email
Littérature congolaise

Interview de Noël Kodia Ramata à propos de son roman « Les Enfants de la guerre. Eteindre le feu par le feu ? »

Par le professeur Martin Lemotieu

Ce texte est extrait du magazine AFRIQUE EDUCATION n° : 245

Publié en 2005, Le roman « Les Enfants de la guerre. Eteindre le feu par le feu ? » de notre collaborateur Noël Kodia-Ramata a retenu l’attention du professeur Martin Lemotieu, spécialiste de littérature congolaise à l’Université de Yaoundé 1 (Cameroun). Pendant son séjour d’études à Paris, il a rencontré l’auteur.

Afrique Education : - Vous dédiez votre roman « Les Enfants de la guerre. Eteindre le feu par le feu ? » [1] à vos proches, ainsi qu’à trois romanciers congolais qui vous ont précédé : Lopes, Dongala et Tati Loutard. Bien plus, votre épître dédicatoire se clôt, à l’attention de ces trois écrivains, par cette assertion : « Ce livre est aussi le leur ». Quelle parallèle établissez-vous entre leurs romans et le vôtre ? Quelles influences ont-ils exercées sur vous ? Vous semblez vous situer à la confluence de ces trois auteurs. En quoi ?
Réponse : - Les écrivains congolais ont toujours formé une « phratrie », surtout au cours des décennies 70 et 80 quand les grandes figures de la littérature congolaise étaient toujours au service de la jeune génération. Henri Lopes, Emmanuel Dongala et Jean Baptiste Tati Loutard sont des écrivains que j’ai côtoyés quand j’ai commencé à écrire. Mes premiers poèmes ont été lus par Tati Loutard dans les années 70, alors que j’étais son étudiant en littérature africaine à l’université de Brazzaville aujourd’hui université Marien Ngouabi. Dongala était mon président dans les années 90 à l’ANEC (Association nationale des écrivains congolais) avant que la guerre juin 1997 le force d’immigrer aux Etats unis. Malheureusement ladite association avait fait long feu, laissant la primauté à l’UNEAC, l’Union nationale des écrivains et artistes du Congo dont je fais membre actuellement et dont le président est toujours Jean Baptiste Tati Loutard. « Les Enfants de la guerre », je l’ai dédié à ces trois grands écrivains car ils m’ont marqué par leur « style » que l’on peut retrouver dans mon livre. Henri Lopes m’a beaucoup marqué car, en dehors de ses deux premiers romans ( « La Nouvelle romance » et « Sans tam-tam ») qui restent encore accrochés à l’idéologie dominante de la référentialité, ses textes ont mis en exergue le travail de l’écriture en tant que signifiant dans ses textes.
Et cette spécificité, je l’avais déjà réalisée en découvrant la critique moderne et le Nouveau roman français au cours de mon troisième cycle avec l’étude de l’oeuvre de Claude Simon. Ainsi j’ai essayé de travailler mon premier roman dans ce sens. Avec Emmanuel Dongala, j’ai appris à jouer avec les mots pour théâtraliser le texte romanesque sur fond de comédie. C’est lui qui m’a donné le goût d’écrire du « pleurer-rire » qui caractérise certains textes de « Jazz et vin de palme ».

Emmanuel Boundzéki Dongala pratique le "pleurer-rire" dans ses romans

Ses textes sont des rires perpétuels, et ce pleurer-rire atteint la perfection dans « Les petits garçons naissent aussi des étoiles » avec le tonitruant Matapari. On s’y croirait dans les textes de Molière. Chez Dongala, il y a sobriété dans le style et satire de certains milieux sociopolitiques se fondant souvent sur l’humour qui s’associe parfois au cynisme. D’ailleurs Dongala est aussi un grand homme de théâtre. Il a dirigé la troupe de L’Eclair à Brazzaville. Quant à mon « maître » Tati Loutard, c’est du côté de la poésie qu’il m’a impressionné. Ses textes en prose ont une peinture poétique dont lui seul a le secret. Et je peux dire que mon premier roman est aussi le leur sans oublier les grands écrivains de mon pays qui se reflètent dans une mise en abyme que j’ai créée aux pages 105 et 106 où je fabrique un segment textuel à partir des titres de certains ouvrages congolais. On peut lire : « Dans les normes du temps, le commencement des douleurs s’était déclaré un certain mercredi de juin 199. On avait parlé d’une affaire de tipoye doré que les initiés n’avaient pas pu régler quelques semaines avant que l’homme aux pataugas n’explose… » . Dans ce segment narratif, on voit que je fais référence à Tati Loutard, Sony Labou Tansi, Placide Nzala-Backa et Jean Pierre Makouta Mboukou. Le parallèle entre leurs romans et le mien, c’est que nous partons toujours des réalités sociopolitiques pour créer nos fictions. Vous remarquez par exemple l’influence du plus grand roman de Lopes, « Le Pleurer-Rire » qui m’a donné l’envie de rappeler le tribalisme à travers le retour des Djabotanais et des Djassikinis qui ne sont que des inventions de Lopes. Je me sens au confluent de ces trois auteurs car leurs textes vivent implicitement en moi. Vous remarquerez par exemple que le héros de mon roman a lu « Un fusil dans la main un poème dans la poche » Dongala et « Le Récit de la mort » de Tati Loutard.

