Certes, vous avez beaucoup de livres à lire. Certes, il vous faut opérer un choix - n’allons pas jusqu’à dire "cornélien", mais il vous faudra choisir quoi qu’il en soit. Toutefois, dans cette rentrée littéraire 2006 qui, selon les estimations de l’hebdomadaire professionnel Livres Hebdo, compte 683 romans, il ne faudra surtout pas faire l’impasse sur le livre de ma consoeur Catherine Dana (photo), Première suée de sel, roman paru aux éditions Fayard et qui est déjà en librairie depuis le 16 août. Catherine Dana, qui vit à Paris, est née à Nice et a fait des études de lettres à l’université de Yale aux Etats-Unis. Elle a enseigné en France et en Suisse. Son premier roman, En attendant l’Amérique, paru chez Maurice Nadeau - un éditeur exigeant et au goût très reconnu sur la place parisienne - nous relatait les aventures d’une Européenne immigrée aux Etats-Unis et portait plus qu’un regard neuf qui nous changeait des récits d’auteurs américains que nous lisons d’ordinaire. Voyageuse, elle était alors la Kerouac des lettres françaises...
Avec ce deuxième roman, Première suée de sel, Catherine Dana poursuit son "voyage" et nous montre son ouverture au monde. Vous retrouverez le face à face de deux parsonnages "haut en couleurs" : Sekou est Africain, noir, musulman et mathématicien. Vaste programe, non ? Gabrielle, quant à elle, est blanche, juive et "littéraire".
Rien de grave en somme ? Attendez, n’allons pas vite en besogne en pensant que nous avons là les ingrédients traditionnels des romans de gare ou une nouvelle version de Sang d’Afrique de Guy des Cars. Ici il y a l’écriture, la sensibilité, le regard d’un écrivain qui sait que chaque mot peut décider du sort d’une rencontre. Gabrielle va-t-elle aller jusqu’au bout de cette union qui semble voué à l’échec et dont les parents respectifs des amants opposent plus qu’un droit de veto ? Peut-on aimer lorsque deux convictions religieuses nous opposent ? Peut-on dire non à une union parce que l’autre est musulman - ou simplement Noir et qu’on n’ose le dire, préférant arguer hypocritement l’opposition plus générale de "musulman" ? En tout cas, les deux amants veulent aller jusqu’au bout, persuadés qu’ils sont et seront toujours "les premiers amants du monde".
Bonnes feuilles de Permière suée de sel (Fayard, 2006)
Page 281-282 :
Chère Gabrielle,
Laissez-nous nous présenter. Nous sommes le papa et la maman de Sekou. Sékou nous a parlé de votre projet de se marier avec notre fils. Avant toute chose, nous vous transmettons nos sincères salutations. Notre fils Sekou nous a fait part de son intention de prendre une femme "blanche" pour épouse et nous n’avons pas besoin de vous traduire à vous notre indignation car cette femme "blanche" c’est vous. Nous vous informons, comme notre fils Sekou le sait déjà, que de toute notre lignée, de tous nos ancêtres, personne n’a jamais épousé de femme blanche. Nous avons déjà eu des entretiens avec notre fils et donc il connaît notre position par rapport à ce projet. Nous nous adressons donc à vous pour que vous sachiez que vous ne serez jamais acceptée et considérée comme notre bru. Si vous vous mariez Sekou et vous, Sekou sera banni à jamais de notre famille. Nous le renierons pour toujours. Croyez-vous que c’est bien pour des gens de se marier sans l’accord de leurs parents respectifs ? Nous ne pensons pas que chez vous, en Europe, cela se fait. Nous vous demandons donc de considérer notre lettre avec le plus grand sérieux et de laisser tomber notre fils afin de ne pas le laisser se faire bannir à jamais de toute sa famille entière.
Les parents de Sekou.
Page 283 :
La réaction des parents de Gabrielle est plus courte : "Cet homme, il s’est complètement foutu de toi, il a profité de ton appartement, il t’a pompé ton argent, il a même couché avec toi."
