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Système

- L’Editorial de Benda Bika -

Nous pourrions avancer mille et une raisons qui fonderaient notre mal-gouvernance. L’appétit du pouvoir, l’âpreté d’une compétition dont les règles sont sur le papier ce qu’elles ne sont pas dans la pratique, les énormes sommes d’argent facile en jeu, le tribalisme etc… sont autant de raisons vraies. Elles participent, à une échelle ou à une autre, dans la chaîne d’irresponsabilités qui font que depuis 40 ans nous végétions à l’état d’embryon de Nation toujours velléitaire.

Le tribalisme, surtout, gangrène bien des rouages de l’Etat. Là où la compétence saurait mieux répondre aux défis, un oncle, un cousin trône, inamovible. Il n’a de compte à rendre à personne en particulier, et n’a d’ordre à recevoir que du haut-placé dont il est le parent. Il vous pompera l’air avec mille et une emphases, sera le premier à parler « bonne gouvernance » et « droits de l’homme », mais dans la réalité on ne pourra lui appliquer aucune règle de contrôle connue, parce que les ressorts qui l’enracinent là tirent leur suc dans le terreau de l’ethnie. Qui s’en prend lui, s’en prend aux autres : intouchable !

L’argent facile ! Certains de nos dirigeants, peut-être parce que les plus exposés ou les moins discrets, sont connus pour être de vrais tonneaux de danaïde. Le pouvoir est grisant aussi de ce qu’il peut apporter des millions de facilités, là où le citoyen lambda croit devoir s’user le fond de culotte à empiler des diplômes, acquérir une expertise qui lui montreront comment compter les sous de l’Etat ; comment les gérer. La logique n’est pas la même : savoir dépenser, et savoir gérer ne sont pas la même chose. Bien impudent qui voudrait l’enseigner à qui a pris l’habitude de voir les millions pleuvoir. Sans effort.

Le pouvoir est aussi cette formidable machine à ordonner et à être obéi. D’aussi haut que l’on toise « son » peuple, on voit des millions d’échines courbées, capables de venir danser ventre et pieds nus au soleil, pour contenter le chef. Le soir venu, le danseur officiel s’en retournera dans sa famille où les haricots sont à compter, quand le chef se paîtra du meilleur veau - peut-être le sien - pour la simple raison qu’il est le chef ! C’est grisant, c’est émoustillant le pouvoir ! Et de là-haut, de ce nuage de félicité béate où les lunettes ne servent qu’à se cacher des rayons du soleil, on oublie bien vite qu’une Nation se « gère » précisément. Et qu’elle se compose d’êtres humains.

Tout cela, nous le savons. Personne ne s’édifiera à la lecture de ce qui est notre vécu. C’est tout juste si je me permets d’intercaler qu’en principe, les fausses vertus ainsi énumérées ne sont l’apanage de personne en particulier : jeunes comme vieux ; du Nord comme du Sud, personne ne peut dire qu’il est le contre-exemple.

Nous en sommes arrivés au point où nous devrions perdre les illusions. Tous ceux qui ont brillé de la soif de faire mieux ou autrement, ont fini par faire la même chose. Sinon pire ! La compétence n’y est pour rien. Il y a dans nos gouvernements autant de brillants cadres représentatifs, qu’il y a d’écoles réputés dont ils sortis. Simplement, au contact du pouvoir ils deviennent aussi nuls que les autres.

Et savez-vous pourquoi ?

Parce qu’une fois introduit dans le cercle des commandeurs, ils entrent dans un système. Le pouvoir se co-gère ; les ethnies s’estompent : on peut tuer, bannir et décréter sans état d’âme. Pourvu que la victime soit un ennemi du système - c’est à dire, qu’elle soit hors du système. C’est pourquoi il est ridicule de compter le nombre de Sudistes dans un gouvernement de Nordistes, ou de se pâmer d’aise devant la multitude de Nordistes dans un gouvernement de Sudistes. Qui qu’ils soient, ils sont les hommes et les femmes du sérail. C’est quand ils descendent - souvent brutalement - de leur piédestal que la région et l’ethnie se rappellent à leurs souvenir.

Le gouvernement actuellement en fonction à Brazzaville s’est signalé par au moins trois frondes internes. A peine nommés, des ministres ont voulu changer leurs directeurs généraux. Mal leur en a pris : le système les a rappelés à l’ordre. Ministres, oui, mais d’abord au service d’une collégialité de pouvoir : d’un système ! L’efficacité ? on ne l’apporte pas comme cela ! Elle se juge aux soutiens que l’on a, et à la longévité à un poste !

On m’a dit que, pour cela, Demba Tello a failli démissionner aux PTT. J’en suis encore à analyser le « failli ».

Benda Bika

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