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Une jeunesse qui rame à contre-courant (2)

Survivre semble difficile dans l’univers hostile du Congo-Brazzaville. Mais contre toute attente, certains jeunes veulent faire la différence en mettant leurs atouts au service de la population et ainsi pouvoir s’en sortir avec les moyens du bord.

UN PEU D’ESPOIR DANS UN UNIVERS DE DESESPOIR …

De l’image et de la réalité que beaucoup ont du Congo, c’est un univers désastreux qui n’inspire plus aucun optimisme. Ceci est pourtant vrai lorsqu’on voit la réalité en face et de nombreux jeunes désoeuvrés qui déambulent dans les rues et avenues de nos villes à longueur de journées.

Un séjour à Pointe-Noire permet de constater que de nombreux jeunes sont déscolarisés, depuis les guerres que le pays a connues. Mais aussi parce l’école coûte désormais très cher avec les écoles privées qui foisonnent et certains parents démissionnent de leurs responsabilités faute de pouvoir payer des études à leurs enfants.

Dans le souci de ne pas vouloir tomber dans un pessimisme paralysant, il a fallu regarder de plus près certains jeunes pour découvrir que dans cette marre de mauvaises nouvelles où baignent les congolais, il existe une jeunesse (certes rare) qui veut se prendre en main pour essayer de s’en sortir.

Des jeunes entre 17 et 35 ans ont bien voulu partager leurs expériences :

AIMER LA MENUISERIE POUR DEVENIR MENUISIER

Félix KOUKANGA est menuisier et tient un atelier ("Africa-bois") à Pointe-Noire en compagnie de ses 5 apprentis qui ont entre 14 et 27 ans. Diplômé du Collège Enseignement Technique de Mantimou, il exerce ce métier comme un héritage reçu de son père.

Pour lui, être menuisier demande de l’habileté pour maîtriser l’usage de certains outils, de l’intelligence et une grande capacité d’observation. Mais il faut aussi avoir le désir de le devenir « que le jeune soit d’accord pour apprendre ce métier, ceci l’aidera à s’impliquer. Même si l’idée vient des parents, il doit lui-même aussi donner son avis ».

Monsieur KOUKANGA prend son rôle de formateur à cœur et pense qu’il contribue à aider les jeunes à se prendre en main et à mieux vivre. Son souhait le plus ardent est de trouver un endroit plus grand où il implantera un foyer d’accueil pour les enfants défavorisés et déscolarisés qui voudraient apprendre la menuiserie. Ils travailleront et recevront une rémunération pour subvenir à leurs besoins. D’après lui, ceci permettra « de diminuer la criminalité et le banditisme. S’ils sont occupés, ils n’iront pas voler ou tuer. Je voudrais laisser le pays entre les mains des jeunes qui feront la fierté de notre pays ».

La menuiserie est un métier passionnant d’après le maître menuisier qui pense que c’est le manque d’information sur ce métier qui fait que de nombreux jeunes congolais le méprisent. Pour lui le bois est la « base du confort d’une maison, il faut un lit, des fauteuils, des chaises, etc. Sans ce métier l’homme ne peut pas être à l’aise, c’est un métier capital et noble qui permet de vivre confortablement ».

Dimitri MOUKASSA (22 ans) est apprentis menuisier, il a connu un parcours scolaire difficile. Après un échec scolaire, il avait décidé d’apprendre la menuiserie en voyant les autres sortir pour aller travailler le matin, alors que lui restait dépendant de ses parents. « Pour que je sois autonome, j’ai décidé d’apprendre la menuiserie. J’ai eu des difficultés pour apprendre, mais j’ai fini par m’adapter et maintenant je réalise des choses. Quand le maître est absent, je peux prendre les choses en main ». Maintenant il dit qu’il se prend en main et arrive à aider ses sœurs et sa maman avec le peu qu’il gagne.

Duffhy MOULELE (17 ans), « j’ai abandonné mes études en 3e, j’ai fait la tôlerie, mais le garage dans lequel je travaillais avait fermé ». C’est sa mère qui l’a présenté à Félix KOUKANGA et après beaucoup d’hésitations il a décidé d’apprendre la menuiserie. Son choix a été influencé par un ami qui est menuisier et qui vit assez bien.

A 27 ans, Guy NGOUBILI travaille depuis 6 ans dans cet atelier de menuiserie. Quand il apprenait, sa devise était « comme j’ai commencé, je dois aller jusqu’au bout. Je dois finir et vivre à mon aise ». Pour lui, le bois est partout dans la vie des humains et c’est ce qui a motivé son choix pour ce métier.

« Mon oncle m’a poussé à faire ce métier. Au début je n’étais pas motivé, mais maintenant je suis satisfait. J’ai vu que c’est un bon métier ». Ce sont là les propos de Miche MOUSSOUNDA MBOUMBA (17 ans).

Ardèche KOUKANGA (20 ans), quant à lui parle de la menuiserie comme un métier de longue tradition familiale « dans ma famille mon grand père a initié mon papa et ses frères et eux me l’ont appris. J’exerce ce métier pour m’en sortir dans la vie ».

ESTHETICIEN AMBULANT

De nombreux jeunes hommes comme Adida sillonnent les rue et avenue des villes congolaises en entrechoquant des flacons de vernis. Ce sont des esthéticiens ambulants tels que les connaissent de nombreuses femmes qui veulent avoir de beaux ongles aux mains et aux pieds.

Adida pratique la manucure et la pédicure, n’ayant pas de salon d’esthétique il passe dans la rue et des clients l’appellent chez eux pour traiter leurs pieds et leurs mains. Il porte tout son matériel dans un sac ou un seau qui contient des flacons de vernis, du dissolvant, des ongles artificiels, du citron et le matériel nécessaire pour faire de la manucure et de la pédicure. L’utilisation du citron est souhaitable parce qu’il permet, d’après Adida, de lisser les pieds et les mains.

Après avoir arrêté un apprentissage en mécanique auto, il a commencé par travailler dans un salon de coiffure et de soins corporels qui a par la suite fermé ses portes. Suite à cette fermeture, il s’est décidé de travailler à son compte en utilisant les compétences acquises lors de son apprentissage dans ce salon de beauté. Maintenant il a des clientes fidèles chez qui il va régulièrement pour refaire des soins.

Pour lui, ce travaille permet de vivre normalement, le prix des soins varie entre 400 FCFA et 600 FCFA. Il arrive à appliquer des soins à un dizaine ou plus de personnes par jour.

GENE ET BLESSE D’EXERCER UN TEL BOULOT

Adida est un jeune ambitieux, mais blessé comme le sont certains jeunes qui sont parfois obligée de faire de petits boulots pour s’en sortir. Contrairement à d’autres qui parlaient volontiers de leur travail, il était peu bavard et disait clairement pratiquer ce travail faute de mieux. Il a même été obligé de partir de sa ville natale parce qu’il ne pouvait pas supporter le regard des gens qui le connaissent. Durant tout l’entretien il n’osait pas dévoiler son visage caché derrière une casquette et craignait visiblement d’être filmé. Cependant son témoignage verbal, il l’a accordé à condition de garder l’anonymat.

Quant au message à adresser à d’autres jeunes, Adida n’a pas voulu donner ni son point de vue ni des conseils pour ne pas s’attirer des ennuis. Parce que d’après lui, les jeunes de son âge n’aiment pas être contrariés, ainsi il préfère garder ses points de vue pour lui.

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