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Pilleurs

- L’Editorial de Benda Bika -

On discutera longtemps de l’utilité de nos forces armées. Dans nos pays, où trouver un cachet d’aspirine gratuit dans un dispensaire relève du miracle, s’offrir des avions sophistiqués, des hélicoptères hyper-équipés, des tanks tout confort et des fusils mitrailleurs à l’avenant tout en payant leurs servants attitrés ne sont pas un luxe. C’est de l’inconscience à l’état pur. Je repose la question de l’utilité de nos armées.

Car un pays comme le Costa-Rica qui n’en a pas, ne souffre d’aucune déstabilisation reconnue.

L’inutilité de l’armée est d’autant plus criarde que sa réputation, au Congo, a toujours été maculée du sang des nôtres. Pour aligner les pelotons d’exécution, traîner les corps des suppliciés derrière des chars, brutaliser les pauvres hères, bastonner des retraités, elle a toujours su faire preuve de talent. Tout comme pour renverser les régimes ou embastiller les opposants.

Il y a de la caricature dans tout cela, je sais. Il est des armées qui ne sont pas commises à ces taches. Tout simplement parce que la demande n’existe pas, c’est vrai. Mais il reste que, fondamentalement, l’armée dans sa nature propre est d’abord une machine à tuer. Tuer pour attaquer ou tuer pour défendre : c’est toujours de la mort. Les victimes ne nous diront jamais la différence…

Ces jours derniers, notre armée a ajouté une spécialité à sa panoplie : les pillages. A la faveur de ce que les autorités ont présenté comme une opération de simple police, le 9 avril dernier à Makélékélé et à Bacongo, des membres de notre armée « nationale » n’ont pas demandé les clés : ils ont défoncé les cahutes de notre pauvre peuple. Et ils se sont servis, comme au bon vieux temps du « mbeba ». A des Congolais qui émergent à peine des trois autres guerres, ils ont ajouté le chagrin du dénuement brutal.

Brazzaville affirme que 13 d’entre eux, identifiés, viennent d’être radiés des rangs de l’armée. Bien. Mais ce n’est là que calmer l’écume et cacher le fonds. Car le pillage est entré dans les mœurs de tout homme en arme. Voler et violer : des « opposants » en armes et des soldats de « l’armée régulière », tout comme les corps expéditionnaires étrangers, notamment angolais, tout le monde l’a fait et continue de le faire. Au Congo.

Châtier 13 lampistes n’est qu’un début. C’est le phénomène tout entier et cette culture de la dépossession violente qu’il faut éradiquer. Mardi 09 avril, à Bacongo, des soldats ont ravi tous les téléphones portables à portée de la main sous prétexte qu’ils servaient à « renseigner l’ennemi » ! Des frigos ont été emportés, des lits démontés, des habits subtilisés. L’honneur n’est plus militaire ni l’indignation une vertu.

Cette semaine, c’étaient au tour des miliciens de Ntumi d’entrer en action à Kindamba. Ils ont brutalisé un missionnaire, le Père Jean Guth, fait descendre les gens qu’il transportait, et ravi sa Jeep. Un Pasteur, donc homme de Dieu, brutalisant un autre homme de Dieu, il n’y a que Dieu qui s’y reconnaît décidément !

La démocratie que nous bâtissons au Congo se rejoint dans la nullité en tout. Car aussi bien ceux qui attaquent que ceux qui défendent se rejoignent dans une même culture de pillage. Le tout sur le dos de leur propre peuple.

Benda Bika

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