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Interview exclusif du Colonel Eyoma, dit Boni, avant sa mort.

Paru dans le Defi N° 078 du 16 décembre 2003

Les langues se délient à propos d’une prétendue rébellion au Nord, dans les forêts de Mpouya, et peut-être à Ngabé. Mais, qui est à la tête de cette rébellion qui commence à défrayer la chronique ? Parait-on, ce Ben Laden s’appelle Andessa Boniface, alias Colonel Eyoma. Nous nous sommes rapprochés de lui. Il nous a reçu. Chez lui. Pas dans une forêt à Mpouya ou à Ngabé. Ici à Brazzaville. Très décontracté, sûr de lui, il s’est demandé qu’est-ce qu’il a fait ? Pourquoi toujours lui ? « J’ai été diffamé », a-t-il déclaré, « la justice va trancher ». Seulement, il n’a demandé que le rétablissement de son salaire qu’il a perdu depuis 1993. Aussi, il est déçu car, après avoir perdu sa mâchoire pendant la guerre, lui qui est aujourd’hui démuni, est nargué par Gozardo le petit frère de Ntumi qui roule maintenant carrosse.

Colonel Eyoma, vous êtes indexé comme étant à la tête d’une rébellion dans une forêt à Mpouya dans les Plateaux. Qu’avez-vous à dire ?

(Rire). Ben, sincèrement, si je te reçois chez moi, c’est parce que tu es un frère. Avec toi nous avons fait la prison de Lissouba à la Maison d’Arrêt Centrale de Brazzaville, on a souffert, sinon je ne recevrais personne chez moi. (Rire). La rébellion de Ngabé ou de Mpouya, ou de je ne sais où, n’engage que ceux qui ont trouvé le plaisir de la raconter. Ça n’engage que ceux-là qui font de mon nom leur fond de commerce. Tu m’as trouvé chez moi, dans ma maison, pourtant des gens me voient dans une forêt à Mpouya ! Je ne sais pas, il se pourrait que j’ai le pouvoir magique de dédoublement, la faculté d’ubiquité c’est-à-dire de se retrouver au même moment à plusieurs endroits différents !

Pourquoi des gens ont choisi votre nom pour désigner ce fameux chef

Ah ! Ben, Je ne comprends pas. Même là où je suis chez moi, je ne comprends rien. Seulement je pense que j’ai eu à labourer un champ, j’ai planté le manioc, et on m’interdit de manger ce manioc que j’ai planté. On devrait me mener la guerre si je demandais ma part du manioc ; enfin, je remets tout à Dieu. Des gens peuvent tout raconter, mais seul Dieu. nous jugera.

Penses-tu avoir été diffamé ?

Oui, j’ai été diffamé puisque je ne connais même pas cette prétendue rébellion qu’on me colle ! Même si ici au Congo existe la loi de Tarzan, je sais que la justice est là, elle existe, et elle va trancher. Imaginez-vous que quelqu’un est tranquillement chez lui, et il y a des gens qui veulent faire de son nom leur fond de commerce, la justice va trancher.

As-tu une revendication particulière ?

J’ai été d’abord un fonctionnaire, agent de l’Etat. Je suis arrivé dans le milieu Cobra en 1992. En 1992, le Président Denis Sassou Nguesso n’étant plus Chef de l’Etat était en insécurité. J’ai été copté par mon grand frère, feu Oko Camille, pour s’organiser en vue de protéger te Président Denis Sassou Nguesso dont la vie était bel et bien menacée. Le Président Sassou, c’est le leader de mon parti. Je n’avais pas du tout hésité face à cette demande, celle de protéger notre Président, quoi qu’il n’était plus au pouvoir. J’étais enseignant et je percevais mon salaire. Mais, lorsque les tenants du pouvoir déchu avaient eu vent que j’étais Cobra, Ils m’avaient suspendu le salaire. Je ne demande pas des millions, non, j’ai déjà trop subi. Je veux qu’on me rétablisse seulement mon salaire et c’est tout. Je suis fonctionnaire, J’ai commencé à travailler le 1er octobre 1982 dans les Plateaux et j’ai pris mon dernier service comme professeur au CEG de Garnboma. Je n’ai pas besoin d’une villa à l’instar de Ntumi non. J’ai seulement besoin de mon petit salaire, rien que ça et c’est tout, pour vivre avec mes cinq enfants. Retiens bien, pas autre chose, que le rétablissement de mon salaire.

Parait-on qu’on vous a nommé lieutenant...

(Rire). Un lieutenant de la rue, oui ! Pas un lieutenant connu dans l’armée ou dans la police. Comme au sortir de la guerre du 5 juin on m’a attribué le nom de Colonel Eyoma, d’aucuns peuvent aussi raconter qu’on m’a nommé lieutenant. Je vous apprends que je suis combattant de la police, et je gagne 36.900 F cfa. Imaginez-vous, avant qu:on me suspende le salaire en décembre 1993, je gagnais 147.000 Fcfa. Mais, pour avoir combattu, pour avoir risqué ma vie, je ne gagne maintenant que 36.900 Fcfa ! D’ailleurs, je ne mène pas la guerre aux gens, c’est plutôt des gens qui s’acharnent contre moi. J’attends mon jour, je remets tout à Dieu.

Pouvez-vous connaître vos détracteurs ?

