Dans un article paru le mercredi 21 septembre dans le prestigieux quotidien de langue anglaise The International Herald Tribune, le journaliste John Tagliabue jette un pavé dans la mare avec un constat clair et net : les Noirs de France sont sceptiques quant à l’égalité des chances...
Le journaliste rappelle surtout qu’au pays de de Gaulle la presse a été jusqu’alors impitoyable, moralisatrice à l’égard des Américains au sujet du cyclone Katrina, mettant en cause la lenteur du gouvernement américain et insistant sur les nombre de Noirs victimes de cette catastrophe et de l’indifférence de leur gouvernement.
Or, d’après John Tagliabue, au lieu de fustiger avec virulence l’Amérique et son prétendu racisme dans la gestion du cyclone Katrina, la France ferait mieux de regarder sa propre situation, la condition des « ses » Noirs. Depuis le 8 septembre par exemple, souligne-t-il, 48 personnes ont péri, victimes d’incendies en plein cœur de Paris. La plupart de ces individus sont des enfants, et tous des Noirs. Est-ce un hasard ?
Par ailleurs, précise-t-il, il n’y a quasiment pas de responsables noirs dans les grandes entreprises de France. De même, ils n’ont aucune présence dans la sphère politique. Le pire c’est que l’Union européenne finance pourtant des projets pour les minorités... sauf en France ! Pourquoi ? Eh bien, parce que la France refuse de reconnaître à cette frange de la population la qualité de « minorités », condition nécessaire pour bénéficier de ces aides !
Le journaliste rappelle que le projet de Nicolas Sarkozy sur la « discrimination positive » fut rejeté, y compris par son propre cabinet et même par le ministère de l’égalité des chances au motif qu’une telle décision enfreint le principe de l’égalité...
Dans cet article, quelques Noirs donnent leur avis, notamment du côté du quartier Château-Rouge, lieu de brassage des minorités. Chacun exprime son ras-le-bol, évoque sa vie quotidienne. Il y a toutefois une des personnalités « black » les plus connues en France : Gaston Kelman dont les propos sont recueillis dans l’article. L’auteur de Je suis Noir et je n’aime pas le manioc affirme que « la France préfère dire qu’il y a un problème social et non une question de racisme. Du coup, nos institutions sont impuissantes devant cette question. ».
Interrogé sur la question de savoir si la France était raciste, le Franco-camerounais répond : « C’est un racisme nuancé. Tout Français dira : un de mes meilleurs amis est Noir » .
Enfin, Kelman insiste sur ce qu’il voit comme la « création » de ghettos en matière d’emploi entre autres. Sourire aux lèvres - d’après le chroniqueur -, Kelman ironise : « lorsque le patron réalise que le candidat à l’emploi est un Noir, il commence à entonner des chants d’Afrique qu’il a entendus au cours de ses dernières vacances". Le chroniqueur décode : c’est une manière de signifier que le candidat n’a aucune chance.
L’article se termine par ce constat de Kelman : « Nous sommes dans l’impasse »...
L’intégralité de l’article de John Tagliabue, qui travaille aussi pour le New York Times, est disponible (en anglais) sur le site de The International Herald Tribune : http://www.iht.com/articles/2005/09/21/news/france.php
