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LIBRE OPINION

Le Choix !

Par Osalikongo

Plusieurs personnalités sont, récemment, montées au créneau pour battre en brèche les arguments d’une partie de l’opposition et de la société civile qui exigent la création d’une commission électorale nationale indépendante maitre de l’ensemble des opérations électorales et seule condition, selon elles, de garantir la transparence, la liberté et la pluralité du prochain, mais au combien sensible, scrutin présidentiel.

Les principaux arguments, de ces proches du pouvoir, tournent autours du respect de la constitution de 2002 et de la loi électorale de 2001. Ils se présentent comme les défenseurs de la stabilité des normes juridiques et constitutionnelles.
On peut s’interroger sur une telle posture à quelles semaines de la concertation sur l’organisation de la présidentielle initiée par le pouvoir, pour trouver un compromis avec son opposition sur la question. C’est un secret de polichinelle que le pouvoir est très divisé sur le fait même d’organiser un tel dialogue. Mais au-delà de ce bémol, il est clair qu’il n’est pas question, pour eux, de perdre le contrôle sur le processus électoral et, s’ils se sont résolu à une telle marche c’est uniquement pour tenter d’atténuer les pressions de la communauté nationale et internationale.
Organiser une concertation, oui, mais ne rien lâcher sur l’essentiel tel est l’objectif de la majorité, et les arguments sont déjà tout trouvés. En effet, répondre favorablement aux deux principales revendications de l’opposition (maitrise du fichier électoral et mise en place de la ceni) obligeraient a repoussé la date du scrutin et donc, a ne pas respecté les délais fixés par le texte fondamental de 2002. CQFD !
Ce discours sur la défense de la constitution n’est, pourtant, pas crédible. Un pouvoir qui n’a pas cessé de violer la constitution depuis sa mise en place en 2002 est, en effet, très mal placé reprendre l’argument de la défense de la loi fondamentale. Que penser, par exemple, de la violation de l’article 48 de la dite constitution [1] ? Aux arrestations sommaires ? Aux interruptions par, l’armée, des rassemblements des parties politiques hostiles au pouvoir en violation du droit de réunion garantie par la dite constitution ?

De plus, les revendications de l’opposition sont sur la table depuis le fiasco des législatives de 2007, par conséquent le pouvoir a eu tout le temps pour y répondre. Pourquoi avoir attendu quelques seulement avant l’échéance, pour entamer un dialogue ? La situation d’impasse constitutionnelle, s’il y a, sera totalement de la faute du pouvoir et ça ne sera, d’ailleurs, pas une première [2].

La répartition des périmètres d’action entre l’administration et la commission d’organisation nationale électorale (Conel), l’indépendance et la composition de cette dernière et le rôle des commissions électorales locales, le financement des partis politique, la couverture équitable des compagnes des différents candidats par les médias d’état sont autant de point de divergence sur lesquelles, il faut trouver un compromis s’il nous voulons un vote dans la sérénité. Arrêtons-nous sur quelques uns de ces points.

Qui organise les élections dans notre pays :

Pour le ministre de la communication et porte parole du gouvernement, il n’y a aucun doute, c’est l’administration. Dans une interview à RFI, le ministre, dit vouloir organiser les élections comme en France ou aux Etat Unis », sous-entendu par l’administration. Sauf que, la loi électorale de 2001, loi organique en vigueur, ne dit pas tout a fait ça. En effet, l’article 15 de cette loi stipule que : « La préparation des élections relève de la compétence du ministère de l’intérieur. L’organisation et le suivi des différents scrutins incombent à la commission nationale d’organisation des élections. Les crédits nécessaires à la préparation, à l’organisation et au suivi des élections font l’objet d’une inscription au budget de l’Etat ». Les articles 16 et 17 de préciser que « Les actes préparatoires et la proclamation des résultats » sont du ressort du ministère de l’administration du territoire, alors que la Conel « organise les élections et en assure la transparence et la régularité ».

Le lapsus d’Alain Akouala est révélateur. Peut on raisonnablement dissocier l’organisation des votes aux actes préparatoires tels que définies par la loi ? Beaucoup d’observateurs pensent que les désordres que nous avons connus lors des scrutins de 2007 et 2008 sont du à cette mauvaise répartition des rôles. L’opposition pense que l’ensemble des opérations électorales devraient être confié à une seule structure et demande qu’elle soit indépendante du pouvoir politique.

