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Un exemple à suivre par Mayombe 82

Depuis toujours, je considère le Mali comme un pays peuplé d’hommes et de femmes braves, très braves. Même si en relativisant, je me dis que l’être humain a une capacité extraordinaire à s’adapter, qu’il soit dans le désert des Tartares, dans le Ténéré, au Pôle nord comme au Pôle sud.

J’ai encore en mémoire cette phrase d’une jeune sœur malienne, il y a un peu plus de dix ans qui s’adressait à un Congolais : « Vous ne vous rendez pas compte de la pauvreté que nous avons au Mali ! Notre pays est pauvre, très pauvre ! Si on avait les forêts que vous avez chez vous, les eaux, un sol aussi fertile, je ne serai pas là en train de discuter avec vous ! » Certes, avec des “si” , Kibossi serait même à Salvador de Bahia. Il n’empêche que même parmi les pauvres, il faut reconnaitre qu’il est des Etats, des systèmes qui se distinguent parfois positivement. Même très positivement. Les choses devant d’abord être une question de volonté de politique. Sans volonté politique, aucun pays ne peut tenter de jouer dans le concert des Nations un rôle qu’il estime être à sa hauteur.
La parenthèse Alpha Oumar Konaré (AOK) ne sera sûrement pas celle que tous les Maliens retiendront comme la plus belle en termes d’économies, de croissance, de création d’emplois et surtout de lutte contre la corruption. AOK n’est assurément pas un homme d’argent. Si c’était vraiment le cas, franchement tout le monde le saurait. On peut mettre à son passif l’emprisonnement de certains leaders politiques lors de son 2nd et dernier mandat à la tête de son pays (1997-2002). Mandat qui a vu notamment son élection se dérouler dans des conditions calamiteuses, ce qui lui vaudra, à lui aussi l’étiquette de « mal élu ».

L’assassin revient toujours sur les lieux du crime

En 1992, après 14 mois de transition, Amadou Toumani Touré (ATT) cède démocratiquement son fauteuil à son ancien professeur AOK, sans la moindre effusion de sang. Sans aucune contestation de la part de qui que ce soit. Il faut noter que ATT a eu l’élégance de ne pas se présenter comme l’auraient fait, le feront plus tard nombre de ses frères d’armes (Lansana Conté en 1984 en Guinée, Robert Gueï en 1999/2000 en Côte d’Ivoire, François Marc Bozizé en 2003/2005 en RCA…). Dix ans durant, l’ex-militaire va sillonner l’Afrique et le reste du monde, s’engageant dans des combats divers comme la recherche de la démocratie, l’éradication du ver de Guinée. Non sans succès. Apprécié et respecté partout où il professait sa bonne parole (enfin, presque !), pasteur ATT provoquera toutes sortes de frémissements lorsqu’en 2002 il décide de se présenter à la présidentielle pour succéder à son prédécesseur…

Frémissements de toutes sortes car son extrême popularité ne pouvait être qu’un obstacle à tous ceux qui se voyaient déjà remplacer l’historien et archéologue au Palais de Koulouba. D’autres par contre le mettront en garde car un échec serait la plus belle des manières de multiplier son crédit acquis, construit et consolidé plus de 10 ans durant. Il mettra presque tout le monde d’accord et s’imposera fort brillamment en 2002.

