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Rapport accablant de la FECODHO sur la situation des droits de l’homme au Congo

Source LE DEFI AFRICAIN N°078 du 16/12/2003

La communauté internationale a célébré le 10 décembre 2003, le 55ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ; document de base de la justice internationale adopté le 10 décembre 1948 par les Nations Unies. Au Congo, l’évènement a donné lieu à un séminaire de formation à l’intention des journalistes ; séminaire organisé du 09 au 10 décembre 2003 par l’Association Panafricaine Thomas Sankara au Centre des Droits de l’Homme. Occasion pour les ONG des droits de l’homme réunies au sein de la fédération congolaise des droits de l’homme de rendre public leur rapport sur la situation des droits de l’homme au Congo. D’une manière générale ; 1a situation des droits de l’homme ne prête pas à l’euphorie, en dépit de quelques avancées signalées dans certains domaines. Voici les morceaux choisis de ce rapport.

Sur la liberté de la presse

La presse écrite privée connaît un développement sans précédent. Elle s’exprime librement et sans entrave majeure. Par contre du côté de la presse publique, le décor n’est en partie pas le même ; notamment dans le cadre du libre exercice du métier. Beaucoup de journalistes interrogés se plaignent des pressions politiques dans le traitement de l’information. A titre d’illustration, une émission récente à la Radio Congo dénommée « Espace démocratie » dont la première et l’unique diffusion a eu lieu le 28 septembre 2003 de 9h 00 à 9h45mn, a été suspendue de la grille des programmes. Les leaders de l’opposition de façon unanime déplorent la confiscation et la manipulation des médias d’Etat.

En ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens

La Fédération Congolaise des Droits de l’homme note que la pratique subie par les citoyens congolais est regrettable, aussi bien dans l’axe nord que l’axe sud du pays. Tous ceux qui, pour des raisons diverses, sont appelés à se déplacer d’une localité à l’autre, à l’intérieur du pays, sont confrontés à des tracasseries de toutes sortes. Tracasseries occasionnées par l’existence d’innombrables barrières dits « bouchons » entretenues par les éléments de la force publique les quels contrôlent véhicules des commerçants, vélos, brouettes, allant jusqu’à se livrer aux actes de brigandage. Toute personne dépourvue de carte nationale d’identité est obligée de payer des amendes illicites oscillant entre 500 à 2000f pour les passagers et de 5 à 10.000 f pour les transporteurs, alors que ce document n’est plus délivré depuis plus d’une décennie.

La pratique de la torture

Une triste réalité indique la Fédération congolaise des Droits de l’Homme. Les résultats des enquêtes menées en 2001 et 2002 par l’Association Panafricaine Thomas Sankara et en 2003 par La FEDHOCO ainsi que de nombreux témoignages révèlent que la torture est presque systématique en République du Congo. La FEDHOCO et le Centre des droits de l’homme affirment avec regret et indignation que la torture au Congo est pratiquée en toute impunité, notamment par les services de sécurité, qui utilisent entre autres comme méthodes : le passage à tabac, la flagellation, la bastonnade, l’immersion, la suspension par les poignets, la suffocation, La soumission aux électrochocs,1e viol... Rendant public ce rapport Céphas Germain Ewangui, Président de l’ APTS et de la FECODHO relève d’ailleurs que « la pratique de la torture, strictement interdite dans la constitution, dans la déclaration universelle des droits de l’homme et autres instruments juridiques internationaux, est presque banalisée dans notre pays où les tortionnaires ont encore des beaux jours devant eux pour continuer à mettre en oeuvre cette pratique inhumaine et macabre »

Des conditions de détention : un cauchemar

Constat amer des ONG des droits de I’homme dans leur rapport. Sur onze maisons d’arrêt identifiées, à peine quatre sont en état de « fonctionnement » et deux seulement répondent aux normes ; celle de Pointe-Noire construite en1931 et celle de Brazzaville en 1940. De l’ère coloniale à ce jour, le régime pénitentiaire n’a jamais été actualisé. L’administration pénitentiaire est dépourvue de « répondant » dans les départements ; les deux vieilles maisons d’arrêt sont en constant état de détérioration. Courant septembre 2003, celle de Pointe-Noire n’était toujours pas fonctionnelle et celle de Brazzaville compte huit cellules fermées. Ce qui conduit les responsables de cet établissement à confiner les prisonniers. Quant à l’alimentation, c’est aussi un scandale, car selon les résultats de l’enquête, l’administration pénitentiaire congolaise est dépourvue de budget de fonctionnement. Les prisonniers sont condamnés à un repas déséquilibré par jour obtenu souvent au prix de plusieurs « acrobaties ».

