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Exil

- L’Editorial de Benda Bika -

Cette semaine a marqué un anniversaire. Il y a cinq ans, le pouvoir changeait de mains à Brazzaville, et Sassou Nguesso reprenait les commandes du pays. Cette « alternance à la congolaise » a été abondamment commentée : coup d’Etat pour les tenants du régime remplacé, fin d’une guerre atroce pour les nouveaux-anciens venus. Il n’empêche que cinq ans après, il est temps de prendre du recul.

Christophe Moukouéké l’a tenté. Dans une lettre ouverte au Chef de l’Etat congolais, il rappelle le devoir de paix et de réconciliation du pays. Et préconise la seule issue possible dans un pays où chacun a ses torts : l’amnistie et la réconciliation. Sa lettre ne manque pas de courage. Elle vient même à propos au moment où, toutes échéances électorales tenues, le régime de Denis Sassou-Nguesso peut s’estimer à l’abri des réveils (lui qui dormait le 5 juin 1997 !).

Bien sûr, on n’oublie pas que Moukouéké est assez mal placé pour découvrir aujourd’hui les souffrances d’un peuple que l’équipe arrogante qu’il composait hier, avait ignoré, piétiné et ravalé au rang d’un moins que rien. Bien sûr, l’homme politique qu’il est a littéralement manqué de nez en nous donnant comme exemple à suivre la Côte d’Ivoire. Il a vécu dans ce pays, mais n’a pas vu qu’il courait à sa ruine après la mort d’Houphouët. On peut alors s’interroger s’il est meilleur visionnaire pour son propre Congo !

Bien sûr, je trouve assez déconcertant aussi la forme même de la lettre. Un « Secrétaire général statutaire de l’UPADS » n’écrit pas en termes triviaux à « Monsieur le Président de la République du Congo » ! Par endroits, on a l’impression que la forme a primé plus sur le fond ; qu’on voulait donner à voir la culture de l’homme plutôt que porter, et tout de suite, le doigt sur la plaie qui ronge le Congo malade.

Enfin, n’hésitons pas à le dire, de lui comme des autres : Moukouéké serait à la place de Sassou Nguesso aujourd’hui, rien n’indique qu’il ne ferait pas autant, sinon pire ! D’ailleurs, l’un dans l’autre, la différence n’est pas bien visible, puisqu’ils ont partagé un long parcours politique ensemble. Parcours qui a façonné des habitudes qu’il a tort de ne voir qu’à Mpila !

Mais, ces réserves mises à part, je soutiens que cinq ans sont effectivement assez. Un pays doit savoir tourner une page. Et celui avec qui on fait la guerre, c’est effectivement celui avec qui on fera la paix. Ces vérités ne semblent rien, sauf que derrière les mots se cachent une réalité de douleurs, de frustrations et de misère.

Oh ! non, ce n’est pas parce que Kolélas, Lissouba et Yhombi seront rentrés que notre pays se trouvera, du jour au lendemain, hissé au rang des républiques de vertus ! Ni que le lait et le miel s’étaleront, enfin, jusqu’aux pieds de ceux qui n’en savent pas même la couleur. Non ! Mais l’exercice du pouvoir en temps de démocratie exige la confrontation des idées in situ. Car, dans tous les cas, un pays qui entretient des exilés est loin d’être une démocratie.

Il est temps que nos exilés rentrent, et que nous leur demandions les comptes que nous devons en tant que nation - mais là-bas. A les maintenir loin du Congo, nous en faisons des victimes, des martyrs. Jusqu’à quand le peuple sera-t-il tenu pour mineur ? Que les tenants des régimes passés aient mal agi, c’est à nous de nous en souvenir, devant l’urne. Sassou semble nous maintenir dans la seule volonté qui est de la sienne de nous faire suivre que les choix politiques qu’il décide pour nous.

Au temps du monopartisme nous ne pouvions rien dire. Aujourd’hui la donne a changé. Nous sommes parfaitement fondés à dire oui ou non à qui bon nous semble. A Sassou ou à Moukouéké. Pourvu que ce soient nous qui le décidions.

Benda Bika

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