L’indépendance de l’organe chargé d’organiser les élections :

Peut-on penser qu’une structure qui agit au nom de l’état et qui engage sa responsabilité soit indépendante ? D’ailleurs quelle signification juridique ce terme d’indépendance peut il avoir ?
C’est dans le droit français, dont le notre c’est très largement inspiré, que l’on retrouve, en droit administratif, des organes qui agissent au nom de l’état et engage sa responsabilité, mais qui sont juridiquement indépendant. Ce sont les Autorités Administratives Indépendantes (AAI)(voir encadré 2). Une AAI est indépendante soit sur la base des critères définis par le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française, soit parce que la loi ou les textes qui la régissent explicitent leur caractère indépendant.
Le rapport de l’Office parlementaire français d’évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes, par M. Patrice Gélard, Sénateur, Tome 1 affirme que bien qu’à l’intérieur de l’Etat "l’indépendance de l’autorité implique d’abord l’absence de toute tutelle ou pouvoir hiérarchique à son égard de la part du pouvoir exécutif. Une AAI ne reçoit ni ordre, ni instruction du Gouvernement". De plus cette indépendance se traduit notamment par l’adéquation de ses moyens avec ses missions et à l’attribution des ressources propres.

Au regard de ce qui précède, rien ne permet d’affirmer que la Conel est un organe indépendant, d’abords parce que nulle part la loi électorale de 2001 ne le précise, ensuite qu’aucune autorité juridique n’a rendu un avis pour dire qu’au regard d’un certain nombre d’élément qu’elle l’était et enfin, parce qu’elle ne dispose pas des moyens (juridique, matériel et financier) pour l’être, vis-à-vis du ministère de l’administration en particulier et de l’exécutif en générale.
L’indépendance, contrairement à ce qu’affirment les spécialistes du droit du pouvoir est tout sauf subjective, bien au contraire, et il va de soit que la question de la composition ou de la probité des personnes qui composent cette structure est secondaire, à partir du moment où elle a les moyens de faire son travail en toute indépendance. Il est, donc, faut de dire que la solution serait d’avoir une commission paritaire, plus souvent source de tension, en effet.

L’esprit de la loi, étant aussi important que la loi elle-même, arrêtons-nous un instant sur le pourquoi des AAI dans l’administration française. « Cette indépendance est voulue par l’État pour offrir une crédibilité et une légitimité à ces organismes évoluant dans des domaines sensibles ou soumis à des changements économiques et juridiques importants tels que les processus de déréglementation et d’ouverture à la concurrence ». La vraie question qui est jeu sur l’indépendance de la commission est une question de crédibilité et de légitimité. En l’état actuel de la loi, la conel n’a ni l’un, ni l’autre et par conséquent est incapable de garantir les missions qu’elle lui confère.

Les commissions d’organisation des élections locales sous l’autorité des préfets :

Dans une lettre circulaire adressée, entre autre, aux préfets et sous-préfets de la république Raymond Mboulou, ministre de l’administration du territoire écrit ce qui suis : « Il nous est revenu et de manière récurrente, que vous seriez impliqués dans la gestion directe ou indirecte des activités de certains partis politiques. Ces actions sont incompatibles avec les fonctions administratives qui sont les vôtres… » Inutile de préciser de quels partis politiques dont il s’agit. Le retour d’expérience du déroulement des élections dans notre pays met en lumière la partialité manifeste et active des représentants de l’état en faveur des partis de la majorité.

L’administration congolaise a, culturellement et structurellement, toujours été liée au pouvoir et ce, parce que les principaux responsables doivent leurs postes au pouvoir et sont conscient du fait que, si celui-ci venait à changer, ils perdraient leurs places, mais également parce que la plus part sont d’ancien membres du PCT, voir même pour certains, ont encore leur carte d’adhérant. La nomination des représentants de l’état se fait dans le même esprit, à l’instar des anciens hauts commissaires du gouvernement sous le mono, ils se considèrent comme des représentants du parti autant que ceux de l’état.

Dans la pratique, sait-on faire la différence dans notre pays entre le pouvoir et l’état ? Il suffit de voir le traitement de l’information dans les médias d’état ou de voir la manière dont ont été célébrées les obsèques de la fille du président de la république, qui n’a aucun rang protocolaire, pour affirmer que non.
En France ou aux Etats Unis ce sont les administrations qui, certes, organisent les élections. Mais, d’une part, elles ont fait la preuve de leur impartialité et d’autre part, en France, l’administration est encadrée dans ses missions, non pas par une, mais plusieurs AAI qui vielles sur la transparence et l’équité du différents scrutin. C’est loin d’être le cas chez nous.

