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Tribalisme en religion ?

- L’Editorial de Benda Bika -

Un édito de Jean-Paul Pigasse a été rapporté sur notre site. Il traite de religion. Parlant de l’Eglise catholique notamment, le journaliste commet au moins deux erreurs, que je n’aurais pas relevées (je ne critique jamais un confrère) si elles n’étaient de nature à entretenir et conforte les préjugés qui font le lit de la violence.

1.- Que les prêtres n’ont pas à se mêler de politique.

Dit comme cela, les choses semblent tracées de telle sorte que toute intrusion d’un homme d’Eglise dans la vie socio-politique devient une immixion. Les prêtres et hommes d’Eglise sont aussi des citoyens, d’une part. Et ce n’est pas faire de la politique que de s’intéresser à l’humain. Comme le rappelait justement un homme d’Eglise, ahuris de voir les conséquences multiples de nos conflits interminables : l’Etat veut-il nous dire : Nous faisons la guerre… vous, vous occupez de ses conséquences seulement…

L’intervention de l’Eglise dans le champ de l’humanitaire appelle au moins à s’interroger sur les moyens d’arrêter la répétition des actes qui produisent ces faits. C’était le sens de la lettre des évêques en juillet, semble-t-il. L’analyse était-elle pertinente ? Tombait-elle à propos ou non ? On peut avoir chacun son avis. Mais cela n’excluait pas les citoyens, hommes d’Eglises ou pas, de la faculté de réfléchir sur leur pays, ni ne les transformait tous dans la diversité de leurs origines et parcours intellectuels, en opposants virtuels du régime. Dans tous les cas, la Conférence nationale, suivant peut-être bien un effet de mode, avait bien fait appel à un ecclésiastique pour la présider et conduire la transition. Personne alors ne s’offusquait de ce qu’une soutane dirige des débats, et conduise une action politique.

2.- Que le clergé congolais est en majorité lari.

Oui, c’est vrai. Mais c’est la conclusion qui en est tirée qui heurte et qui fait peur. C’est à dire, de faire accroire que c’est cette prévalence numérique qui "empêche", ou qui s’érige en système de refoulement et d’obstruction aux autres ethnies au sein de l’Eglise. Je n’aime pas beaucoup les termes "le pouvoir nordiste", "l’opposition sudiste" pour la simple raison qu’un cabinet ministériel, un gouvernement, un parti politique ont une majorité d’originaires d’une partie du pays.

Pour l’Eglise catholique, je reste également assez mécontent d’une globalisation qui peut suggérer aux esprits faibles que les catholiques sont des Laris. Ce serait un raccourci dangereux. Et le serait-ce que ce n’est pas une raison pour en faire une justification a posterio d’un comportement de rejet ou d’opposition, d’exclusion du débat national.

Je crois que tout Congolais doit pouvoir s’opposer ou adhérer au régime de Sassou Nguesso. Mais dès qu’on le fait pour la seule raison d’être du Nord ou du Sud, cest la Nation qu’on étouffe dans l’œuf. Car une démarche verra en tous ceux qui ne sont pas du Nord ou du Sud des opposants virtuels. De même pour l’Eglise catholique, ou protestante : dès qu’elles cesseront d’être vues d’abord comme des communautés spirituelles de libre adhésion et de foi, confinées aux mains d’une seule ethnie, la porte sera ouverte à tous les abus. Et, en temps de guerre comme maintenant, un abus de ce genre, coûte en vies humaines. Inutilement.

Le danger à traîner ce genre d’a-priori c’est qu’ils peuvent être à la base de tout comportement qui gommera les états d’âme. Or sans ces états d’âme, aucun compte n’est exigible de la conscience d’un acteur de terrain. Et donc aucune justice véritablement efficace. Quoi que diraient les enquêtes, que décideraient les juges, que montreraient les résultats d’une gestion économique, ce sera toujours un acte partisan vu comme destiné à brimer ou protéger une partie de la communauté nationale, avant tout. Nous pouvons saboter du travail ou, comme disent les jeunes en armes, « les bousiller », que nous en chaut : ce ne sont que les « autres » !

Viols, pillages, exactions diverses ne seront au pire que des bavures. Sinon des actes mérités par ceux-là qui sont vus globalement comme faisant partie du mauvais camp. Et nous en revenons à mon credo de toujours, qui devient radotage ici : aucune guerre du Congo ne cessera tant qu’aucun Congolais ne condamnera pas une guerre dans le Pool parce qu’il est d’abord du Pool. Et aucun développement ne sera durable au Congo tant qu’aucun Congolais ne s’émouvra de l’enclavement de la Likouala, parce que « ce n’est pas ma région ». Parce que le Congo ne peut avoir 342.000 Km2 sans le Pool. Et que le Congo ne peut pas être le Congo sans la Likouala.

Benda Bika

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