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Tribune Libre : Ce que je sais de Mathias Dzon

En tournée dans les pays du Niari, le candidat Mathias Dzon, a indiqué avoir été informé du déclenchement de la guerre du 5 juin 1997 en ces termes : « Quand la guerre éclatait, dit-il, j’étais en France. J’ai appris comme tout le monde que la guerre vient de commencer à Brazzaville. […] Et, je suis rentré au pays. Alors, j’ai posé la question : «  Cette guerre qu’on vient d’avoir-là, qui a raison, qui a tort ? » Personne ne peut dire. Alors si personne n’a raison ni tort, dans ces conditions-là, prenons une amnistie générale pour que tout le monde vienne ici pour que nous puissions discuter politique », avant d’ajouter : « Il n’est pas possible que j’ai pu avoir de l’argent pour financer une guerre ».

Nous avons longtemps hésité à prendre notre plume pour réagir parce que nous étions en face d’un double dilemme. « Si vous avez du sel dans une main, de l’huile dans l’autre et une mouche avec la main droite, c’est le sel qui se perd. Avec la main gauche, c’est l’huile qui part ». Nous tenons ce proverbe du livre de feu Président El Hadj Omar Bongo-Ondimba. Ancien militant de Magenta et membre du Club « Diagnostic’s & Challenges », nous ne pouvions ne pas réagir à ces propos dont le contenu marquait une césure avec une partie de notre engagement militant.

Mathias compagnon d’exil de Sassou

Si nous nous félicitons de la liberté que s’accordent aujourd’hui nos leaders de dire leur part de vérité sur les grandes questions d’intérêt national, nous sommes surpris et préoccupés par les relents révisionnistes que prennent certaines déclarations. L’on souhaiterait faire passer auprès d’une certaine opinion une version allégée, aseptisée et revisitée sur les origines de la guerre du 5 juin que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Mathias Dzon qui affirme n’avoir découvert la guerre du 5 juin 1997 qu’à travers les médias a, délibérément, choisi de se mettre en arrière-plan de cette vérité historique en pointant un doigt accusateur sur ses amis d’hier devenus, l’espace d’une campagne électorale, adversaires politiques.

Dans le département du Niari - l’ancien fief du Président Lissouba-, où le candidat Mathias Dzon était en tournée électorale, il a voulu se démarquer. Ce qu’il a omis de dire à son auditoire, c’est qu’il a été l’un des cadres parmi tous ceux qui avaient suivi Sassou dans son exil parisien à avoir œuvré pour son retour au pouvoir en 1997. Dans son exil parisien, il a joué un rôle actif dans le dispositif mis en place pour accompagner la restauration de l’Etat de droit au Congo. C’est peu dire que « Magenta » et « Montaigne » avaient joué un rôle déterminant dans ce combat. Ne pas le reconnaître serait politiquement suicidaire pour la mémoire collective et intellectuellement irresponsable pour toute personne qui aspire à jouer des rôles de premier plan dans la vie politique nationale.

Les têtes bien faites de Montaigne

A « Montaigne », lieu du lobbying et des relations publiques par excellence, c’était le Quartier Général du Président des FDU Denis Sassou Nguesso. Y gravitaient autour, les camarades Edouard Ambroise Noumazalay, Anatole Khondo, Rodolph Adada, Le général Pierre Oba, Serge-Michel Odzoki, Mamadou Dékamo Camara, Christian Gilbert Mbembé et Mathias Dzon, pour ne citer que ceux-là. De son côté, Mathias Dzon assurait la liaison avec les jeunes militants rassemblés eux, au sein du Collectif des Associations Démocrates et de la section France des Forces Démocratiques Unies (FDU).

Au 45 du Boulevard de Magenta, dans le 10ème arrondissement de Paris, c’était le siège du militantisme de terrain et de la mobilisation tous azimuts. Dans ces lieux venaient s’y retrouver et s’y ressourcer des militants des FDU et des universitaires venus de toute l’Europe. Siégeaient dans ces locaux, les membres du Collectif des Associations Démocrates (CAD) et les partis politiques affiliés aux FDU. Au 4ème étage de cet appartement gracieusement mis à la disposition des militants par le Président des Forces Démocratiques Unies (FDU) avec la bienveillante attention de Madame Edith-Lucie Bongo Ondimba, on croisait des visages familiers, toujours les mêmes de : William Bongo, Hervé Oboa, Etienne Mokondjimobe, Paul Soni-Benga, Roger Nguengué, Bosco Ondongo, Makélé Kindzouani, Moïse Kaouamy, Joseph Ossibi, Ignace Tendelet, Gabriel Ebengué, Franck Gandziri, Alain Ippet, Dieudonné Louaka, Jacques Olongo, Patrice Bembeni, Laurent Bahonda, Fidèle Ebba, Célestine Kouakoua, Joseph Mampouya, Jean Jules Bayaud, Fidèle Ondouo, etc.