Bref, il n’existe à ce jour aucune politique carcérale. Les maisons d’arrêt ne le sont que de nom, et rares sont les spécialistes qui y travaillent.

Des libertés politiques

Approches différentes entre le pouvoir et l’opposition. Si les leaders politiques proches du pouvoir affirment que les libertés politiques au Congo ne souffrent d’aucune entrave, ceux de l’opposition par contre déplorent les entraves dont sont victimes les partis telle RDD, dans le département de la Cuvette. A cela s’ajoute le non respect de l’article 54 de la constitution du 20 janvier 2002 sur le financement des partis politiques, faute de loi d’application

Des droits économiques et sociaux,

Triste tableau et dans tous les domaines. Du droits à la santé, le tau de mortalité maternelle est actuellement estimé à 890 pour 100 000 naissances vivantes, ce qui place le Congo parmi les derniers pays au monde en ce domaine ; le ratio personnel de santé/habitant en 2000 était de : 1 médecin pour 6020 habitants ; 1 infirmier pour 2473 habitants ; 1 sage-femme pour 6923 habitants. Sur 12.832 agents en 1985, 1e ministère de la santé ne compte en 2003 que 3922 agents pour toute la république. De l’accès à l’eau potable, seulement 14% de la population en zone rurale et 59% en zone urbaine ont accès à l’eau potable.

Du droit à l’éducation,

Les conditions matérielles sont scandaleuses : 100 à 150 élèves et parfois plus, confinés dans une salle de classe et assis à même le sol dans des conditions d’hygiène méprisante. Des districts entiers parfois sans enseignants ou un seul pour tout un cycle scolaire...

En ce qui concerne la justice

Les ONG des droits de l’homme reconnaissent que la justice congolaise a été une grande victime des conflits armés, car plusieurs de ses édifices ont été détruits, t notamment les archives judiciaires. Cependant, le déficit en personnel est très important- Sur un besoin estimé à 450 magistrats, on ne compte que 229, On note également le manque de locaux, de costumes d’audiences, des ressources financières…
De la corruption

Les enquêtes révèlent que parmi les huit administrations publiques du pays, les régies financières et la Justice occupent malheureusement le peloton de tête alors qu’elles disposent d’un statut favorable.

L’impunité : une entrave majeure au respect des droits de l’homme au congo.

Bon nombre de citoyens se retrouvent comme étant au-dessus des lois de la république et de ce fait, multiplient et aggravent au jour le jour toutes les formes de déviances sociales. Le Congo avance désormais à grand pas vers la consécration de la culture de l’impunité qui, d’une part, entraîne l’insécurité juridique des populations, et d’autre part, engendre des crimes économiques et sociaux qui désarticulent les programmes de développement et empêchent par voie de conséquence, les populations à accéder .à la jouissance pleine et entière des droits de l’homme.

Au regard de cette situation combien catastrophique, la fédération congolaise des droits de l’homme recommande, entre autres, au gouvernement de : prendre des dispositions utiles pour régir le régime juridique de la torture et traduire en justice tous les présumés tortionnaires ; garantir une réelle indépendance de la justice ; renforcer les capacités institutionnelles de la direction générale de l’administration pénitentiaire ; garantir davantage la liberté de l’information et de la communication, notamment en assurant l’équité dans l’accès des acteurs politiques dans les médias d’Etat ; réhabiliter l’imprimerie nationale ; garantir les meilleures conditions de travail et d’apprentissage pour les enseignants et les élèves et assurer l’accessibilité de tous les enfants à l’enseignement fondamental sur l’ensemble du territoire national

A l’endroit des ONG et associations

Contribuer à l’amélioration des conditions de vie en milieu carcéral ; développer toutes formes d’action susceptible d’aider les victimes de 1a torture à traduire les tortionnaires devant la justice et obtenir réparation .

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