Du pragmatisme comme mode de gouvernement

ATT est bien conscient que son Mai est pauvre. Extrêmement pauvre. Et il sait que malgré toute la bonne volonté dont les Maliens peuvent faire montre, il est des choses contre lesquelles il est difficile de lutter ! En France, le Malien est souvent perçu comme un balayeur de rues (« technicien de surface » pour être politiquement correct), sans papiers… Quand il est interrogé sur la pauvreté supposée ou réelle de son pays (voir par exemple son entretien accordée à Karl Zéro sur C+), l’ex-général riposte en mettant en avant les Maliens qui font la fierté de leur pays et qui contribuent à leur manière au développement du pays : l’homme d’affaires Malamine Koné, patron de la marque de sports Airness ; les footballeurs talentueux Mahamadou Diarra (Réal Madrid, Espagne), Adama Coulibaly et Seydou Keïta (RC Lens, France) et Frédéric Oumar Kanouté (FC Séville, Espagne) pour ne citer que ceux-là. Au Congo, on pourra gueuler comme on voudra avec notre pétrole de malheur, force est de reconnaître que nous n’avons pas de quoi rivaliser sur ces plans-là…
80 à 90% % des Maliens de la diaspora viennent d’un seul et même coin : la région de Kayes, région assez pauvre où pour faire pousser une graine, il faut prier sans cesse.
ATT est un homme intelligent, très pragmatique. Il sait pertinemment que ce ne sont pas les discours qui règlent les problèmes. Ce n’est pas en faisant « boire au peuple de l’eau de mer en lui faisant croire que c’est de la limonade » comme l’avait déclaré DSN en 1990 (phrase qu’il est incapable de mettre en application lui-même depuis son arrivée aux affaires dans les années 70). ATT dirige un pays qui produit beaucoup de coton (comme le Burkina-Faso, le Cameroun etc.). Le coton africain subit une crise terrible à cause entre autres des subventions que les US accordent à leurs cotonculteurs. Mais il y a aussi un facteur que l’on retrouve partout, une denrée qui est trop bien partagée : la corruption ! Le Mali a beau avoir plus de 90% de musulmans plus ou moins pratiquants, ils n’en demeurent pas moins des Hommes comme les autres. Et aucun pays sur cette Terre des Hommes n’a réussi à éradiquer ce fléau qui est aussi âgé que Mathusalem. Et si dans des démocraties plus ou moins assises, on voit souvent tous types de personnes (Hommes politiques, Hommes d’affaires, quidams…) défiler devant les prétoires, force est de reconnaître qu’en Afrique, il faut souvent un changement de régime pour voir une grosse légume (politique ou du monde des affaires) comparaître ou être épinglé par une commission pour malversations financières.
ATT a eu le courage de nommer dans son pays un Vérificateur général, en la personne de M. Sidi Sosso Diarra, citoyen malien né à l’époque coloniale en Haute-Volta, actuel Burkina-Faso, il y a 61 ans de cela. J’ai écouté son interview sur rfi récemment, et j’ai été bluffé par sa franchise, ses convictions qu’il affiche. Il a une paie de 4.000.000 de FCFA/mois et ses collaborateurs touchent entre 628.000 et 2.000.000 FCFA. En effet, ATT et ses collaborateurs ont compris que pour qu’un Homme résiste un peu à la corruption, que pour qu’un homme lutte ou essaie de lutter contre la corruption, quelqu’un qui se doit de débusquer les malversations de toutes sortes, il lui faut un revenu minimum à même de lui permettre d’avoir un niveau de vie plus que décent. Et pour qui connaît un peu ce pays, 628.000 FCFA/mois est une paie plus qu’intéressante. Je me souviens qu’il y a 10 ans environ, un frère malien qui avait déjà travaillé dans son pays et passait un nouveau diplôme dans le domaine de la finance me donnait des nouvelles d’un de ses compatriotes qui était rentré avec sa maîtrise en finances : « Ça va très bien pour lui. Il est à la Bank of Africa, avec pas moins de 300.000 FCFA/mois. Il a même terminé les travaux de sa maison, la 2ème ! » Déjà à l’époque (on est en 1997), 300.000, ce n’était pas énorme pour un pays comme le Congo de N’gouabi où le coût de la vie est super élevé depuis des années. Mais au Mali, 628.000, c’est très bien. Alors, les 4.000.000 du patron de cette structure ne le mettent pas à l’abri de la corruption, mais limitent tout de même les tentations auxquelles tout homme peut être exposé sur cette Terre des Hommes. Mais Sidi Sosso Diarra, si je puis dire, ce n’est pas n’importe qui. Ce n’est pas un homme parachuté depuis le FMI ou la BM ; ce n’est pas un homme qui s’est retrouvé là imposé par les occidentaux. C’est à la base un expert-comptable bardé d’autres diplômes : maîtrise des affaires (Paris I, 1977), maîtrise d’économétrie (Paris I, 1978), diplôme de l’ESSEC. Je fais volontairement l’impasse sur son parcours professionnel qui plaide en sa faveur et qui montre bien qu’il n’est pas un yaka noki noki. Ce poste, il ne l’a pas usurpé.

En effet, pour être nommé par ATT, il y a eu une longue procédure dont nombre de pays pourraient, devraient s’inspirer. Le Secrétaire général à la présidence, un homme très respecté, M. Modibo Sidibé a remis 100 dossiers de candidatures pour les postes de Vérificateur général et de son adjoint à une commission de dépouillement. Cette dernière proposera par la suite 3 noms au chef de l’Etat. Et c’est comme cela que M. Sidi Sosso Diarra, ainsi que son adjoint, M. Modibo Diallo, contrôleur général de la police. Ce dernier, dans tout le Mali comme un homme intègre, inflexible et incorruptible : en somme, le rêve même pour nos Etats où nous crions tous les jours au voleur, quasiment depuis des lustres…

Les Maliens, pour le choix de ce duo de choc qui fait des dégâts immenses dans les milieux mafieux du pays, se sont inspirés du modèle canadien. Sauf que, ici, les deux hommes son entièrement à la merci du chef de l’Etat, alors qu’au Canada, le Vérificateur général est inscrit dans la constitution et l chef de l’Etat ne peut le révoquer. Ce qui lui confère plus d’aura et de pouvoir.

Beaucoup dans ce monde s’accrochent à leurs postes. Car après les nominations, point de salut… On a vu à Mavula, à P/N des Hommes qui roulaient carrosse (Cf. l’expression du bourgeois de gauche A. E. Yoka en 1991) se retrouver du jour au lendemain piétons, sans le moindre sou pour se payer même un voyage à Rabat ou à Kinshasa. Ils se mettent à faire la courbette au nouveau pouvoir en place (quand il y a alternance), ils ne sont même plus capables d’offrir quelques gouttes de lait concentré le matin à leur progéniture. M. sidi Sosso Diarra a son cabinet d’expert- comptable. On leur coupe parfois même le téléphone avec lequel ils se sont amusés des années durant. S’il est désavoué un jour par le président de la République, il retourne dans son cabinet, et tout le monde sait que les experts-comptables ne sont pas les plus pauvres dans une économie de marché (ce qui est le cas de pratiquement toutes les économies de la planète).

On peut penser par définition que les inspecteurs des impôts, des finances, du Trésor peuvent très bien remplir ce rôle de vérificateur à travers un pays, mais force est de constater que si on en arrive là, c’est qu’il y a eu échec quelque part. au pays, nous connaissons les inspecteurs. On connaît leurs salaires de misère. Quand on voit un inspecteur des impôts qui vit à Mavula et qui vient voir sa femme et ses enfants tous les 6 mois en France, dans un appartement qu’il loue ou qu’il a acheté. On a tout compris.

Nombre de Congolais crient tous les jours «  proposez au lieu de critiquer  ! ». Pourquoi ne pas s’inspirer de cet exemple malien ?

Á noter que M. Sidi Sosso Diarra est le frère aîné du très célèbre navigateur interplanétaire, Cheick Modibo Diarra. Leurs parents (au ciel ? dans leurs tombes ?) doivent être fiers de leur progéniture, ce que tout le monde ne peut hélas ! faire.

M82

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