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In Memoriam : Franco Luambo, souvenir vivace 15 ans après…

Le 12 octobre prochain, il fera 15 ans jour pour jour que le grand maître Franco Luambo Makiadi a quitté le monde des vivants. L’homme est sans doute parti mais l’artiste est resté vivant, avec ses œuvres toujours vivaces dans la mémoire des mélomanes.

Chaque année, des manifestations sont organisées pour commémorer la mémoire de cet monument de la musique congolaise moderne. L’on retient qu’une visite guidée sera organisée en sa résidence située dans la commune de Limete.

C’est dans la localité de sonabata à 100 km de Kinshasa, capitale du Congo démocratique, que Franco Luambo Makiadi de Mi Amor voit le jour le 6 juillet 1938 d’un père de l’ethnie Tetela et d’une mère : Kongo. Luambo Makiadi François grandit dans une ambiance kongo après la mort de son père. La famille émigre à Kinshasa alors Léopoldville.

A l’âge de 10 ans et orphelin de père, Luambo François abandonne l’école en 3ème primaire et va chercher sa vie dans la rue. Luambo forge son caractère à Ngiri-Ngiri.

Ses débuts.

Franco entre dans la musique en découvrant les valeurs de l’harmonica, un instrument qui ne quittera plus ses lèvres. A 11 ans, ses idoles s’appellent Jimmy et De Saio. Il fait la connaissance de Ebengo Dewayon, une rencontre charnière pour sa vie d’artiste-musicien. Dewayon lui apprend les premières notes de la guitare avant que Luampasi, un autre guitariste de renom, prenne le relais. Et Luambo choisit désormais la guitare, instrument à cordes, et oublie l’harmonica. Le temps passe vite et à quinze ans, il enregistre déjà de sa voix innocente et mal maîtrisée des chansons avec le groupe Waton de Dewayon.

Le jeune Franco Luambo enregistre au studio Loningisa, la chanson « Bolingo na ngaï Béatrice », avec le concours de Bowané qui l’a pris sous sa tutelle. Il se fait sous un nom. Mais Bowané s’installe à Lunda. Seul, il crée un groupe musical grâce à l’apport de quelques musiciens congolais comme pandy Saturnin (Tumba), Loubelo Daniel. De la Lune (guitariste) J. Serge Essous (saxo) venus à la rescousse. Ils amènent un nouveau style. Ils font la connaissance de Oscar Kashama, celui-ci les encourage et décide de les prendre en charge dans son bar. Donc, le mercredi 6 juin 1956 naît « OK Jazz », OK pour Oscar Kashama. Franco, Rossignol, Saturnin Pandy, De la Lune et Essou sont les premiers musiciens.

Le succès est fulgurant, mais la naïveté gâche les efforts de ces jeunes et les bonnes choses ne durent guère. En 1957, l’orchestre connaît une scission, les Congolais J. Serge Essous, Landu Rossignol quittent Franco pour créer le Rock-A-Mambo, mais deux autres congolais vont rejoindre Franco : Célestin Nkouka et Edo Nganga. Leur présence redonne du tonus à l’orchestre Kashama-Jazz. Ils vont enregistrer trois chansons qui marqueront cette époque : « Aimé ya bolingo », « Joséphine », et « Motema na ngai epai ya mama ».

Mais en 1958, Franco est arrêté par les autorités coloniales, pour des raisons obscures, on parle d’une affaire de cœur, son absence réduit le succès de l’orchestre dont il est déjà le porte-flambeau. Ses amis congolais profitent de ce temps pour regagner Brazzaville. Là-bas Nkouka Célestin, Edo Nganga sont rejoints par Nino Malapaté, J. S. Essous pour monter l’orchestre Bantous de la Capitale. A Léopoldville où il a retrouvé sa liberté, Franco retrouve Vicky Longomba qui lui était resté fidèle, pour procéder au recrutement de nouveaux musiciens.

Mulumba Joseph Mujos, Bombolo Léon connu sous le sobriquet de Bohlen, Tchamala Piccolo et Lutumba Simon alias Simaro Masiya, font leur entrée dans O.K Jazz. Lutumba, Kwamy et bientôt Verkys Kiamanguana Mateta, ainsi que Youlou Mabiala et Michel Boyibanda vont gonfler le nombre de musiciens qui feront la gloire de l’OK Jazz. Des titres comme « Mboka mo paya pasi », « Yamba ngai na Leo », « Moba1i ya ouilleur », sont au top du succès. L’OK Jazz est devenu incontournable. D’autres chansons à succès vont occuper le marché du disque : « Numéro ya Kinshasa », « Bakabolaka bolingo boye te », « Dodo tuna motema », « Ngai Marie Nzoto Ebeba », « Mbanda mwasi na yo alingi ngai », sont fredonnées d’un point à l’autre du pays.

La gloire...

En deux décennies (70-80 et 80-90), Luambo Makiadi est au sommet de la musique congolaise et même africaine. Ses disques sont vendus comme de petits pains. En cette période du parti unique, Luambo devient le musicien repère de grandes nuits présidentielles où pavane tout le gotha politique et mondain du pays.

