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Rétablir l’ordre

- L’Editorial de Benda Bika –

Après l’attaque d’un convoi ferroviaire à Kingoyi et attribuée aux miliciens Ninjas de Ntumi, le gouvernement parle de rétablir l’ordre dans le Pool. « Rétablir l’ordre », voilà des paroles qui n’annoncent rien de bon. Et je sais des voix qui vont s’élever pour bientôt crier à la persécution. Le Pool a une telle propension au martyre !

Pourtant, regardons les choses bien en face. Le Congo s’achemine vers un apaisement que nous pouvons constater tous. Des accords de paix ont été signés. Des commissions de réconciliation mises en place. Un Dialogue national engagé. Tout cela visait une plus grande affirmation de ce que nous souhaitons tous : un Congo tranquille où l’on peut circuler sans entraves.

Je ne reviens pas sur l’aspect, certes important, du bâclage de ces étapes. Sur les récriminations souvent justifiées qui voudraient que les accords et les commissions soient l’émanation, non du pouvoir vainqueur, mais d’une concertation vraie. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Quand on se noie, peu importe la branche qui sauve : un palétuvier vermoulu ou un olivier centenaire.

Et puis, souligne Berthène Juminer, dialoguer suppose les conditions d’un dialogue…

Le Pool donc, si prompt à crier au loup, n’a pas pu – pas su – extirper de ses flancs cet irrédentisme de Ntumi et sa horde de Nsilulu, malgré la volonté exprimée. Depuis novembre dernier, mois de l’assassinat à Kimba d’un haut fonctionnaire, les miliciens du supposé Pasteur écument les villages et font régner leur loi. A partir de quand donc une mauvaise paix devient-elle bonne ?

Cette interrogation en appelle une autre, tout aussi brutale. Elle agita d’ailleurs en son temps notre forum, dégageant des pro et des anti farouches : pour quelle cause lutte le Pasteur Ntumi ? Quelle idéologie poursuit-il, si d’un côté il est engraissé par l’argent de Sassou et de l’autre, terrorise les populations d’un triangle compris entre Vinza, Mindouli et Mayama ? A partir de quand lutte-t-il pour un peuple ?

En Angola, Savimbi a eu le mérite de la durée. Car la durée peut transformer les impulsions en cohérence d’action. En outre, l’homme avait marqué de son empreinte la lutte contre le colon portugais. Qu’il ait fini en brigand est un avatar de l’Histoire. Mais Ntumi « a commencé » en brigand !

Aussi, sans penser que le pouvoir de Brazzaville profitera de cette opportunité, pour de nouveau mettre une région dévastée à feu et à sang, il faut quand-même reconnaître que le cas Ntumi appelle une réponse. Et puisque la question a été brutale, ne nous couvrons pas de pieux humanisme pour critiquer la réponse de même nature. Ntumi est devenu hors-la-loi – la loi qu’il a signée (il avait envoyé ses partisans au Dialogue national) !

Son cas repose le problème d’ensemble de notre paix. Qui la fera, et pour qui ? car un pouvoir central, même mal élu, a des obligations. Penser que les intouchables ramèneront la démocratie, c’est continuer de mourir n’importe comment, en espérant que les chefs savent ce qu’ils font. Je n’ai pas envie de mourir rassuré par la sagesse d’un chef. Car il n’y a pas de chef dans un cercueil.

Benda Bika

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