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Tribalistes

- L’Editorial de Benda Bika -

Le 21è siècle dans lequel nous sommes entrés confortera une réalité contradictoire de notre temps. D’un côté, en effet, des peuples et des nations s’affirment. Des Etats nouveaux ont vu le jour : la Croatie, la Macédoine, la Tchéquie et, plus près de nous, l’Erythrée. Au nom de la libre souveraineté de chaque peuple à décider de son avenir, des Etats-nations ont éclaté. Des micro-nations sont nées, ou tentent de le faire. Le Somaliland, le Puntland n’en finissent pas d’émietter une Somalie exsangue. Cabinda lutte.

Dans le même temps pourtant, et plus fortement qu’auparavant, jamais les identités nationales n’ont été aussi dangereuses à brandir. Le concept de l’ivoirité a causé des morts. La préférence nationale des partis extrémistes saupoudre l’Europe occidentale de brun. Et nous autres tirons à hue et à dia, entre des « nous » et des « eux » exclusifs. Au nom de cette ligne de démarcation, nous prenons les pouvoirs, les gérons bien ou mal, les protégeons, les défendons, les attaquons, les contestons.

D’un côté, des frustrations qui s’expriment souvent par la violence, pour déloger ces « toujours eux ». D’un autre côté, ces possédants du moment qui s’arment de tout pour défendre une légitimité qu’ils croient naturelle et toujours menacée. Par « toujours les mêmes » ! Personne au Congo n’avouera qu’il est tribaliste. Tout juste reconnaîtra-t-on qu’on aime tout le monde, « sauf eux ! » Les « eux » sont nordistes ou sudistes, puisque notre pays n’a que deux points cardinaux reconnus.

Nous autres sommes tribalistes comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.

Les thèses fédéralistes reprennent du service ces derniers jours. Pour leurs promoteurs, il s’agit de tracer, au moins juridiquement, des barbelés entre les prédateurs d’un côté et les bons de l’autre. Rien à voir entre « eux » et « nous » ! ‘Je suis Congolais, mais vous avouerez que « eux » ne sont que des jouisseurs et des pilleurs, alors que « nous » pensons nation !’ Ainsi naissent les dictatures : un peuple élu saura toujours trouver en face les dévoyés « menaceurs ». Et ne se remettra jamais en cause.

Pourtant, et sans vouloir tomber dans le prêche, force est de reconnaître que nos familles sont imbriquées. Que les généalogies se tordent d’un nord vers un sud et vice versa, à la faveur d’un grand-père volage, ou d’un oncle fonctionnaire dans le « mauvais endroit », ou d’un mariage d’amour traversant les ruisseaux ! Des neveux infiltrés, nous en avons chez les « autres ». Leur présence n’a pas suffi à arrêter les folies ataviques. Des enfants ont été pilés à Mfilou et à Bacongo, parce que nés d’un mariage trop « englobant » !

Tout se passe comme si cette logique-là était la seule à devoir prévaloir. Et que nous n’attendions que notre jour pour la reproduire et la défendre, coûte que coûte. C’est Moungounga lançant : « c’est notre tour ! ». C’est Lekoundzou décrétant : « Gouvernement ya nzala ! ». Deux « eux » et deux « nous » pour ceux qui fourbissent les armes de la revanche. Mais aussi une preuve que le tribalisme ne nous sert que lorsque des intérêts sont menacés. Souvent économiques et politiques. Jamais congolais.

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