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Le caporal Kakom Blood et le drame de Mpila

Le caporal-chef Kakom Blood : retenez ce nom. La Lettre du Continent (n° : 635 - 17 mai 2012) fait également référence à ce soldat, présent le 4 mars 2012 sur la scène du crime à Mpila.

"Le caporal Blood Kakome Kouvack, agent de la Direction centrale des armements et munitions (DCAM) doit répondre d"incendie involontaire, destruction de la propriété immobilière d’autrui et assassinat" lit-on dans la LC.

Le sang a coulé à cause de Blood. On peut dire ça comme ça. Mais la réalité est plus complexe.

De quoi s’agit-il ? Les faits, incroyables, sont à l’image du fonctionnement anarchique ou plutôt inexistant des Institutions de l’Etat congolais. Ahurissant.

A lire un document dont copie a été remise à notre rédaction, repris également par Médiapart :

« Ce matin-là, Kakom qui était sorti avec Gana pour ramener les 20 000 francs CFA de Issangou s’était acheté à manger et décide de se faire sa cuisine à domicile malgré le fait que le Capitaine Bouketomo, chef des magasins, lui avait déjà fait la remarque et que le S/C Ferret , son adjoint avait failli le gifler pour ce genre d’activité.
Il récupère donc son foyer à charbon et se cache pour pouvoir l’allumer.
Le foyer à charbon étant froid, il décide de le chauffer en le tournant d’une main et en tenant dans l’autre main une cigarette.
Dans ce mouvement tournant, le manche du foyer à charbon cède et le foyer cogne les grilles, le charbon ardent se propulse dans le magasin ; il comprend alors sa bêtise.
Il prend une direction pour sortir en cachette et croise une dame et prend la direction par laquelle Yengolo l’aperçoit et l’interpelle à propos du feu dans le magasin qui est derrière lui.
Il ne répond pas et prend la fuite.
 »

Jacque Landry, détective canadien, chargé de l’enquête ne dit pas autre chose dans son rapport :

« Quand le chargé d’équipe a crié au feu, personne n’a tenté de l’éteindre, Ils se sont plutôt enfuis.  »

Kakome Blood, qui a manifestement survécu aux explosions, l’avouera presque deux mois après à la commission et devant le procureur, au parquet en présence des vingt-trois prétendus suspects.

La suite est facilement imaginable :

« Le feu se répandra dans le magasin du fait de la présence des produits stockés par les sociétés civiles et de l’incapacité des personnels de l’éteindre par manque de dispositifs anti-incendie jusqu’à la 1ère déflagration qui surviendra, selon le personnel, presque vingt (20) minutes après le début de l’incendie.
L’immensité du volume des explosifs accumulés a produit la puissance qui tua les Congolais et détruit les biens meubles et immeubles.
 »

« Sociétés civiles ? » Oui, le régiment blindé, appelé désormais l’ECRAMMU, passait pour un site abritant « des milliers de tonnes d’explosifs militaires et civils d’ESCOM, SOCOFRAN, SGEC, et autres »
De la sous-location ou du squatt, appelez-ça comme comme vous voulez. Toutes les occasions sont bonnes pour ces requins de l’armée de se faire du blé, beaucoup de blé.

ECRAMMU était « un lieu sensible qui nécessitait une protection particulière idéale. »

Pourtant, ce site hautement dangereux, n’était soumis à aucune surveillance. On y jouait avec le feu ; au sens propre et au sens symbolique.

Jugez-en :

De la protection Humaine :

En principe sur ce type de site classé hyper dangereux, on devrait trouver :

1°- un personnel de garde :

« Un personnel de permanence et de garde disposé à des postes de sentinelles permettant une observation totale et sans angles morts de tout le site.
Un personnel entrainé à faire face à toutes les situations d’incendie pouvant surgir au niveau du site.
 »

2° - Un document d’alerte et de protection :

«  L’existence de documents écrits et de plans d’action du personnel en cas d’incendie ou de nécessité de protection ; (documents opératoires).
L’existence de documents d’alerte, de protection et de défense.
 »

Aussi incroyable que cela puisse paraître : « Toutes ces mesures de protection n’existaient pas. »

Pire. Sur cette zone explosive :

« Pas de protection extérieur convenable ;
pas de protection intérieure fiable des magasins ;
pas de protection anti-incendie, (ni de fortune, ni manuelle, ni automatique) ;
pas de système d’alarme, ni automatique, ni manuel, ni électrique, ni sonore ;
pas de plan d’action anti-incendie, pas de protection ;
Donc pas de personnel entrainé à agir selon des plans prévus et donc capable de réactions efficaces
. »

A ECRAMMU on écrasait toute règle sécuritaire de bon sens.

