythme de croissance digne d’un pays évolué.

Carte du lac de retenue du barrage du Kouilou

L’impact environnemental sera important, 1800 km² de terres et de forêt seront submergées, comme le montre la carte ci-contre. La bourgade de Kibangou et quelques autres seront rayées de la carte. En contre partie l’irrigation en toutes saisons des terrains environnants sera assurée.

Le lac fournira des moyens de communication sûrs et rapides, connectables avec ceux fournis par le cours aval navigable du Kouilou. L’empoissonnement profitera aux populations. Le retour des hippopotames et des crocodiles attirera les touristes.

Dès 1958 Batignolles attaque les travaux préliminaires. Une route d’accès au site est tracée et une cité destinée à recevoir près de 700 expatriés et 3000 indigènes est édifiée. Le seuil du barrage est consolidé par des injections de béton et le canal de dérivation débouchant dans une galerie de 14 mètres de diamètre pour 600 mètres de long est creusé. Les travaux vont bon train. Péchiney et Alkoa, géants de l’aluminium s’intéressent fort au projet, d’autant qu’en 1962 des accords sont signés avec la Guinée Conakry pour la fourniture au Congo de bauxite destinée à y être transformée. Pourtant, malgré tous les avantages qu’il présente, le barrage ne verra pas le jour. Le durcissement de la révolution congolaise décourage les investisseurs et le chantier est abandonné.

Vingt ans plus tard, le passage au pouvoir de Pascal Lissouba, originaire du Niari, remet le projet à l’ordre du jour. Il se déplace sur site en grandes pompes pour poser une nouvelle première pierre. L’effet d’annonce fait grand bruit mais les travaux ne reprennent pas. Cependant une expertise met en avant le vieillissement des infrastructures abandonnées, sans pour autant conclure à leur obsolescence.

Au début des années 2000Les tractations avec une société canadienne désireuse d’exploiter le magnésium et l’aluminium congolais refont parler du barrage du Kouilou, mais le gouvernement semble plus intéressé par l’achat d’énergie auprès de son voisin la RDC qui alimente déjà Brazzaville avec l’électricité produite par le barrage d’Inga . Cette solution exogène implique la construction d’une ligne à haute tension de plus de 200 km entre Inga et Dolisie et la réfection totale de celle qui relie Dolisie et Pointe-Noire. Construite en 1981, elle est aujourd’hui en très mauvais état et porte la plus grande responsabilité des coupures de courrant récurrentes dans la ville océane .

Il est évident que si la réalisation du barrage du Kouilou implique un colossal investissement, l’électricité qu’il produirait, associée à une industrie efficace de transformation de son pétrole assurerait l’indépendance énergétique du Congo. En y ajoutant des encouragements fiscaux à l’implantation d’industries de transformation venues de pays à forte demande, on verrait le développement fulgurant du secteur à valeur ajoutée, la baisse des tarifs de transport à l’export et le redéploiement de l’agriculture dans la plaine du Niari. Les conséquences directes les plus évidentes en seraient le rééquilibrage de la balance commerciale et la création de dizaines de milliers d’emploi directs et induits dont le pays a tant besoin pour faire sortir ses populations de la pauvreté.

Ya Sanza et Congopage remercient Monsieur Théousse Bernard pour son accueil et pour son érudition en ce qui concerne ce sujet.

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