email

Guerre et Paix

- L’Editorial de Benda Bika -

C’est un drôle de vote auquel nos compatriotes ont eu droit dimanche. Appelés à choisir 137 députés parmi 1.204 candidats, les Congolais sont allés aux urnes à leur manière. C’est à dire en traînant les pieds. Les chiffres officiels nous diront ce qu’il en est. Mais il semble que le taux de participation ne devrait pas excéder les 20%. Sur 1,7 millions inscrits, un tel pourcentage serait un vrai signe : de fatigue, de désintérêt, de méfiance…

Mais la vraie caractéristique de ce vote, qui a pourtant rassemblé l’opposition et la famille politique présidentielle pour une fois dans une même compétition, est dans le fait que c’est une partie du Congo qui est allée voter, pendant que l’autre ployait sous les bombes. La région du Pool est en effet sous la pression de l’armée. Des hélicoptères ont donnés samedi, l’assaut sur Kindamba et sur Vindza. La mort a été infligée dans un coin du Congo, pendant que des citoyens étaient invités ailleurs à faire comme si de rien n’était.

Fatigue, désintérêt, méfiance : incompréhension aussi peut-être. Le Congo semble s’être déterminé pour une seule volonté. Celle de respecter des dates. Pas celle de créer les conditions d’un libre choix dans une compétition organisée dans la transparence. Le pouvoir a voulu, encore une fois, démontrer que l’avenir de la nation était d’abord l’affaire des seuls citadins. Un Congo, portant une plaie à ses flancs, a voulu jouer les braves. Les électeurs ont peut-être voulu le souligner.

Ajoutons à cela cette désorganisation et ce cafouillage déjà décriés par l’opposition, et qui se sont vérifiés à Brazzaville et à Pointe-Noire. Du matériel électoral arrivant au bureau de vote une heure avant la clôture officielle du scrutin ; des urnes emportées par des votants furieux ; des cartes d’identité multiples ; des électeurs fictifs retrouvés dans un fichier pourtant donné comme « nettoyé » etc… Le Congo a voté (dans) la pagaille.

Que ferons-nous demain ?
Un député est d’abord l’élu de son peuple dont il est le proche défenseur des intérêts. Que devient l’élu qui passe à la faveur d’une triche ? Qu’organisera-t-il s’il est favorisé par la désorganisation ? Quel député de quel peuple prendra les affaires du Congo en main, lorsque la foule de candidats souligne plus l’envie de « boukouter » d’une meute que le souci de représentation ?

Loin de moi l’idée de rejeter la seule faute sur le pouvoir. Ntumi, qui sévit dans la région du Pool, savait que des élections étaient en vue. Qu’il ait choisi d’attaquer à la veille de leur tenue soulignait un choix stratégique. Erroné. Il est donc tout autant à blâmer que le pouvoir qui s’est trouvée dans la position du contre-attaquant qui veut la jouer au finish. Et loin des témoins. Autre contre-stratégie erronée.

Le Congo a voté dimanche dans la guerre et dans la paix. Or, si nous voulons bâtir une nation, guerre et paix sont deux termes qui s’excluent. Où règne l’une, l’autre n’est pas présente. Comme l’eau et le feu, la guerre éteint la paix. Etions-nous en guerre ou en paix dimanche ? Si nous étions dans l’une, ne serait-ce qu’un tout petit peu, c’est que nous n’étions pas dans l’autre, même un tout petit peu. Le furoncle de l’éléphant ne laisse pas le reste du pachyderme dans la quiétude, malgré la l’immensité de l’animal.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.