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Sassou boudé par Paris

Déni du pouvoir de Denis en Hexagone ? Le week-end dernier, Sassou voulait passer par Paris avant de se rendre au Sommet de Rio+20. Les autorités françaises ont refusé. Il n’était pas le bienvenu dans la capitale française. Sassou a rouspété. Il a pris directement l’avion de Rio. De toute façon, Rio étant plus proche de Brazza que de Paris, cette déconfiture lui aura, au moins écourté la durée du voyage.

MOI PRESIDENT ...

Et pourtant Hollande n’est pas du genre à te retirer malicieusement la chaise sous le postérieur après t’avoir invité de t’asseoir. A l’image des mauvais plaisantins. Le nouveau locataire de l’Elysée était très limpide dans son discours préélectoral du Bourget. Dans la série des anaphores qu’il asséna à Sarkozy au cours du débat entre les deux tours celle-ci pouvait aussi y figurer : « Moi Président, les acteurs du réseau FRANCAFRIQUE allaient devoir marcher avec des grains de sable dans les chaussettes. »

De toute façon, si nos chefs d’Etat africains savaient écouter les messages, Sassou ne se serait pas retrouvé, ce coup-ci, le cul par terre, buvant la tasse amère de l’humiliation, ruminant une colère noire, et claudiquant dans ses Weston en croco.

Cependant, le refus du nouveau Pouvoir français peut choquer les âmes sensibles de la morale car, on se souvient (voir notre article) que Sassou congratula copieusement François Hollande dès sa victoire. Mais tout le monde compris que le bravo de l’homme de Mpila évoquait l’image d’un « droitier écrivant de la main gauche » Ca sentait « L’opportuniste » de Jacques Dutronc.

Le colonel Théophile

La potion est d’autant plus amère que, quelques semaines plus tôt, le Président congolais avait dépêché à Paris Théophile Elobakima, colonel de police à la retraite, conseiller officieux à la présidence, ancien directeur départemental pendant dix ans de la police à Pointe-Noire, cumulant sécurité publique et DST.

Elobakima était venu à Paris pour calmer les éventuelles ardeurs du nouveau gouvernement sur l’affaire dite des Disparus du Beach. Là aussi, échec et mat.

Comment peut-on envoyer un policier faire du lobbying à la place d’un homme politique ou d’un vrai lobbyste ? C’est dire l’état psychologique dans lequel se trouve Sassou.

Pour rattraper le coup, Jean-Paul Pigasse en était réduit à faire le travail de couloir auprès de Christiane Taubira, Garde des Sceaux (Cf. La Lettre du Continent).
Là encore, raté, puisque l’affaire des Disparus du Beach a été délocalisée de Meaux vers Paris (cf. notre dernier article)

Les amis de mes ennemis

On peut se demander pourquoi Sassou a voulu faire l’escale parisienne avant de se rendre au Brésil.

Deux hypothèses à ce sujet : soit il a cherché à venir nouer des relations d’amitié avec le vainqueur de son ami Sarkozy, soit il a voulu venir s’imprégner de ce qui se passe dans la Grande Loge Nationale de France. Les Maçons de cette obédience tiennent, en effet, leur assemblée générale ce 23 juin 2012 avec élection d’un nouveau Grand Maître. Le candidat sortant, François Stifani, se trouve dans la tourmente d’un scandale immobilier. Assis sur une chaise éjectable, François Stifani a besoin du soutien des frères africains, notamment Denis Sassou-Nguesso et Ali Bongo.

Malheureusement François Hollande a refusé de dérouler le tapis rouge au chef de l’Etat congolais. Le Président français promit d’autant plus mettre de l’ordre dans la « françafrique » que Denis Sassou-Nguesso est soupçonné d’être parmi les Présidents africains ayant financé la campagne de Nicolas Sarkozy. Ce dernier a été battu. En voyant Sassou, François Hollande qui n’est pas dupe a dû appliquer l’adage : « arrête de changer de fusil d’épaule, tu risques de me tirer dessus. » ou encore « Ceux qui jurent par mes ennemis sont mes ennemis jurés. »

Persona non grata

Voilà Denis Sassou-Nguesso déclaré « persona non grata » à Paris, ville où il possède pourtant de nombreux biens immobiliers, des biens, comme on s’en doute, acquis à la « sueur de son front  » !

François Hollande qui connaît sûrement aussi cet autre adage « on attrape une arrête dans la gorge quand on mange les restes d’un copieux repas » a déjà boudé le prochain sommet de la francophonie qui aura lieu prochainement à Kinshasa. Ce rituel politique initié depuis Giscard d’Estaing n’a jamais été du goût de la gauche française. Malgré le fait que François Mitterrand dont François Hollande se réclame l’héritier sacrifia à ce rite, il y a de fortes chances pour que les lobbyistes qui bossent là-dessus ne parviennent pas à convaincre celui qui déclara, avant d’entrer à l’Elysée le 10 juin : «  Le changement c’est maintenant  ».

Or François Hollande dispose de beaucoup d’atouts dans son jeu pour opérer, cette fois-ci, la fameuse rupture que ne réalisa jamais Sarkozy après l’avoir pourtant promise durant sa campagne. Même si un autre adage florentin dit que « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » Hollande connaît probablement le dicton selon lequel « en politique quand on n’écoute pas, ça coûte le pouvoir ». La majorité absolue obtenue à l’Assemblée fait partie de ses atouts. En effet, jamais le parlement français n’a été aussi à gauche depuis trente ans que maintenant. Autre atout : Hollande ne doit rien aux grands patrons français comme son prédécesseur. Il est, alors, libre de tout mouvement.

Un nègre à Paris

On pourrait également se demander pourquoi La Grande Loge maçonnique , puissant groupe de pression, n’a pas aidé Denis Sassou-Nguesso à transiter par Paris avant de se rendre au sommet sur le développement durable à Rio de Janeiro. La réponse est que les maçons français de la GLNF sont eux-mêmes embourbés dans un scandale immobilier rue Wagram (cf. Le Canard Enchaîné du mercredi 20 juin 2012) « Si je t’aide, ça ne t’aidera pas » dit une maxime gauloise.

Il y a peut-être une autre réponse, contenue (celle-ci) non pas dans un adage, mais dans un chant : « Si tu vas à Rio, n’oublie pas que tu n’es rien »

Traduction : un roi nègre qui n’est plus reçu à Paris a perdu son pari à jamais.

Enfin la fin de règne à Mpila ?

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