En avril 2007, Nicolas Sarkosy arrive en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec plus de 31% des suffrages exprimés avant de remporter le vote deux semaines plus tard avec plus de 53%. Aucune voie ne s’est levé pour contester la victoire d’un homme qui, deux mois avant le premier tour du scrutin, était encore le chef de l’administration qui est chargée par loi de les organisés. Ailleurs, on aurait crié à la fraude ou à la manipulation des résultats. Pourquoi donc, aucun responsable politique français n’a contesté les résultats du vote ?
Parce qu’il existe en France, un processus électoral qui a fait ses preuves et que la loi offre toutes les garanties de transparence.

Le vrai enjeu pour le scrutin de cette année dans notre pays est là. En effet, si monsieur Sassou Nguesso remporte cette élection dès le premier tour, il ne faut que l’opposition ait des éléments pour contester ce résultat. Or, en l’état actuel, sans consensus sur le fichier électoral et sur l’organisation du scrutin, toutes les conditions dont réunis pour la contestation avec tout ce que cela implique comme risque pour la paix et la stabilité du pays.
L’actuel chef de l’état et sont camps ont donc, le choix de faire comme les Bouteflika, les Kibaki, les Moungabé et les Yar’Adu pour qui, l’essentiel est d’être élu ou réélu, peu importe la manière, ou de faire le choix des autorités ghanéennes qui ont choisie d’organiser un vote jugé crédible par l’ensemble de la communauté nationale et internationale quitte à prendre le risque de perdre le pouvoir. Le débat sur le respect de la constitution est un faux débat. Personne ne parlera en mal du Congo, si ses fils trouver un terrain d’entente pour organiser le vote, même-si cela leur coûtent de déroger un peu à leur loi. On ne peut en dire autant, si cette dernière est à la cause d’une crise politique ou même armée.

Quand à l’opposition, elle doit être cohérente jusqu’au bout. Qu’adviendra t il de ses multiples candidatures, si le pouvoir refusait de trouver un compromis ? Les candidats de l’opposition auront-ils le courage de se retirer du processus ou la tentation d’en découdre coûte que coûte avec le pouvoir sera-t-elle trop forte ?
Quand on considère que les règles d’une partie ne sont pas respectées et que les juges ne sont pas impartiaux, il faut avoir le courage de quitter le terrain. On ne peut pas aller jusqu’au bout, perdre et dire que les autres ont trichés. Personne ne nous prendra au sérieux.
En juillet, peut être, les uns et les autres devront prendre leurs responsabilités et faire un choix.


Nota 1

En France c’est le ministère de l’intérieur qui est chargé d’organiser les élections. Cependant, pour assurer l’équité et la transparence du scrutin plusieurs AAI ont été mise en place pour encadrer l’administration dans sa mission :
 Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCFP) : contrôle les dépenses de compagnes (Au Congo, les ministres utilisent impunément les moyens de l’état pour faire compagne pour le président sortant) et la clarification du financement de la vie politique ;
 Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : Veuillez entre autre, en temps électoral, à l’égale accès au média à tous les candidats ;
 Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République : L’état français est tenu d’apporter une aide à tous les candidats à la présidentielle. Cette commission est donc chargée de veiller à l’égalité de traitement entre tous les candidats ;
 Commission des sondages : Cette commission joue un rôle central dans le dispositif de régulation des sondages électoraux, qui comporte d’une part des dispositions applicables en toutes circonstances, et d’autre part des règles spéciales pour les périodes préélectorales.

Nota 2 :

Autorité Administrative Indépendante en France :

Dans le droit administratif français, il y a la notion d’Autorité Administratif Indépendante (AAI). Faute de définition précise, tout ce que j’ai pu lire sur le sujet, caractérise les AAI par trois critères :
 Autorité : principalement parce qu’elles peuvent prendre des décisions exécutoires ; ce qui les distingues des juridictions, dont les décisions ont l’autorité de la chose jugée et de l’administration consultative, ne donnant que des avis ;
 Administration : parce qu’elle agit au nom de l’état et ses décisions engage sa responsabilité ;
 Indépendance : Bien qu’à l’intérieur de l’État, "l’indépendance de l’autorité implique d’abord l’absence de toute tutelle ou pouvoir hiérarchique à son égard de la part du pouvoir exécutif. Une AAI ne reçoit ni ordre, ni instruction du Gouvernement".

Celle-ci est voulue par l’Etat pour offrir une crédibilité et une légitimité à ces organismes évoluant dans des domaines sensibles et s’étends sur deux plans :
1- Indépendance vis-à-vis du pouvoir politique ;
2- Indépendance vis-à-vis des acteurs ou des entreprises concernées.

Cette indépendance se traduit dans :
 la composition de l’autorité, généralement collégiale. Les membres bénéficiant en outre d’un mandat irrévocable ;
 par indépendance fonctionnelle qui tient davantage par l’adéquation des moyens de chaque autorité à ses missions qu’à l’attribution des ses ressources propres.


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