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L’Éditorial de Benda Bika

A regarder notre pays, l’impression qui se confirme est celle non pas d’un Congo, mais de plusieurs. Avec chacun sa logique de gouvernement ou d’opposition, les valeurs qu’il privilégie, ses bons et ses mauvais, sa vision du futur. Or à bien regarder ce Congo-là, on est désespéré de ne trouver aucune passerelle de communication, aucun leader qui veuille briser les barrières.

Je ne parle pas seulement de la guerre dans le Pool, qui se déroule alors que le reste du pays fait comme si rien n’était. Je ne parle pas non plus des raisons de cette guerre, que chacun trouve toujours en l’autre : les partisans de Sassou n’arrêtent pas de fulminer contre ce bandit de Ntumi qui a épuisé les talents de négociateurs du régime. Et ceux qui ne jurent que par Ntumi estiment son combat justifié par la monopolisation du pouvoir par les mêmes.

Entre ces deux, inutile de risquer, même innocemment, que le seul vrai martyr c’est le peuple. Les arguments des uns et des autres sont massifs. Ils balayent du plat de la main les morts inutiles et les rangent dans l’armoire des dégâts collatéraux. Foin de chichi : une guerre, ça se gagne ou ça se perd, disent-ils. Et ils foncent. Contre nous !

Non, la division du Congo me paraît plus évidente au travers de réalités plus prosaïques.

Savez-vous que les Congolais de Brazzaville et ceux de Pointe-Noire ne regardent pas les mêmes chaînes de télévision ? Qu’à Brazzaville même, seuls quelques fanatiques restent scotchés sur TV-Congo, lorsque le reste a les yeux tournés vers Kinshasa ? Que les deux radios : Radio Congo et Radio Liberté, sont vues comme antagonistes l’une de l’autre, alors qu’elles relèvent de la même logique partisane ? Que RFI est vue comme la radio de la vérité chez les autres, et comme la voix de la propagande française chez les autres ?

Quel pays construisons-nous qui n’a pas de sa propre réalité une même relation ?

Paix et réconciliation auront leurs partisans, mais quel sens mettrons-nous aux mots ? Les démarcations des esprits, depuis les guerres, se sont renforcées. Brazzaville-Sud ignore Brazzaville-nord ; Brazzaville ignore Pointe-Noire ; les villes ignorent les campagnes. Et nous sommes tous Congolais !

Il ne s’agit pas ici du seul mépris, un peu folklorique, des « modernes » par rapport aux péquenots ; ce mépris-là on le retrouve partout dans le monde. Il s’agit du mépris qui confine à l’ignorance des réalités des uns et des autres. Et qui fonde tous les préjugés. Quant à donner aux faits une interprétations, les intelligences les plus éclatantes deviennent des talibans indécrottables ! Alors, telles pour les séries télé dont nos miliciens ont ravi les noms, chacun a ses vedettes et ses têtes de turc.

Ce n’est pas la confrontation qui inquiète, c’est l’étanchéité. Nous construisons des Congos hermétiques, où il ne fait bon ni d’épouser au-delà de son ethnie, ni de prôner la paix « neutre », ni d’être évangélisateur. Ces choses varient suivant l’humeur et les quartiers. Le Congo d’aujourd’hui se respire par les pieds. Pour être propres, il faut marcher et s’essuyer les godasses sur les autres. Triste.

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