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LIBRE OPINION

OPPOSITION CONGOLAISE : ENTRE ANGELISME ET AMATEURISME

Je me souviens encore de la nuit du 21 avril 2002 lors la déconfiture de la gauche française à l’élection
présidentielle qui amena pour la première fois le leader de l’extrême droite Française Monsieur Jean-Marie Le Pen au deuxième tour. Tous les analystes et politologues étaient unanimes pour dire que l’une
des causes de cette débâcle de la gauche, pourtant menée par l’excellent premier Ministre Lionel Jospin, était à trouver dans la multiplication des candidatures de gauche, multiplication ayant entraîné une évasion des voix. Le vote ne fut pas utile car les voix étaient données à des candidats qui de toute façon n’allaient pas l’emporter. En effet dans la cadre d’une élection à deux tours, le vote utile correspond à la tendance d’un électeur
à voter pour le candidat qu’il estime le moins loin de ses idées et qui a vraisemblablement plus de chances de passer au tour suivant. C’est ce que les analystes Américains appellent « the tactical voting ».

S’il est vrai que les blâmes à l’encontre des Taubira, Laguiller et l’extrême gauche ont parfois frisé le mauvais esprit et même à certain point une atteinte au droit de chacun de postuler à la magistrature suprême et de représenter toutes les idées même celles d’une minorité infime, il n’en demeure pas moins vrai que la real-politic et les enjeux ponctuels peuvent et doivent emmener certains leaders à faire taire leurs égos et se mettre en rang serré derrière celui qui peut porter très haut les idées communes
et mettre hors d’état de nuire l’adversaire commun.

Cet épisode de la politique Française, je le croyais naïvement, allait faire école dans mon pays. Mais
c’était méconnaitre les méfaits du soleil des tropiques sur la capacité analytique des politiques et
stratèges de l’opposition congolaise.

En juillet 2009, les congolais iront aux urnes pour l’élection présidentielle, la deuxième de l’ère après Juin 1997 et il n’est plus besoin d’épiloguer sur le caractère crucial de ce scrutin.
Je suis de ceux qui pensent qu’une énième victoire de Mr Sassou Nguesso est non seulement impossible vu l’état d’esprit, hostile, du Congo profond vis-à-vis du candidat Sassou, pire que ca, elle sera
périlleuse pour le Congo. La gestion des affaires publiques du régime de Mpila après 25 ans de règne sans partage est pour le moins qu’on puisse dire chaotique. Il suffit de visiter Brazzaville et Pointe-Noire pour se faire une idée de l’état de paupérisation, tous azimuts, de ce pays. Toutes les études et indices d’évaluation de niveau et condition de vie, de respect de droit de l’homme, de bonne gouvernance placent le Congo en queue du peloton.

L’instauration d’une vraie démocratie qui se traduirait par l’alternance politique est et demeure le préalable pour voir des avancées sociales, culturelles et économiques. C’est ce que d’ailleurs le professeur Anselme Mackoumbou-Nkouka, vice président de l’ARD a su bien expliquer dans la semaine Africaine : « Le pouvoir a oublié que le contexte de 2009 n’est pas celui de l’après guerre du 5 juin 1997. Un événement, d’une grande portée politique, a eu lieu, du 20 au 22 février 2009 : les états généraux de l’opposition congolaise. Cette opposition, que le pouvoir veut diaboliser, est une opposition responsable, structurée, dont l’objectif prioritaire est l’alternance démocratique. Cette alternance est une condition sine qua non, pour la survie du Congo. En effet, si le Congo continue à être géré tel qu’il l’est, actuellement, notre pays n’aura pas d’avenir. ».

Cependant, si tout le monde est d’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire le départ de Sassou et l’instauration d’une alternance démocratique au pouvoir, les dissensions apparaissent par contre sur les moyens ; pour faire simple, sur le choix de l’homme qui incarnerait cette dynamique qu’on pourrait appeler « tout sauf Sassou ». C’est sur ce point que nous estimons humblement qu’il faut relativiser la portée historique des états généraux de l’opposition congolaise du 20 au 22 février 2009 et dire non
sans risque d’être guillotiné que ce fut un non-événement.

L’opposition doit maintenant prendre une décision historique.

L’urgence aujourd’hui est de battre Sassou en Juillet 2009 et en l’état actuel des choses ce dernier serait entrain de gagner la bataille stratégique en alimentant une subtile distraction au sein de
l’opposition. Le problème n’est pas de se présenter rassemblés devant Mvouba à la concertation nationale mais de se présenter unis face au candidat Sassou.

L’opposition est aujourd’hui , à tort ,animée par le sentiment d’avoir accompli quelque chose de grand à travers les états généraux or nous savons tous que ces alliances made in Congo ne durent que le temps
d’un weekend comme dirait l’autre. Ne nous leurrons pas, arrêtons de rêver pas et soyons pragmatiques, l’histoire aujourd’hui demande à Dzon, Poungui et autres de s’accorder sur une candidature unique qui
scellerait une fois pour toute le sort du candidat Sassou. Car autant qu’il sera difficile voir impossible pour Sassou de gagner au premier et au deuxième tour, il sera d’autant plus difficile pour lui de justifier et d’expliquer sa victoire. De plus une candidature unique de l’opposition présagerait une défaite du candidat Sassou dès le premier tour.

La question a déjà été posé me diriez vous, mais a-t-elle été analysée en profondeur ?
A quelques semaines des élections, il est important que ceux de la diaspora, de la résistance, de
l’opposition, les intellectuels, les analystes et tous ceux qui veulent contribuer à la dynamique puissent
tirer la sonnette d’alarme face à l’angélisme de l’opposition et marteler sur la nécessité d’une
candidature unique. L’intérêt de la nation doit prévaloir sur nos fantasmes personnels car les réalités
sociopolitiques actuelles nous dictent et nous imposent une démarche différente et un esprit de
sacrifice que seul les hommes d’état détiennent ; nous disons homme d’état et non chef d’état.

Les méthodes élémentaires de management nous imposent de ne pas sous-estimer la concurrence et de
savoir ce que les adversaires projettent afin de les contrecarrer en anticipant leurs actes. Pas besoin
d’être un expert en stratégie politique pour savoir que Sassou va utiliser à coeur joie cette
fragmentation de l’opposition pour justifier de manière péremptoire sa victoire au premier tour. Sassou
Nguesso est qu’on ne le veuille ou pas un adversaire redoutable qui ne donnera pas le pouvoir sur un
plateau doré et qui capitalisera sans remord les failles et enfantillages de l’opposition.

Les leaders de l’opposition congolaise sont pour la plupart au seuil de la limite d’âge pour se présenter à
la magistrature suprême et beaucoup considèrent 2009 comme étant leur dernière chance de rentrer
dans le club très restreints des présidents congolais. Je dois leur dire aussi que Juillet 2009 risquerait
d’être la dernière occasion pour le Congo de changer la courbe de son histoire.

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