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In memoriam

« Ghislin Simplice Ongouya : merci, pour ta main tendue »

Hommage à un confrère, un mois après sa disparition

Ghislin Simplice Ongouya s’est éteint le 28 novembre 2007, au Centre Hospitalier et Universitaire (CHU) de Brazzaville, voici un mois et plus. A 40 ans, dirait-on, il n’a pas fini sa mission d’homme de presse. Ayant choisi un style incisif, Simplice prônait l’objectivité et l’impartialité pour mener son combat sur les fronts de la mauvaise gouvernance, l’autocratie, l’impunité, la gabegie et la barbarie.

Il voulait faire du journal « l’Observateur », une architecture de la démocratie et de la paix. Simplice était très déterminé, pendant une douzaine d’années, à réveiller les consciences dormantes et, toujours d’agir pour le bien.

Je lui dédie ces colonnes, rappelant quelques faits profitables pour les uns ; et, nuisibles pour les autres.

Témoignage

Icône de la presse congolaise, maître corbeau s’en est allé. Simplice. Simple, physiquement. Simple apparence. Un corps effilé, droit comme un « i », mais grand à l’intérieur. Un contenu immense qui a explosé après avoir affûté son talent dans « je pense donc je suis ». La philosophie fut son « arme » de prédilection pour atteindre les citoyens de bonne et de mauvaise foi. Pour le faire, il avait opéré un choix : le média froid. Canal qui lui a permis de creuser et d’ouvrir ses pensées. De la « Rue Meurt à l’Observateur », son écritoire a bercé, réjouit, réconforté, orienté, redressé, dérangé, agaçé et… énervé les congolaises et les congolais. Plus énervé, agaçé et dérangé, parce que Simplice a été victime, douze ans durant, d’attaques physiques, d’attaques verbales (surtout téléphoniques) et de coups de téléphone doux et anonymes Malgré tout, en le lisant, comme si de rien n’était, il durcissait le ton. Bien qu’il tenait bon son combat, la mort rodait autour de l’homme. Il savait qu’elle était proche, très proche de là. « La route de l’enquête et de l’investigation, c’est la route de la mort », lui soufflait-on. « Tant pis, mon combat c’est de dénoncer et de critiquer jusqu’au dernier retranchement », aimait-il à répéter.

Ses éditoriaux, analyses et commentaires « musclés » étaient, et pourtant, une sorte de main tendue aux politiques et démocrates de ce beau Congo, obligés et sommés de changer leurs habitudes et à opter pour un comportement digne socialement, professionnellement et idéologiquement. Bref, Ghislin Simplice Ongouya n’était pas une lame gilette. Sa contribution à la construction de la maison Congo et au développement national passait par le stylo à bille. Il fallait le comprendre. Voué à aider certains politiciens en mal de canaux et d’espaces d’expression, Simplice, corps et âme, se donnait jusqu’à toucher la fibre la plus sensible des concernés coupable « prisonniers » des écrits de maître corbeau. Certains se sont servis copieusement et, d’autres, positionnés en bonne place sur la carte géophysique de la politique Congolaise.

A sa disparition physique et, surtout, lors de son inhumation, certains politicards se sont effacés refusant de lui rendre un dernier hommage. Carte blanche à l’ancien ambassadeur du Congo au Benelux et à l’Union Européenne, chargé de cours à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), Paul Alexandre MAPINGOU, pour avoir fait parler son cœur dans le bihebdomadaire la « Semaine Africaine », en page 4, dans sa livraison N°2749 du mardi, 4 décembre 2007. Un bel article, sous forme de lettre d’amour, adressé à GSO, lui rappelant de beaux moments de leurs rencontres. Ils étaient « grand frère et petit frère ». D’ailleurs, son titre est explicite : « Hommage à un jeune ami très tôt disparu… ». A vous personnel politique, de jour comme de nuit, qui avait tant sollicité à G.S. Ongouya de services visant à « foudroyer, malmener, dénoncer, écraser, critiquer, détruire, effacer dans le limbe de la politique congolaise X ou Y… ». Pour se faire une place au soleil, ma plume vous exhorte à ne pas éteindre le feu de l’hebdomadaire l’Observateur. L’exemple de « TAM-TAM d’Afrique », un autre hebdo, est tout frais, après la mort brutale de son père fondateur (le mardi 26 juin 2007), Joseph GOUALA, le canard paraît sans difficulté. Ce qui est plus frappant, en parcourant les colonnes de « TAM-TAM d’Afrique », la main de Joseph demeure visible. Fruit d’une rigoureuse formation des rédacteurs qui doivent tout de l’illustre disparu. L’on est tenté de dire que son œuvre ne s’éteindra pas.