Jean-Baptiste Tati-Loutard

Q : -Entre les différentes générations de romanciers congolais, existent-ils des liens ? A quels niveaux ? Et d’abord, selon vous, de 1954 à 2006, combien de générations de romanciers décelez-vous au Congo Brazzaville ?
R : - Tous les romanciers congolais ont eu toujours des liens de convivialité car les écrivains de la nouvelle génération ont eu un grand soutien de la part de leurs doyens. Des écrivains comme Sylvain Bemba, Jean Baptiste Tati Loutard, Emmanuel Dongala et surtout Sony Labou Tansi m’ont étonné par leur simplicité. On pouvait leur faire lire des manuscrits et les commentaires qu’ils y faisaient étaient constructifs. Quand Sony Labou Tansi recevait les jeunes écrivains chez lui, c’était en famille autour d’une dame jeanne de nsamba (vin de palme). Il vous mettait tout de suite à l’aise. Même ministre, Tati Loutard avait toujours son bureau à l’UNEAC où il recevait ses confrères écrivains et artistes.
En lisant la majorité des romans congolais, on pourrait parler de trois générations, mais il n y a que deux qui se concrétisent car étant l’une proche de l’autre et parfois créant un pont entre elles. La première génération est celle du doyen Jean Malonga dans les années 50. D’ailleurs il sera le seul écrivain de son époque à publier le roman dans sa forme conventionnelle. « La légende de Mpfoumou Ma Mazono » est publié en 1954 et il faudra attendre 1968 pour lire de nouveau le roman avec Placide Nzala Backa avec « Le Tipoye doré » qu’il publie par le biais de l’Imprimerie nationale avant d’être repris quelques années plus tard par PJ Oswald. Et le roman se découvre quantitativement et qualitativement avec la deuxième génération dont le timonier est Guy Menga avec son emblématique « Palabre stérile » en 1969 qui le fait entrer par la grande porte dans la famille des grands écrivains francophones avec le premier Grand prix littéraire de l’Afrique noire au Congo. (A cette même époque il y a Antoine Létembey Ambilly qui s’illustre au théâtre par le grand prix de l’ORTF avec sa pièce "L’Europe inculpée".-NDLR). Avec Guy Menga se découvre la deuxième génération des romanciers congolais avec d’autres noms célèbres comme Antoine Létembey Ambilly, Henri Lopes, Sylvain Bemba, Jean Pierre Makouta Mboukou, Sony Labou Tansi, Tchichelle Tchivela….

Henri Lopes

La troisième génération est constituée par les jeunes écrivains qui ont commencé à publier à partir des années 70 et surtout 80 avec parfois l’appui des « anciens ». De la nouvelle génération, on peut citer Daniel Biyaoula qui semble être sur les traces d’Emmanuel Dongala. Car ces deux écrivains pourraient être considérés comme les meilleurs de 1954 à 2006 : ils écrivent peu et très bien. Et dans cette nouvelle génération, il ne faut pas oublier Alain Mabanckou qui n’est plus à présenter. Lorsque l’on considère Jean Malonga comme doyen des écrivains congolais déjà célèbre avant les indépendances, on peut se permettre d’accepter en général deux générations de romanciers du Congo : celle des Guy Menga, Sylvain Bemba, Henri Lopes, Sony Labou Tansi, Emmanuel Dongala… et celle d’Alain Mabanckou, Daniel Biyaoula, Caya Makhele…