Il amasse sans coup férir biens matériels et gloire spirituelle. L’ex-président de la République, le maréchal Mobutu, l’élève au rang de Grand Maître de la musique zaïroise. Il donne à son ensemble musical le cachet d’une entreprise au faite de sa renommée. L’OK Jazz devient le Tout-Puissant OK Jazz.

Des musiciens comme Sam Magwana, Dizzy Mandjeku, Josky Kiambukuta, Ntesa Dalienst, Jo Mpoyi, Ndombe Opetum Pépé et autres sont achetés à prix d’or pour venir grossir les rangs de l’orchestre.

Ils viennent ainsi s’ajouter à Youlou, Boyibanda, Isaac Muzikiwa, Dessoin, Decca, Simaro et consorts pour former le grand OK Jazz qui va terrasser tout sur son passage avec des chansons comme « Nakoma Mbanda ya Mama ya Mobali na Ngai », « Matata ya Mwasi na Mobali esilaka te », « Liberté » ou « Bimaka okopesa nzoto lisuma », etc.

Les oeuvres à succès se succèdent à un rythme infernal. Il n’est plus conditionné par des pseudo-producteurs. Il a lui-même créé plusieurs marques pour produire les chansons de son groupe.

Déjà les musicologues retiennent et observent deux styles de musique qui s’opposent. L’un soutenu par l’African Jazz, c’est l’école Kallé dont le fidèle disciple sera Tabu Pascal qui deviendra un peu plus tard Tabu Ley Rochereau le Seigneur. L’autre style est imposé par Franco. On parle désormais de deux écoles : celle créée par Jeef Kallé, et celle de Franco.

En 1982, il s’installe en Europe avec tous ses musiciens pour une durée indéterminée, mais tout en créant de nouvelles structures pour l’édition, la promotion et la production des disques. Des titres comme « Non », « Très fâché », « Mamou », « makambo mazali bourreau », « Très impoli », « Lettre au Dg », « Mario », sont de véritables pamphlets qu’il distribue comme des bouquets de fleurs tour à tour à la femme, aux intellectuels et à une certaine jeunesse. Il profite de son séjour européen pour enregistrer en duo avec Rochereau son concurrent de toujours « Lisanga ya banganga », « Hommage à grand Kallé » et « Ngungi ».

En 1983, Luambo se rend aux Etats-Unis pour une grande tournée, où il confirme sa célébrité auprès des Afro-américains. La diaspora négro-américaine l’accueille chaleureusement. En 1985, après plusieurs années d’absence, il regagne Kinshasa.

Forte personnalité..

La première arrestation de Franco remonte au courant de l’année 1959. Pour défaut de permis de conduire, les autorités coloniales l’emprisonnent alors qu’il vient de chanter la chanson « Mobembo ya Franco na welé ». Avec la chanson « Appartement », il inaugure en effet toute une série de thèmes jugés trop osés et obscènes.

Luambo Makiadi est alors cloué au pilori. Malgré ses relations au sommet de l’Etat, la justice se saisit de cette opportunité et condamne le musicien à la prison ferme. Le grand maître s’écroule de son piédestal et craque. A la prison de Makala, il est l’objet d’une dépression aggravée, il sera vite conduit au Centre Neuro-pathologique de Kinshasa. Sur décision du sommet politique, Franco retrouve l’air libre.

Luambo Makiadi dans sa chanson « Princesse Kikou » pleine de sous-entendus, libère toutes ses émotions accumulées depuis son arrestation.

Il traque à son tour ceux qu’il prétend lui vouloir du mal, et des pamphlets tombent comme s’il en pleuvait sous des titres tels que « Loboko » et « Babotoli ye tonga ».

La personnalité de Franco est considérablement influencée par une série d’événements douloureux. Orphelin dès son jeune âge, Franco souffre de l’absence de son père, très tôt disparu. N’ayant pas abouti dans ses études, il souffre de cette insuffisance d’ instruction.

Les thèmes de ses chansons sont souvent en rébellion avec le conditionnement de la société.

Menacée par la maladie, la nuit du 12 octobre sera fatidique pour l’homme qui va succomber après une longue période de souffrance physique. Le Congo et l’Afrique venaient de perdre un baobab de la musique moderne du continent noir.

Eléments de discographie

La discographie de Grand Maître Luambo Makiadi Franco est certainement la plus abondante de la musique congolaise ; elle peut renfermer jusqu’à 1000 titres, pour 33 ans de carrière.

Parmi ceux-ci, on cite couramment :

Matata ya muasi na mobali, Radio-trottoir, Oko regretter ngai, Bandeko na ngai mibali, Mbanda akoti kikumbi (83), Mamou, Naboyi yo, Moi comprends pas français, Ya ngai na Papa, Où est le sérieux, Tangela ngai mboka bakabaka mobali, Ba masta Bonane, La vie des hommes, Keba na Sida, Bapekisa yo kobima, Très fâché, Jacky, Helène, Mado, Ma Hélé, La vérité de Franco, Boma l’heure, Testament, Locataire, Bango nionso bambanda, Olongi, Yo mayi ya buatu, Nani apedalaki te (62), Oyamba ngai na Léo.

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