Je suis chez. moi à la maison, j’apprends par-ci, par-là, que Le Choc, - L’Observateur... m’ont désigné comme tête de file d’une rébellion à Mpouya, à Ngabé ou poeut-être ailleurs, ça fait rire. dernièrement j’ai assisté comment des gens achetaient un journal titré à la une, Colonel Eyoma mène une rébellion au Nord. J’étais là, et je regardais, des gens ne me connaissant pas me traitaient de tous les maux, ils achetaient pour s’abreuver des tonnes de mensonges ; bref, ça n’engage qu’eux. J’ai trop subi, je ne peux pas te décrire tout mon martyre. Seulement je me demande, qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Quel péché ai-je commis ? Des gens vont braquer quelque part, c’est le Colonel Eyoma ; quelqu’un vole dans la rue, c’est le Colonel Eyoma, c’est toujours lui, le Colonel Eyoma, le gangs1er, le braqueur, le rebelle... Pourquoi des gens m’en veulent-ils ? Franchement je n’arrive plus à comprendre ce pays. Cher frère Ben, tous les petits qui ont combattu avec moi, c’est l’ossature de la guerre ; la Compagnie d’Intervention (CI), la Garde Présidentielle (GR), la Zone autonome de Brazzaville (ZAB) ; tous ces petits, dans les casernes militaires, ce sont des jeunes que j’ai formés en 1992, 1993 et 1994. Personne ne peut me contredire. Personne. Je dis bien tous ces jeunes, c’est moi qui les ai formés. Il y a d’autres qui sont même avec Ntumi . C’est le cas d’un petit que j’ai formé au CADD-MJ à Moungali, aujourd’hui il est avec Ntumi, un certain Frédy Koméka, c’est mon fruit, le petit qui était mon garde de corps lorsqu’on était en prison, tu dois le connaître. En pleine prison, il était mon garde de corps. En ce qui concerne mes détracteurs, seul Dieu nous jugera.

Colonel Eyoma, les portes du Médiateur de la République sont quand même ouvertes...

Je suis essoufflé. Je ne suis qu’une goutte d’eau dans la mer. Ca ne sert à rien de voir le Médiateur de la République parce que j’ai commencé à lancer mon cri d’alarme il y a longtemps. Comme je n’ai ni grand frère, ni grand-père, ni oncle, ni cousin, ni père, ni parent député, sénateur, ministre ou général dans l’armée... je n’attends que la justice de Dieu, car je ne crois plus en l’homme. Une fois je me suis retrouvé à Oyo pour une mission des Cobras en 1994, maman Antoinette Sassou Nguesso m’avait dit : « Papa, vous êtes nos anges, ceux qui avaient bouffé avec nous ont tous fui ; mais moi et mon époux ne pourronst jamais vous oublier. Remettons tout à Dieu, un jour si on reviendrait au pouvoir, on ne vous oubliera jamais ». Ca, c’était la parole de maman Antoinette Sassou Nguesso, l’épouse de mon leader préféré ; Denis Sassou Nguesso. Et encore il faut se demander comment j’étais rentré à Brazzaville, et quels risques j’avais pris. Non, Ben, je t’ai reçu sincèrement parce que tu es un frère, je sais comment dans la prison de Lissouba on avait souffert ensemble. Sinon je ne recevrais personne chez moi.

Tu t’étais retrouvé avec une mâchoire bousillée lorsque tu combattais Ntumi dans les forêts du Pool. Quelle lecture faites-vous sur son arrivée prochaine à" Brazzaville ?

Je te dis que pendant la guerre de Bacongo, avant que je sois évacué en Europe pour recevoir des soins de ma mâchoire bousillée, les réunions du Haut commandement se déroulaient à la Gendarmeux. Moi, Colonel Eyoma qui te parle, si je ne suis pas encore arrivé, la réunion ne commençait pas. Quand j’arrivais, c’était le top et on rentrait à Bacongo. Donc j’étais la pièce maîtresse. Et, après la guerre de Bacongo, il fallait faire la guerre du Pool. C’est toujours moi qui te parle, Colonel Eydma, j’étais la pièce maîtresse. Que ça soit le général Adoua, le général Essongo, ils le savent. Parce que tous les guerriers de Brazzaville n’écoutaient que moi. J’ai fait la guerre du Pool uniquement pour Ntumi. Demande moi pourquoi tous les grands guerriers sont-ils partis en France ? Frédy Menga, Romuald Moubenda, Marien Ikambi, Mizére, Akélé, Lengam Diouf, Sassay, Moungabio, Lemarra, Guel Bilisor, lieutenant Rose, Massamba Edith (une fille très courageuse, une véritable guerrière), Sawa La Main Noire...tous sont à Paris. Peux-tu me dire pourquoi sont-ils partis ? Je t’apprends qu’il y a deux étudiants qui avaient fart la guerre, des guerriers chevronnés, aujourd’hui ils sont abandonnés, Mariano et Férolle. 1i faut se demander comment vivent-ils. Entre-temps, il y a Gozardo, le petit-frère de Ntumi qui nous nargue, il nous défie dans toute la ville. Ah ! La politique. Ceux qui font la politique étaient où lorsque nous combattions ? Ils étaient où ?
Il ne fallait pas qu’on nous dise d’aller dans le Pool car Ntumi allait venir. Ntumi va venir, d’ailleurs très bientôt. Et, Gozardo son petit-frère nous nargue, il roule maintenant carrosse une Prado climatisée suivie d’une colonne d’Hilux, Police Ninja ! Et moi, Colonel Eyome abandonné, piéton, pas d’argent, même là où j’habite dans cet immeuble, je dos quinze mois de facture d’électricité. Je suis simple combattant alors que j’étais fonctionnaire de l’état. Moi piéton je croise Gozardo dans sa belle voiture ! Hier je laissais mes enfants seuls pour aller combattre Ntumi, j’ai perdu même ma mâchoire supérieure à cause de ces gens-là, les Ntumi et les Gozardo, aujourd’hui Gozardo me défie dans les ruelles de Brazzaville, Je remets tout à Dieu.

Par Ben OSSETE OBELAS

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