Q : - Vous avez fait une entrée tardive dans l’espace romanesque congolais et de prime abord vous semblez dans votre inspiration privilégier l’événementiel, en l’occurrence les guerres fratricides congolaises. Comment expliquez-vous le grand penchant des romanciers congolais pour des sujets se rattachant à l’actualité brûlante de leur pays, surtout celle politique ?
R : - J’ai d’abord pratiqué l’écriture poétique et théâtrale. Mon entrée tardive dans l’espace romanesque s’explique par les difficultés de l’édition dans nos pays. Je porte en moi l’écriture depuis les bancs du lycée où nous nous échangions les manuscrits des cahiers scolaires avec les poètes Jean Blaise Bilombo et André Matondo aujourd’hui Matondo Kubu Ture. Ma première œuvre qui date de 1981 est une pièce de théâtre intitulé « La voix de Lumumba » publiée grâce à un homme de culture qui a eu à « prendre soin » des jeunes écrivains, j’ai cité Léopold Pindy Mamansono, directeur des éditions Héros dans l’Ombre à Brazzaville et auteur de « La Nouvelle génération de poètes congolais » en 1984. Ce livre avait donné un autre souffle à la littérature congolaise après la première Anthologie de notre littérature publiée en 1977 par Jean Baptiste Tati Loutard. Enseignant de littératures française et congolaise à l’ENS de Brazzaville pendant plus de deux décennies, des étudiantes et étudiants m’ont fait lire des textes de roman d’une qualité indéniable. Malheureusement, certains d’entre eux verront peut-être leurs textes publiés avec un grand retard. Dommage ! Peut-être que si je n’avais pas rencontré mon ami Yves Amaizo [2], peut-être que le texte « Les Enfants de la guerre » dormira it encore dans mes tiroirs avec d’autres manuscrits. Je l’ai écrit en 2000. C’est le séjour de Paris qui m’a aidé à l’accoucher « publiquement ».
En 2006, j’ai eu à publier une étude critique de l’œuvre poétique et narrative de Jean Baptiste Tati Loutard intitulée « Mer et écriture chez Tati Loutard : de la poésie à la prose » [3]. Aujourd’hui mon troisième livre qui m’a pris plusieurs années de recherche, le « Dictionnaire des œuvres littéraires congolaises » est presque prêt et n’attend que l’acceptation d’un éditeur. C’est pour vous dire que l’édition est une question de chance, surtout de l’espace qui vous accepte en tant qu’écrivain.
Quant à l’inspiration, le roman se nourrit en général du vécu quotidien. J’ai connu la guerre de Brazzaville et c’est un film qui trottinait en moi une fois la paix retrouvée au Congo. Et il fallait que je me libère de cette angoisse par l’écriture. D’ailleurs, en spécialiste de la littérature congolaise, vous vous êtes sûrement rendu compte qu’il y a plus d’une dizaine de romans et de recueils de nouvelles qui se fondent sur la thématique de la guerre de Brazzaville et dont le plus célèbre est « Johnny Chien méchant » du grand Dongala. Quant au thème de la politique, je vous dirais que les Congolais s’intéressent à la politique depuis André Matsoua dont ils ont fait leur héros national. Les Congolais s’intéressent tellement à la politique active et passive que celle-ci fait partie de leur quotidien. Et comme je l’ai dit, le roman se nourrit du vécu quotidien, Vous pouvez alors comprendre pourquoi ce mariage agréable entre les romanciers et la politique.

Q : - Le regard du romancier congolais est très caustique à l’égard de la classe politique, même chez les politiques romanciers du sérail (H Djombo, T. Tchivéla, Mambou A. Gnali, H. Lopes, Tati Loutard …). Comment expliquer cette convergence ?
R : - Tout artiste a toujours un regard caustique à l’égard de la classe politique et cela depuis la nuit des temps. Quand nos hommes politiques qui sont des écrivains, donnent leur point de vue sur la politique de leur pays ou du continent, il faut d’abord les considérer comme des artistes qui vivent avec le peuple comme tout le monde. Leur regard caustique envers la classe politique est d’abord un regard d’artiste. Quand ils écrivent, ils ne pensent pas en homme politique au pouvoir, mais se mettent à la place du citoyen lambda pour « critiquer » le négatif de l’homme politique. Et c’est la chance qu’ils ont, d’être à la fois homme politique et homme des masses populaires. Ils sont nombreux, les écrivains hommes politiques au Congo. En dehors de ceux que vous m’avez rappelés, on peut citer Henri Lopes, Jean Pierre Makouta Mboukou, Sylvain Bemba, Guy Menga, Sony Labou Tansi, Maxime Ndébéka qui ont eu à exercer quelques activités politiques. Il y en a qui ont été directement aux affaires en membres du gouvernement pendant un certain temps. Et quand on lit leurs œuvres, on devrait séparer l’homme politique de l’homme écrivain, sinon on tomberait dans le piège de la référentialité que nous impose la lecture dogmatique qui croit que ce qui est raconté dans les romans est vrai. Erreur car ces mêmes personnages qui n’existent que par la pensée et l’imagination de l’auteur, par l’encre et le papier, se moqueraient de nous si nous les considérons comme nous, alors qu’ils n’existent que par la fiction.
Il y a convergence entre tous les écrivains hommes ou femmes politiques parce qu’ils ont la chance d’avoir été (ou sont encore des cadres politiques) créateurs d’oeuvres de l’esprit avant d’embrasser la carrière politique.