Personnel présent sur les lieux du drame

Avant les explosions, il y avait ce matin-là : « Ngouolali Missié (SIC), Officier de permanence ; Bouandzobo Abdul (SIC), Adjoint ; Issangou Mampassi (C.C) ; Manana Nkaya (Sgt) ; Yengolo Rochel (Sgt) de garde au site de l’intendance ; Tsoumou Charlie (Sgt) Cuisinier ; Souana André (Sgt) Cuisinier ; Mafoua Gladyss (C.C) Armurier ; Kakom Blood (C.C) Logé dans le site. »

Etaient-ils tous Téké ? Allez savoir.

Marcel Ntsourou

Mis à part le fait que le colonel Marcel Ntsourou ait « organisé dans la nuit du 03 au 04 mars son anniversaire sans inviter la nomenclature politique et militaire ; invité les membres de la tribu Téké ; prononcé un mot de circonstance sans référence au chef de la nomenclature ; remercié Milongo et Lissouba pour avoir intervenu dans sa carrière ; parlé dans ses conclusions sur l’expérience de sa vie sur les limites de la peur  »
quel rapport entre le bonhomme et la tragédie de Mpila ?

Selon les enquêteurs d’Emmanuel Yoka : « La plupart des personnels de service à l’ECRAMMU étaient de la tribu Téké... Donc si ce sont des Tékés, particulièrement s’ils sont de Lékana, ils ont agi à la demande du Colonel Marcel Ntsourou. »

Beau syllogisme.

« Ainsi, tous ont été torturés pour accuser Marcel Ntsourou, même ceux qui n’étaient pas de sa contrée »

« ...comme si le Colonel Marcel Ntsourou les avait recrutés et les avait affectés à l’ECRAMMU. »

Qu’il y ait majoritairement des Téké dans l’armée, notamment à L’ECRAMMU, n’est-ce pas dans l’ordre ethnique du recrutement selon le système Sassou-Nguesso ? Ntsourou paye le mercenariat auquel s’est toujours adonné le groupe téké dans la conquête militaire du pouvoir par Sassou. Est-ce là un crime par rapport aux explosions de Mpila ? Permettez qu’on en doute. Ce n’est pas parce que le mbochi est une espèce qui pullule dans l’espace des Grands Travaux qu’ont doit mettre Jean-Jacques Bouya en prison parce que le pont sur le Niari s’est effondré par la faute d’un chauffard originaire du bord de l’Alima !

On pourrait dire ça aussi : la punition n’est pas réservée aux seuls lampistes. Il ne reste pas moins que s’il faut établir la chaîne des responsabilités, il faut le faire rationnellement. Jean-Jacques Bouya ou le ministre de l’Aménagement du Territoire doit être tenu pour responsable si le pont sur l’embouchure du Kouilou venait à s’effondrer. Certains sophistes adorent jouer sur les notions de "responsable" et de "coupable".
Laurent Fabius dans la triste affaire du sang contaminé sauva sa peau grâce à ce jeu de mots.

Les vrais coupables

D’après le rapport, les noms des véritables coupables du drame du 4 mars 2012 sont :
« 1°- Commandant en chef et Ministre de la Défense Titulaire ;
2°- Ministre à la Présidence chargé de la Défense ;
3°- Chef d’Etat Major Général ;
4°- Directeur de la Sécurité Militaire ;
5°- Directeur Général des Equipements ;
6°- Directeur de l’Armement, inspecteur Général ;
7°- Chef de l’ECRAMMU ;
8°- Chef des Magasins ;
9°- Responsable de l’incendie involontaire ;
10°- Le Directeur d’ESCOM, Propriétaire des explosifs ;
11°- Le Directeur de SOCOFRAN, Propriétaire des explosifs ;
12°- Le Directeur de SGEC, Propriétaire des explosifs ;
13°- Les Directeurs des Autres entreprises, Propriétaires des explosifs ;
14°- Les Autorités ayant signé les contrats d’utilisation de l’ECRAMMU avec ces entreprises ;
15°- Tous ceux qui percevaient des fonds auprès de ces entreprises à cet effet
 »

Le sud fatigué

Kakom Kouvack Blood a la tête du parfait lampiste. Quant à Marcel Ntsourou on ne voit pas ce qu’il fout dans cette galère. Son tort c’est d’avoir envoyé une volée de bois vert à Sassou au cours d’une fête privée. En somme un crime de lèse-majesté. Un crime pour lequel 99 % de Congolais devraient être embastillés. Car chacun le pense de moins en moins tout bas, comme le montre la vidéo de Robert Poaty Pangou sur le site Zenga-Mambu, à propos de la partition du Congo sous prétexte que le peuple Kongo ne veut plus vivre l’explosion de la folie sassouiste. Il en appelle à un Etat fédéral.

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