Si les murs pouvaient parler

Dans ce dispositif, le camarade Mathias Dzon était le trait d’union entre le Q.G. de Montaigne et le Boulevard de Magenta où se réunissaient les « Jeunes » militants acquis à la cause du Président des FDU. Si les murs du 4ème étage de Magenta pouvaient livrer leurs secrets, et sa cuisine donner par le menu les débats qui y étaient concoctés, ces lieux témoigneraient de la présence quasi assidue du camarade Mathias Dzon dans ce temple mythique du combat politique tant il était omniprésent. Que dire alors, du bureau du camarade Denis Sassou Nguesso à « Montaigne », où Mathias Dzon prenait parfois ses aises pour se concentrer dans l’attente de l’analyse des informations en provenance de Brazzaville. Il ne serait donc pas honnête de dire que l’on n’a jamais été au cœur de la stratégie qui a accompagné le retour au pouvoir du camarade Denis Sassou Nguesso.

En témoigne, l’excellent article de Francis Kpatindé « Le retour de Papa Bonheur » publié dans l’hebdomadaire « Jeune Afrique » et consacré aux hommes qui, en France, ont accompagné le retour de Denis Sassou Nguesso au pouvoir grâce à leur activisme.

Qu’y apprend-on ? : « Avenue Montaigne, une équipe dynamique, composée pour l’essentiel d’anciens collaborateurs. Il y a là Rodolph Adada, son ancien ministre du Pétrole, chargé des contacts avec des pays étrangers et avec le groupe Elf, le colonel Pierre Oba, proche parmi les proches, responsable des questions militaires. Mais aussi Serge-Michel Odzoki, ancien directeur de Radio Congo, chargé des relations avec la presse, Anatole Khondo, un ancien syndicaliste considéré comme le véritable « Secrétaire permanent » du QG parisien, Mathias Dzon, ancien banquier, grand argentier de ce commando de choc. L’équipe dispose de fax, de téléphone Immarsat et, même d’une connexion à l’Internet. Quand aux plus jeunes militants, ils se retrouvent boulevard Magenta, où Papa Bonheur a mis à leur disposition un local ». (Jeune Afrique n°1921 du 29 octobre au 4 novembre 1997).

Les faits sont là. A vouloir les tronquer ou les manipuler à souhait, la réalité fini toujours par vous rattraper. L’histoire, c’est aussi les moments de doute, de solitude, de complicité et d’intense émotion dans le partage d’un idéal, tels que vécus par tous ceux qui gravitaient autour de « Magenta » et de « Montaigne ». Disons-le, et reconnaissons l’aide multiforme dont les militants de « Magenta » et « Montaigne » ont bénéficié de Madame Edith-Lucie Bongo Ondimba ; une aide inestimable pour tous. Incommensurables privilèges pour ceux qui animaient la réflexion au Q.G. de « Montaigne » au premier desquels, le camarade Mathias Dzon.

Ingratitude

De son exfiltration via Libreville pour Paris où il était pourchassé par le pouvoir du Président Lissouba, du soutien personnel apporté par feu le Président Omar Bongo Ondimba pour qu’il réponde face à ses multiples problèmes logistiques et divers lors de son exil parisien, le camarade Dzon Mathias a bénéficié de la générosité du couple présidentiel du Palais du bord de la mer à Libreville. Ce n’est semble-t-il pas au nom de la « Tékénité » sublimée, mais du fait de sa proximité avec Sassou Nguesso dont les liens particuliers l’unissaient avec le couple présidentiel du Gabon.

Cette proximité, si l’on s’en tient à la solidarité africaine, aurait poussé le camarade Mathias Dzon à avoir un peu plus de compassion pour Sassou Nguesso lorsque la fille aînée a été rappelée à Dieu. Cette solidarité s’est évanouie dans les méandres des absurdités politiciennes. Le candidat à l’élection présidentielle de l’opposition dite radicale n’a daigné ni faire le déplacement de Libreville ni aller s’incliner à Edou devant la dépouille mortelle de la première dame du Gabon, Edith-Lucie Bongo-Ondimba. La rancune ayant endurci les cœurs, la compétition électorale ne pouvait que tourner le dos à la raison.
Là où la classe politique congolaise a unanimement marqué une trêve pour honorer la mémoire de l’illustre disparue ; là où l’opposition toute entière, y compris la frange dite radicale, a joué la solidarité en faisant le déplacement de Libreville, Brazzaville et Edou pour aller soutenir un père étranglé par la douleur, ceux qui pensaient que les joutes politiques pouvaient s’arrêter aux frontières de la douleur n’ont eu qu’à relever l’inélégance du geste de Mathias Dzon qui a anesthésié toute forme de compassion en refusant d’aller s’incliner devant la dépouille mortelle d’Edith-Lucie Bongo-Ondimba. Ainsi va la politique.

Mathias Dzon, comptable de la guerre civile du 5 juin 1997 ? Nul ne peut défendre pareille assertion. Acteur contre son gré de ces évènements tragiques ? Oui. Car, telle était l’issue, la seule, qui s’offrait à tous ceux qui étaient réunis à « Magenta » et « Montaigne » autour du camarade Denis Sassou Nguesso pour mettre un terme à la dérive totalitaire de l’époque. Pourquoi, alors, renier ce passé ? Si ce n’est pas pour faire le lit de la démagogie populiste, ce serait à quelles fins ?

P.SONI-BENGA
Essayiste
Ancien membre du Club « Diagnostic’& Challenges »
Directeur Général de Digital Radio Télévision (DRTV)

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