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La ministre de l’enseignement secondaire nomme jusqu’aux pions des lycées

C’est déçu et dépité que notre ami Maurice Koudiatou, alias le poète et griot Kaly Djatou est venu nous conter, avec le sourire, sa dernière mésaventure. Enseignant d’histoire et géographie au lycée de Mpaka de Pointe-Noire, il assurait depuis avril 2005 le poste de surveillant général par intérim de ce même établissement. A l’occasion des nominations pour la prochaine rentrée scolaire, Mme Rosalie Nkama, ministre de l’enseignement secondaire ne l’a pas reconduit pour des raisons qui montrent bien que la culture n’est pas son souci.

Licencié en géographie urbaine et détenteur d’un CAPEL de géographie obtenu en 1986, monsieur Koudiatou enseigne sans faillir depuis plus de vingt ans. Il s’est déplacé de Brazzaville à Pointe-Noire en 2002 pour des raisons personnelles et est entré en fonctions immédiatement au difficile lycée de Mpaka (premier lycée du département aux résultats du BAC 2004 et 2005). En avril 2005, son collègue surveillant général est nommé à de plus hautes fonctions. Monsieur Koudiatou, à la satisfaction des enseignants et des élèves de l’établissement est désigné pour assurer l’intérim.

Il remplira la fonction avec un dévouement que tous loueront. Rigoureux mais juste, il fait régner une discipline librement acceptée que l’établissement ne connaissait plus depuis longtemps. Son action pour rendre à sa fonction l’immense cour du lycée en la nettoyant, avec les élèves, des herbes folles qui la transformaient en pâture pour tous les ruminants du voisinage lui vaudra l’amusant surnom de « l’Herbicide ».

Au conseil de classes de fin d’année le personnel émettra le souhait que monsieur Koudiatou soit confirmé. Prenant acte de ce désir, madame Rosalie Nkama, ministre de l’enseignement secondaire, passe outre et rejette cette éventualité prétextant, oralement, que monsieur Koudiatou est aussi Kaly Djatou dont la qualité d’artiste rend susceptible d’obtenir de juteux contrats et d’abandonner son poste à la première occasion.

Quelle ironie, quelle aberration, Madame la Ministre qui est détentrice du devoir et du pouvoir de bien éduquer nos enfants, renvoie ainsi à des tâches plus modestes un grand poète contemporain. C’est vraiment à croire que culture et éducation n’ont ici aucun rapport. Nous aurions compris que monsieur Koudiatou ait été renvoyé à ses classes si l’argument avait porté sur des manques dans sa pratique de la fonction, mais foin de reproches, le seul tort de monsieur Koudiatou est d’être en plus d’un bon enseignant, un bon artiste. Henri Lopes, Jean-Baptiste Taty Loutard, et bien d’autres personnalités occupant des postes élevés ne sont ils pas, eux aussi, des poètes de renom ? Demande-t-elle qu’ils soient démis de leurs hautes fonctions parce qu’ils sont aussi artistes ? Ignore-t-elle que de grands artistes de la scène et de l’écran ont aussi occupé de hautes fonctions : Miriam Makeba, chanteuse, ministre en Guinée ; Melina Mercouri, actrice et chanteuse, ministre de la culture en Grèce de 1981 à 1989 ; Ronald Reagan, acteur, gouverneur de Californie de 66 à 80 puis Président des Etats-Unis de 81 à 88 ; Arnold Schwarzenegger, acteur, actuel Sénateur de Californie et tant d’autres ? Sans doute nous dira-t-elle que tous ceux-la étaient à l’abri du besoin. Ce sera là oublier qu’elle détient la responsabilité, avec ses prédécesseurs, qu’en raison des salaires de misère qu’ils perçoivent aléatoirement, les enseignants du secondaire public congolais doivent se débrouiller avec des emplois annexes qu’ils occupent au détriment de leur mission auprès des enfants (ce qui en 20 ans d’exercice n’a jamais été le cas de Maurice Koudiatou).

Les réticences pour faire reconnaitre hors des frontières des diplômes dispensés par l’enseignement secondaire congolais témoignent de la médiocrité de celui-ci. Des décisions comme celle que Madame Nkama vient de prendre à l’encontre de Maurice Koudiatou, ne sont pas propres à en améliorer le niveau.

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