« L’Observateur » est un bien commun. S’il faut souhaiter sa survie et sa continuité à travers les œuvres authentiques, sa/notre fillette, âgée de neuf ans, apprendra à connaître son père GSO, ne serait-ce son combat d’historien du moment, de faiseur d’opinion et de moralisateur.

Simplice a tendu sa main droite aux politiciens, démocrates et compatriotes congolais ; bref, à tous les citoyens. Je suis parmi ceux-là. Avec le Directeur de Publication de l’Observateur, une rencontre inattendue s’est dessinée un après midi du 15 décembre 2002, dans le restaurant situé, à l’époque, au premier niveau de l’ancien bâtiment de l’aéroport international A.A NETO de Pointe-Noire. Ce jour-là, j’accompagnais ASIE Dominique de Marseille, Directeur Général du Journal « le CHOC », négociant son retour à Brazzaville, après une mission d’Etat accomplie dans la ville économique. GSO assis sur la même table que Parfait MOUKOKO, journaliste, jadis président de l’Observateur Congolais de Droit de l’Homme (OCDH). Un salut cordial a déclenché une conversation fructueuse et professionnelle. « …Roger, je te lis dans les colonnes du CHOC. C’est encourageant et merveilleux. Ta plume m’intéresse. Peux-tu venir résister avec moi à l’observateur ? », a conclu le DP de l’Obs. Ma réponse : « …Simple comme ton prénom. Je suis Rédacteur en chef régional, journaliste salarié. ASIE m’a fait confiance. Mon retrait du CHOC n’aura pas d’explications professionnelles. Félicitations pour ton franc parler et ta main tendue à mon égard. Laissons l’avenir définir notre lendemain journalistique ». Et depuis lors, séminaires et forums furent des moments de rencontres épisodiques.

La dernière fois, précisément le 3 mai 2005, à Pointe-Noire, dans la salle de conférence de Suéco, lorsque l’Association Jeunes Communicateurs Francophones (AJCF), profitant de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse, a eu à décorer Ghislin Simplice Ongouya pour son courage et son combat, dure comme de la nacre, mené dans l’investigation. Un terrain, dit-on, très glissant

Le soir, mutuellement, dans le restaurant « Marie Diallo », situé en plein marché central de Pointe-Noire, nous avions dînés et longuement diagnostiqués la démocratie congolaise. Résultats : de nombreux articles parus dans les livraisons suivantes. Bon gré malgré, l’Observateur n’a pas touché mon cœur. Pour effacer ce refus qualifié de « respect de ligne éditoriale », j’ai présenté à la rédaction de l’Obs. Une autre plume congolaise, toute fraîche :

Paul Marie MPOUELE, chevalier des médias, sorti de « l’école de BITALA-

Roger Tello

BITEMO » (journaliste, ancien exilé, nommé le 22 novembre2007, conseiller technique aux actions de communication du Président de la République ). Comme journaliste reporter, Paul Marie a servi douze mois à l’Observateur, préférant se retirer pour non paiement de la pige (ce mal gangrène à 97 pour cent les médias privés du Congo Brazzaville). Après ce passage-test, il a fait signer son accréditation à « Afrique Education », un autre géant de la presse africaine.
Que dire de maître corbeau ? Tout en étant courtois et, bien souvent, à l’écoute des autres, GSO se livrait peu, et cette réserve naturelle n’autorisait pas les émotions ni les élans du cœur, le cœur enveloppé dans un drap de philosophie.

Je lui suis, en tout cas, reconnaissant d’avoir voulu insérer mon pseudonyme de presse dans l’ours de l’Observateur. Pour tout cela, mais aussi pour le reste, je te dis merci pour ta main tendue, mon frère !

Roger Tello

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