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Le Jésus business

Foisonnement, Complexité, Problématique et Spiritualité

Le business spirituel est l’une des composantes de la réalité contemporaine africaine. Elle est soutenue par l’usage des plus modernes méthodes marketing comme le prouvent la prolifération des radios et télévisions chrétiennes, qui matraquent à longueur de journées avec des émetteurs surpuissants, des spots et des messages vantant guérisons miracles, ascensions sociales fulgurantes, fécondités retrouvées... La religion devient désormais un fond de commerce.

Subtile insidieuse, sournoise, son efficacité ne fait aucun doute. On trouve dans ces groupes d’illuminés et de candidats au paradis, des femmes et des hommes issus de toutes les couches sociales. Cependant le don de Dieu n’est pas ex-nihilo, les cultes et les campagnes, véritables shows à l’américaine (sonorisations tonitruantes, animateurs, orchestres, gardes corps...) préparent psychologiquement les fidèles et les prédisposent à l’asservissement. « C’est par le poids de ton porte-monnaie que tu recevras » ; présentée comme une revendication de Dieu cette supercherie savamment orchestrée est la condition sine qua non pour obtenir la grâce divine. Preuve de la rentabilité de l’affaire : entre la République Démocratique du Congo et la république sœur du Congo Brazzaville, on dénombre dix fois plus de prophètes que depuis la création du monde et les lieux de culte y poussent ici et là comme des champignons.

Notre enquête dans la ville de Pointe-Noire a dénombré : 289 églises de réveil dans le seul arrondissement 4 de Loandjili, environ 300 églises de Réveil dans l’arrondissement 3 Tié-Tié. Récemment, le secrétaire général de l’arrondissement 2 Mvoumvou a dénoncé l’implantation de plus de 159 églises de réveil, dont plusieurs ne sont pas enregistrées aux services administratifs. Dans l’arrondissement 1 Lumumba il y aurait plus de 300 églises de réveil. Ce sont donc plus d’un millier établissements commercialisant l’évangile selon Saint N’importe qui, qui se partagent les subsides des âmes des quelques 800 000 ponténégrins.

Risible, ces hommes qui sortent de nulle part, illuminés puis prophètes, prêts à en découdre entre eux, aux fins de conquérir les fidèles. Ils escroquent sans vergogne les candidats au Paradis. L’ivraie est dans le grain...

La parole, celle par laquelle, avec laquelle, et en laquelle, toutes choses sont faites selon la bible fait des milliers de victimes, désintègre les familles. Les ménages n’hésitent pas à brader leurs rares biens pour satisfaire aux exigences de leur pasteur, berger ou prophète. Ainsi à Brazzaville des milliers de congolais se sont retrouvés abandonnés à l’aéroport de Maya Maya, sans titre de voyage pour un pèlerinage concocté par leur gourou qui avait joué les filles de l’air la veille, avec son butin.

Récemment à Pointe-Noire au quartier OCH : un couple de bonne foi, a hébergé un pasteur en détresse. Au bilan, madame a fait une fugue avec l’intrus non sans avoir bazardé les biens et vidé les comptes bancaires du couple. Au finish monsieur s’est suicidé.

En offrant au « fidèle » ce qu’il a envie d’entendre, même si pour cela il faut dépasser les limites de l’absurde, du ridicule et de l’hérésie, les faux prophètes s’assurent de leurs ouailles et de la rentabilité de celles-ci. Telle secte n’affirme t’elle pas, oubliant l’immatérialité de la divinité, que « Dieu est noir, Jésus est africain » , pourtant elle fait recette.

La spiritualité contemporaine nous adresse une triple interrogation : elle interroge d’abord l’intelligence, désireuse de comprendre les causes de tous les phénomènes qui affectent l’humanité. Elle interroge ensuite la conscience morale incertaine de ses jugements et des comportements à adopter. Elle interroge enfin la conscience religieuse obligée de concilier show-business et office.

La spiritualité africaine est complexe. A ce propos un adage populaire dit que : « le chrétien et le musulman prient à l’église ou à la mosquée avec un fétiche dans la poche. ». C’est évident, les religions monothéistes importées Islam(s) et christianisme(s) n’ont jamais brisé les ressorts de l’animisme, du paganisme, du fétichisme et de la sorcellerie.

Dans une société socialement et psychologiquement déchirée, et ballottée par la précarité, la pauvreté, le chômage... les églises révélées touchent la fibre sensible des fidèles dans une alchimie du rationnel et de l’irrationnel : l’espoir et l’illusion du miracle.

Daniel Lobé Diboto

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