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Fédéralisme

 L’Editorial de Benda Bika -

Dans le silence - je dirais plutôt le vide - qui caractérise aujourd’hui le paysage politique congolais, le thème du fédéralisme reprend de la vigueur. Par toutes les portes et les fenêtres de la Toile, les mails affluent qui nous annoncent les positions les plus variées sur la question. Et toutes prétendent que le Congo, en faillite multiforme, ne s’en sortira que par une nouvelle manière de penser, dire, de faire et de vivre la politique. Qu’un nouveau cadre est nécessaire pour le déploiement de toutes nos énergies et ressources - intellectuelles, mais pas seulement - au service du bien.

Donnons acte aux tenants de cette thèse de remuer un peu la mare dormante des idées politiques congolaises. Et de suggérer un débat qui peut occuper les officines et nous tenir lieu d’action, dans le temps qui nous sépare des prochaines échéances électorales, ou des prochaines guerres ou dialogues nationaux. Etre ou ne pas être fédéraliste peut donc nous occuper pour un temps. Tant qu’à faire… !

Mon point de vue personnel ne varie pas. Je ne suis pas pour le fédéralisme au Congo.

Ce n’est pas une position de principe, mais le résultat d’un constat seul. Ceux qui aujourd’hui prônent le morcellement de la République en autant de républiquettes autonomes que d’ethnies - ils disent tribus -, le font en avançant l’idée que c’est ainsi que nous fuirons la tentation du conflit armé et de la frustration née de la dilapidation par un cercle restreint des ressources qui appartiennent à tous. Ils disent que le citoyen, parce que invité à déterminer les choix qui décideront de son avenir concret immédiat, s’impliquera mieux en fédéraliste.

Mais ils disent aussi - car les prophètes de la théories se recrutent tous, peu ou prou dans une même région ou aire géographique - qu’avec le fédéralisme, le Pool s’en tirera mieux et ne servira plus de vivier aux martyrs et aux victimes expiatoires de toutes les bévues de la République.

Je peux avoir mal compris. Mais dans ce cas, les débats que je m’apprête à relancer sur nos forums, vont servir à éclairer les enjeux. Il n’en reste pas moins que si l’on regarde l’histoire concrète de notre pays et de notre peuple, on n’y trouve pas la trace d’un inconfort et d’un mal de vivre en République. Qu’il s’agisse de Diawara, de Pierre Anga, de Kolélas ou de Ntumi : tous ceux qui ont déclenché des mouvements insurrectionnels, ensuite qualifiés de rébellions ou de « maquis », n’ont jamais demandé à constituer la République de Goma-Tsé-Tsé ; de Ikonongo, de Ntsouélè ou de Vindza à part !

Or un mal de vivre en République se décline par des signes qui, même dans leur expression la plus minime, révèlent un désir de large ; un souhait d’affranchissement vécu comme libération. Aucun de ceux que j’ai cité ne l’a dit, pensé ou prôné. Même les théoriciens du Niboland, hier, n’ont jamais raisonné en termes de détachement. Seuls des intellectuels de la diaspora se sont donnés un os à ronger en temps de disette des idées. Ce constat peut faire réfléchir.

Prôner le fédéralisme aujourd’hui pour que « Malonga » vive loin de « Itoua » et dise s’en mieux porter, c’est obliger « Taty » à faire alliance, et contraindre « Mbéry » au repli sur soi, ou à la transhumance entre les uns et contre les autres. A moins que ce ne soit « Miéré » ou « Nzé » qui se tourner vers le Gabon ou la République centrafricaine. Ou qu’on en vienne à leur infliger le choix de suivre les autres : « nous sommes mal en République, qu’attends-tu pour nous rejoindre ? » La réponse attendue ici, on la sait. Et une ne sera pas acceptée, la plus démocratique pourtant, qui pourrait être : « pourquoi dois-je aller en fédération si je me sens bien où je suis ? »

Si le clan Sassou dilapide les ressources du pays aujourd’hui, bien léger est celui qui n’y voit qu’un atavisme régional. Et qui a oublié que dans les mêmes circonstances et les mêmes conditions de gouvernement, c’est à dire devant la faiblesse de la loi et son impossibilité à sévir, tous nos dirigeants se sont complus dans la gabegie et la corruption. Tous ! Seuls ont varié les degrés d’implication et l’ampleur des dégâts. Sous Youlou, notre budget ne dépassait pas les 20 milliards. Mais qui « détournait » 3 millions de francs CFA n’était pas moins coupable que qui a fêté ses 7 milliards « personnels » dans un grand hôtel, sous Sassou, avec un budget national à 480 milliards. Youlou a été chassé sous les slogans de « il a tout volé ». Ceux qui restent ne sont pas ceux qui n’ont rien volé. Tous sont de la République.

Je termine disant que tant que nous n’avons pas épuisé les possibilités de la bonne gouvernance dans la République unitaire, prôner le fédéralisme c’est passer de l’aspirine à l’insuline, sans comprendre si ce que nous voulons soigner est du palu ou du diabète.

Benda Bika

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