Q : - Existe-t-il cependant une limite que les politiques romanciers n’oseraient franchir ? Laquelle et à quels niveaux de l’écriture ?
R : - Au Congo, il n y a de pas de limite que les romanciers ne devraient pas franchir. D’ailleurs Henri Lopes l’avait bien dit qu’aucune œuvre d’art n’a fait la révolution. C’est pour vous dire que la censure n’existe pas dans la création artistique quand elle respecte les principes élémentaires de l’art. Car une œuvre d’art doit avant tout être considérée par son côté esthétique. Depuis que le monde est monde, nous naviguons toujours dans les mêmes thématiques. Le romancier n’a de compte à rendre à personne car il ne dépend que de son scriptural, de ses fictions. C’est quand il se transforme en essayiste ou en journaliste qu’il se retrouve devant certaines limites à ne pas franchir. Dans le domaine de l’écriture, vous verrez que les journalistes sont plus « inquiétés » que les romanciers. Car il y a une limite entre le réalisme qu’impose le journalisme et le mentir vrai que s’impose le romancier.

Q : - Jusqu’aux années 90, S. Bemba parlait d’une « phratrie » liant les écrivains congolais tous genres confondus . Le multipartisme l’a-t-elle fait voler en éclats ?
R : - Oui et non !
Oui : La phratrie dont parlait Sylvain Bemba existe encore car les écrivains congolais sont unis par ce qui leur est chère, le domaine de la culture et de la création. Malgré le multipartisme et malgré tout ce qu’a connu le pays, les écrivains vivent toujours en phratrie, surtout au pays. L’UNEAC regroupe en son sein tous les écrivains qui pensent d’abord création et culture avant de penser politique. La phratrie de Sylvain Bemba commence malheureusement à subir le coup de la nouvelle génération où des jeunes écrivains ayant eu la chance de se faire publier se bombent le torse, au lieu de se tenir la main dans la main, le monde des arts étant en perpétuel mouvement. De jours, se voir publier est une « question de chance ». Dans mes recherches sur le roman congolais, j’ai découvert des chefs d’œuvre qui mériteraient des prix littéraires et qui devraient même intéresser les grandes maisons. Hélas ! Encore une fois la réalité du monde impitoyable de l’édition... Comme ils étaient aimables et conscients de l’ambition littéraire des jeunes, nos doyens tels Sylvain Bemba, Sony Labou Tansi, pour ne citer que ces deux noms qui m’ont beaucoup marqué car ils ont aidé beaucoup de jeunes à se faire connaître dans le domaine de la littérature (...).
Non : Parce qu’il y a certains qui se disent intellectuels et qui ont lié l’imbécillité au tribalisme pour se forger une personnalité ô combien honteuse. D’ailleurs (...)de ce genre d’intellectuels m’a permis de créer un personnage grotesque que vous pourrez découvrir dans mon roman.

Q : - Entre Platon et Machiavel, les personnages politiques de l’espace romanesque congolais jettent leur dévolu sur le dernier. Reflet des réalités congolaises ou simple exagération ?
R : - Dans la création artistique, l’homme politique est toujours vu du côté machiavélique pour essayer de changer la société. Est-ce que l’art peut vraiment changer la société ? Je ne crois pas. C’est l’affaire du politique et du droit. Il peut contribuer à ce changement. Soit. Mais l’homme politique est surtout malmené dans les romans congolais, et même dans la littérature africaine, pour faire plaisir aux lecteurs qui trouvent en ces lieux la vengeance car ils prennent du plaisir à rire avec le texte quand le politique est pris à partie dans le récit. On peut dire, comme on le constate dans toute la littérature africaine que les réalités politiques sont souvent exagérées pour rendre agréable l’oeuvre d’art. Cette exagération apparaît comme du piment pour l’œuvre d’art.

