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Peut-on annuler la dette des pays pauvres en gardant leurs dictateurs ?

Qui se voit annuler ses dettes s’enrichit

Annuler la dette des pays africains sans mettre hors d’état de nuire ceux qui contractent ces dettes semble une plaisanterie. Remettre les dettes des pays pauvres c’est enrichir leurs dirigeants corrompus jusqu’à la moelle et n’ayant jamais envisagé un seul plan de développement.

200.000 PERSONNES A EDIMBOURG POUR FAIRE PRESSION SUR LE G8

Selon l’agence Reuter « une marée humaine de 200.000 manifestants vêtus de blanc a défilé samedi (2 juillet 2005) dans les rues d’Edimbourg »

Cette foule immense voulait « faire pression sur les dirigeants des huit pays les plus industrialisés du monde, à quatre jours du sommet du G8 prévu à Gleneagles en Ecosse. » Les revendication de cette vaste assemblée : « annuler la dette des pays pauvres, notamment africains, doubler l’aide au développement et ouvrir un accès plus large aux marchés occidentaux. »

Ce défilé qui est « l’un des plus importants défilés jamais tenus dans l’histoire de l’Ecosse » est une bonne chose. Sauf qu’annuler la dette des pays du tiers monde tout en maintenant à la tête de ces pays les hommes à cause desquels les Africains sont lourdement endettés ressemble à un coup d’épée dans l’eau.

N’est-il pas ahurissant d’apprendre que la plupart des dirigeants de ces pays très endettés brassent des fortunes colossales, que le retour de ces fortunes dans les Trésors Publics africains resoudrait nombre de problèmes de développement, que les membres de leurs familles biologiques gèrent des comptes bancaires à n’en plus finir, investissent dans l’immobilier en Occident (cas de Willy Nguesso, neveu de Sassou). Curieusement les experts du G8 le savent. Ils le savent mais ne continuent pas moins de ne pas tenir compte de cette capitale dimension lorsqu’ils posent la problématique de l’annulation de la dette.

C’est à se demander si sauver les Africains de la pauvreté relève d’une hypothèse sincère des dirigeants des pays les plus riches de la planète !

CES DRÔLES DE MUSICIENS APOLITIQUES AFRICAINS

La manif a mobilisé aussi bien les militants ordinaires des causes ties-mondistes que les personnalités connues du show biz. On a vu à l’affiche des stars du rock dont les « revendications sont les mêmes ». Elles l’ont fait savoir par une série de dix concerts dites du « du Live 8 : ».

Ce n’est pas demain la veille qu’on verra les Koffi Olomidé, Werason et Papa Wémba (ces griots des régimes africains, notamment congolais) s’engager corps et âme en faveur de leurs compatriotes brimés par les furieux despotes qui nous dirigent.

Quand donc nos stars de la musique, quand donc nos écrivains auront cette prise de conscience du cardinal Keith O’Brien, primat de l’Eglise catholique écossaise : « Notre voix porte aujourd’hui un appel légitime à nos dirigeants élus, de la part des millions de personnes qui ne peuvent pas se faire entendre » afin d’éviter que « l’extrême pauvreté continue à tuer 30.000 enfants par jour »

Il faudra que nos musiciens prennent également conscience que « La pauvreté est un péché et il est mal qu’autant de gens possèdent si peu » comme l’explique un habitant d’Edimbourg présent au défilé.

Cette réflexion a-t-elle jamais effleuré Koffi Olomidé quand il se ballade en Jaguar dans les "favelas" de Kinshasa ou quand il croise ces milliers de "chégué" (enfants des rues) dont on lit la misère du monde dans le regard et qui, en ce moment sont en train de tomber comme des mouches sous les balles de Joseph Kabila, un autre milliardaire à la tête d’un pays extrêmement pauvre ?

Comment se fait-il que nos artistes (en dehors de Youssou N’dour, visible au concert) n’ont pas cette conscience politique affichée par leurs homologues européens, chantant pour les enfants éthiopiens ou donnant des concerts pour réclamer la libération de Mandéla ?

Tout se passe comme si l’engagement politique des artistes est fonction de l’aire culturelle. Il faut monter en Afrique de l’Ouest (Alpha Blondy, Ticken Ja Fakoli, Féla Anikulapo..) pour trouver des artistes qui s’en prennent clairement aux systèmes politiques corrompus de note continent. Quand on descend en Afrique Centrale, le niveau de la critique politique baisse. Kofi Olomidé (faisant le griot à Oyo chez Sassou) est sans doute le plus inquiétant de nos musiciens.

Chez nous au Congo-Brazzaville, ce n’est pas mieux. Telle célèbre chorale congolaise de Paris, par exemple, se déroba quand il fut question de chanter pour le repos des âmes des Disparus du Beach, de peur de subir les représailles du régime de Mpila.

N’est pas Sony Labou Tan’si qui veut. On se souvient que cet écrivain, au péril de sa vie, n’eut pas de mots assez durs pour fustiger la folie meurtrière de Lissouba et le système de corruption que le « professeur » mit en place pour sa mouvance.

DE RICHES CHEFS D’ETAT A LA TËTE DE PAYS PAUVRES

Allez donc expliquer aux Sassou, Bongo et Biya que "Dieu a prévu que la Terre et tout ce qu’elle contient soient utilisés par tous les peuples du monde" comme le dit Benoît XVI qui, décidément, est un Pape qui me plaît. Le Souverain Pontife a, en effet, soutenu et béni la manif d’Edimburg, chose dont ne se préoccupait nullement son prédécesseur, Jean-Paul II.

C’est vraiment un réel plaisir d’entre le représentant de tous les Catholiques dire que « les populations des pays les plus riches du monde (...) devraient exhorter leurs dirigeants à honorer la promesse qu’ils ont faite de réduire la pauvreté, notamment en Afrique, d’ici 2015 »

Seulement, c’est gentil de réclamer l’annulation de la dette, mais comment y parvenir quand, comme l’ont évoqué certains experts de l’aide au développement, il existe des « difficultés que pourrait poser un afflux massif d’argent vers les gouvernements africains, soupçonnés de corruption et d’irresponsabilité financière. »

UNE PASSE EN OR

En définitive, l’annulation de la dette serait une aubaine pour les Sassou, Bongo, Biya, Kabila, Do Santos, une passe en or pour redynamiser leur kleptomanie. Rien de tel qu’une remise de nos créances pour des gens, qui n’ont comme projet de développement qu’organiser de coûteuses courses maritimes pour, dit-on, « redorer l’image du Congo » ou faire d’onéreuses fêtes tournantes pour célébrer l’indépendance.

Si le G8 veut vraiment rendre service aux Africains, qu’il leur débarrasse d’abord de leurs dirigeants, au cas contraire ça serait simplement agir sur les effets au lieu d’attaquer les causes de l’endettement.

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