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Violences

- L’Editorial de Benda Bika -

Je ne sais pas quel futur se prépare une nation qui fait vœu de manger ses propres fils à tous les coups. Violences, tueries, massacres en tout genre sont congolais. Chaque fois que le fauteuil présidentiel du Congo a changé de titulaire, cela s’est traduit par un alignement de morts.

De Youlou à Massamba Débat, de Ngouabi à Yhombi, de Sassou à Lissouba, et même de Sassou à Sassou, le Congo a dû pleurer ses fils pour saluer les transitions nouvelles. De l’ère post-coloniale immédiate au monopartisme affirmé, du communisme rêvé (par certains) à la démocratie décidée (par les autres), nous avons signé les différentes étapes par le sang des nôtres.

Le Congo : 42 ans d’indépendance, des milliers de morts et toujours au même point de départ. Pas une aspirine dans un dispensaire ; pas un seul produit local devenu fierté nationale. Le sang versé n’a contribué ni à l’affirmation d’une identité congolaise, ni à désarmer les replis sur soi, ni à rien bâtir. De quoi donc sommes-nous fiers en tant que Congolais et qui fonde des lendemains d’espérance ?

On aurait pu penser que 1959, 1963, 1969, 1977, 1992, 1997 et 1998 auraient suffi largement. Qu’ils auraient marqué du sceau de l’infamie chacune des tentatives de replonger dans l’intolérance. Il n’en est rien. Nous en sommes toujours au même point : on tue l’autre parce que autre, et aucune conscience pour s’émouvoir du compatriote lointain. Et nous nous disons Congolais !

Au point où nous en sommes, nous devrions apprendre à nous méfier de tout. Même la démocratie, mot qui rassemble un large consensus d’intentions et de prétentions, est en réalité un piège dangereux. Celui qui en parle, ne la fait pas. Celui qui croit devoir la faire est convaincu que seule sa manière est valable. Celui qui la conteste ne propose rien. Celui qui propose a d’autres intentions. Bilan : du sur-place. Et toujours cette cohorte de morts inutiles.

Les « Trois martyrs », les Pouabou-Matsokota-Massouémé, Kiganga, Diawara-Ikoko, Ngouabi, Biayenda, Massamba-Débat, Kimbouala-Kaya et autres Anga… et aujourd’hui les Willy Mantsanga peut-être : des deuils infinis que ne justifie pas même le soupçon que certains d’entre eux ont usé de cette même violence dont ils ont été les victimes. Des cercles vicieux de vengeances se sont tissés.

Comment en sortir ? Qui fera le premier pas ? Qui commencera à penser Congo ? Qui, à l’instar d’un ancien du CMP (à la Conférence nationale), osera dire : « Nous avons tué, nous avons eu tort. Cela doit cesser à jamais ! »

Ce courage-là n’est pourtant l’obligation exclusive de personne en particulier. Toi et moi devons, ici et maintenant, savoir reconnaître nos glissements vers la violence tueuse. C’est à ce prix qu’individuellement nous susciterons une contagion à la paix. Pour la paix du plus grand nombre, seule capable de mettre le mot fin à la litanie des morts.

La guerre aujourd’hui est dans le Pool. C’est à dire une autre violence, avec les apparences de la légalité, s’est développée sur les flancs du Congo. Dire : « N’Tumi l’a bien mérité » est un argument de faiblesse. Il faut remonter – pour le démonter – au mécanisme qui nous précipite vers des fusils toujours faciles à trouver lorsque surgit une contradiction. Car en plus de quarante ans d’indépendance, le Congo n’a posé qu’un seul acte national incontestable : celui d’avoir répandu généreusement la violence, sans déranger sa conscience. Jusqu’à quand ?

Benda Bika

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