Q : - La vision de la politique est très négative dans les romans, et le sort des intellectuels honnêtes et lucides qui s’aventurent dans cette arène à très hauts risques est très piteux. Une façon de décourager les jeunes d’en tenter l’expérience ?
R : - La vision de la politique est négative dans les romans parce que les romanciers le veulent. Cette vision n’existe que par la volonté du romancier qui le veut ainsi pour « faire plaisir » aux lecteurs. Si le roman est un monde idéel, celui de la politique est un monde vrai. C’est comme la réalité vécue physiquement et la réalité transposée au cinéma.
La politique du roman ne découragera jamais les intellectuels honnêtes et même lucides de s’aventurer en politique. Des écrivains comme Alphonse de Lamartine au XIXè siècle et plus près de nous André Malraux n’ont pas eu peur de la politique. Mongo Béti n’a pas eu peur de la politique. Et si on lui avait donné l’occasion de l’exercer, il le ferait. La vision de la politique est très négative dans les romans pour les besoins de l’art. S’il y avait vraiment grand risque, ce monde de la politique n’intéresserait pas les intellectuels et même les écrivains.

Q : - Un roman de Henri Djombo, « Lumières des temps perdus », se démarque de cette perspective. Un président, Vrezzo, refuse de s’aligner dans le camp des exploiteurs de son peuple, que ce soit ceux de l’extérieur ou de l’intérieur. Il instaure avec toutes les couches sociales une démocratie participative et engage une véritable guerre pour la renaissance du Kinango, son cher pays. L’autogestion, la responsabilité de chacun envers tous et vice-versa, ainsi que l’engagement des citoyens éclairés dans la construction de l’œuvre commune provoquent un vrai miracle, une prospérité générale du pays dans tous les domaines. Même si les pays occidentaux, jaloux de cette vraie indépendance d’un pays du Sud qui a osé les défier et s’en est bien sorti, bombardent Vrezzo dans sa bibliothèque (tout un symbole !), le peuple ne retombera plus dans la servitude impérialiste. A preuve le monument érigé par les Kinangois à la gloire de Vrezzo. Simple politique-fiction ou nouvelle vision de la chose politique ?
R : - Je vous dirais là : « simple politique-fiction » pour ne pas tomber dans la tautologie car le président Vrezzo et le peuple kinangois ne sont que des inventions de Henri Djombo en tant de créateur d’oeuvre de l’esprit. Cherchez sur la carte de l’Afrique et même dans l’histoire contemporaine du continent, vous ne trouverez jamais un pays qui se nomme Kinango et vous ne trouverez jamais un président au nom de Vrezzo. « Lumières des temps perdus » est une simple politique fiction. Reflet d’une nouvelle vision de la chose politique ? Peut-être quand on considère tout ce qui se passe sur le contient. Je dis bien « reflet » et non « réalité ». Et sur la notion de reflet, je vous demanderais de vous retourner vers Stendhal qui disait que le roman est un miroir que l’on promène le long de la route. J’ai toujours eu pitié des lecteurs qui croient naïvement (et ils sont vraiment nombreux) à ce que leur racontent les romans. Comme au cinéma ceux qui croient aux trucages et aux autres effets cinématographiques. D’autres s’en prennent même aux pauvres écrivains, les confondant aux personnages qu’ils ont créés, surtout dans les récits homodiégétiques (histoires à la première personne où le je-narrant se confond avec le je-narré.

Q : - S’il fallait donner une définition à la politique, laquelle lui donneriez-vous ?
R : - Les politologues sont mieux placés que nous autres romanciers à parler de politique dans sa définition exacte. Je dirais qu’il serait dangereux quand on commence à croire que la politique des romans peut être pratiquée dans le monde réel où nous vivons en tant qu’êtres de chair et d’os. L’écrivain doit avoir sa politique, celle de l’écriture. N’en déplaise à la vieille critique qui nous faisait croire que les romans racontaient des histoires vraies.

Q : - Comment se présente l’homme politique type des romans congolais ?
R : - L’homme politique dans le roman congolais est toujours vu sur le plan de la caricature. Et cela pour mettre en exergue certains problèmes que vit la société. Même s’il y a des hommes intègres en politique, dans le roman, ils sont plutôt caricaturés pour aider le Congolais lambda à prendre conscience de la réalité politique que lui impose ses hommes politiques.

Propos recueillis par Martin LEMOTIEU

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.